Un bâillon sur le pilier de la laïcité scolaire

2020/02/11 | Par Jacques Landry

L’auteur est président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ)

C’est sous bâillon que le ministre Roberge et le gouvernement Legault mettent fin à une institution centenaire, les commissions scolaires, et défigurent le réseau scolaire public avec une réforme mal ficelée. Moins d’un dixième des articles du projet de loi a pourtant été étudié. Un enjeu important qui passe ainsi sous le radar : le retrait des mentions au Service d’animation spirituelle et d’engagement communautaire (SASEC) de la Loi sur l’instruction publique.

Alors que le premier ministre Legault vient de déplorer une pléthore de commentaires haineux et racistes sur son compte Facebook, pourquoi mettre la hache dans ce service qui vise à favoriser le vivre-ensemble? À la CAQ, on semble confondre « vie spirituelle » et « religion ». Pourtant, le SASEC a été mis en place au début des années 2000 dans le contexte de la déconfessionnalisation de l’école québécoise. C’est un pilier de la laïcité scolaire.

Le SASEC est tenu à bout de bras par des animatrices et des animateurs chevronnés qui visent à faire de l’école un lieu de réflexion, de quête de sens et de solidarité : un laboratoire de vie. Ils accompagnent les élèves dans cette période charnière où ils se posent des questions existentielles, construisent leur vision du monde et développent leur conscience sociale. Jamais les élèves n’ont eu autant besoin de lieux d’échanges inclusifs pour contrer la xénophobie, l’intimidation ou la radicalisation.

Avec l’adoption du projet de loi no 40, l’école n’aura plus à « faciliter le cheminement spirituel de l’élève afin de favoriser son épanouissement ». C’est la seule mention à l’épanouissement de l’élève de la Loi sur l’instruction publique. Comme le propose la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, plutôt que de supprimer cet article de loi, il faut l’élargir : afin de favoriser l’épanouissement de l’élève, l’école doit faciliter son développement intégral : moteur, affectif, social, intellectuel, mais aussi moral et spirituel[1].

Nous demandons la mise en place d’un comité ministériel sur le SASEC en marge des consultations sur la transformation du cours d’Éthique et culture religieuse, le deuxième pilier de la laïcité scolaire.

Depuis plusieurs années, le SASEC peine à survivre aux coupes budgétaires. Les animateurs du SASEC souhaitent que leur service soit actualisé, ils sont même en faveur d’un changement de nom si le terme « spirituel » titille trop le ministre. L’essentiel est qu’enfin, leur rôle soit reconnu et que tous les élèves aient accès à ce service plus qu’important.

 

[1] Mémoire de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, recommandation 13 (p.55)