La double illégalité Wet’suwet’en, la légalité imposée

2020/02/17 | Par Raphaël Picard

L’auteur est un ancien chef de Pessamit

Mario Dumont devant des tableaux explicatifs tente de faire visualiser les enjeux conséquents à la manifestation de solidarité nationale aux Wet’suwet’en. Ce naïf présentateur essaie de faire comprendre les effets des blocus et les systèmes de gouvernance des Premières Nations.

À ce propos, il constate une grande contradiction entre les modèles de chefs héréditaires et du Conseil de bande. Dans le premier, il s’insurge contre une référence temporelle inapplicable et illégitime. Pour le second, en buvant ses paroles, il magnifie ce mode de gouvernance démocratique et légalement constitué.

Ce présentateur fait un amalgame de situations opposées : 20 conseils de Premières Nations ont avalisé le projet Coastal GasLink, cela s’est fait dans les règles du droit et du consentement ; plus tard, quelques chefs héréditaires ont conclu que ces ententes sont illégales et utilisent maintenant des méthodes illégales en s’opposant à ce qui était conclu légalement.

Le Conseil de bande est une entité reconnue et faisant partie du système de droit canadien, le système des chefs héréditaires est une tradition éloignée et inadaptée aux temps actuels.

Cette rhétorique en appelle à une solution légale faisant partie de l’ordre juridique du pays. Cela signifie l’utilisation de moyens policiers et dissuasifs.

Ce discours est abject, issu d’une stratégie dépassée, du rejet des gouvernances coutumières et de la reconnaissance du Conseil de bande comme organe unique décisionnel.

L’animateur Dumont veut démontrer l’illégalité des mouvements de protestation et de solidarité, le désintérêt des enjeux de droits ancestraux et titres aborigènes, et la prééminence des lois raciales du Canada sur les systèmes traditionnels des Premières Nations.

 

Partage des pouvoirs

Dans plusieurs cas, les systèmes coutumiers et le Conseil élu selon la loi raciste cohabitent selon un partage des pouvoirs, les terres ancestrales relèvent des familles et des clans et l’administration coloniale des fonds et services est détenue par le Conseil de bande.

Ce partage n’est qu’une conséquence de la dépossession des terres et de l’omniprésence de la loi raciste sur les Indiens.

Ce que prétend l’animateur de TVA est un apitoiement sur le sort des utilisateurs soumis aux effets des barrages des lignes de transport ferroviaire et un appui sans vergogne à l’exploitation des ressources non renouvelables et aux infrastructures. Il méprise les systèmes coutumiers des Premières Nations qui réhabilitent leur autorité par leur opposition au développement sur leurs terres et instaurent leurs juridictions coutumières plus équitables et plus justes.

La mobilisation nationale d’appui des Premières Nations aux Wet’suwet’en est telle que ce phénomène s’élargira à d’autres problèmes comme l'environnement, les changements climatiques, le développement des sables bitumineux et la répression du patrimoine culturel des Nations autochtones. La mobilisation nationale des Premières Nations n’est qu’à son début pour la reconnaissance de leurs droits, pour leur autodétermination et leur dignité de peuples.

*Auteur de Nutshimit : Vers l’intérieur des terres et des esprits, Atikupit, septembre 2019