« Runner l’état comme une business » (dixit Paul Gobeil)

2020/02/19 | Par Michel Rioux

Nous avons été gouvernés récemment par une cohorte de médecins : docteur Yves Bolduc, docteur Gaétan Barrette, docteur Philippe Couillard, docteur Roberto Iglesias, secrétaire général du gouvernement Couillard. On voit ce que la chose a donné : le Québec n’en finit plus de se relever d’une maladie qui a quasiment tout détruit sur son passage et qu’on a nommée l’austérité.

Nous sommes maintenant sous la coupe de comptables : le comptable en chef François Legault, le comptable au Trésor Christian Dubé, le comptable à l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

Nous voici donc revenus 34 ans en arrière, alors qu’un autre comptable, Paul Gobeil, ministre du second gouvernement de Robert Bourassa, soutenait en 1986 qu’il fallait « runner l’État comme une business », ouvrant ainsi la porte à ce qu’on a appelé alors l’État-Provigo, entreprise du même nom d’où provenait ce comptable, en lieu et place de l’État-Providence.

Gobeil préconisait l'abolition de plusieurs organismes administratifs, comme la Régie du logement, le Bureau d'audience publique en environnement (BAPE) et la Commission de protection du territoire agricole. S’il avait donné suite au rapport de son ministre, Robert Bourassa aurait privatisé Radio-Québec. Dans le secteur de la santé, il aurait cédé les hôpitaux de petite ou de moyenne taille à des intérêts privés. Il aurait aussi haussé les frais de scolarité à l'université, augmenté la charge de travail des enseignants et financé les écoles à partir de bons d'études, qui auraient permis aux parents de choisir entre l'école publique et l'école privée.

Heureusement pour le Québec et ses institutions, l’instinct politique de Bourassa l’avait amené à tabletter cette entreprise de démantèlement de l’État québécois.

Il semble bien que Pierre Fitzgibbon ait pris la relève de Paul Gobeil ! Il vous runne lui aussi les affaires de l’État comme une business.

Sous le nez des fonctionnaires de son ministère, loin des regards mais proche de son téléphone portable, le ministre de l’Économie vous règle ça en deux temps, trois mouvements.

Le Journal de Montréal publiait récemment des informations démontrant que ce comptable hyperactif ne niaise pas avec la puck, pour reprendre une expression vernaculaire. En témoigne, en effet, ces 330 rencontres réalisées de novembre 2018 à octobre 2019 avec « des acteurs non gouvernementaux », comme l’indique son agenda public.

Et il semble bien que les chanceux qui ont accès à l’oreille du ministre voient leurs demandes réalisées rapidement. Selon la même source, les bottines suivent les babines après les rencontres avec l’omniprésent ministre.

Qu’on en juge !

Après cinq rencontres, l’entreprise Leddar’Tech a touché une subvention de 33 millions $.

Après trois rencontres, ce sont 34 millions $ qui sont arrivés dans les coffres de Premier Tech.

Après deux rencontres seulement, le ministre accordait une subvention de 25 millions $ à l’entreprise Element AI.

Deux discussions avec le ministre ont valu une subvention de 5 millions $ à la Scierie St-Michel.

Le quotidien donne d’autres exemples de subventions accordées rapidement : 13 millions $ à Fortress, 6 millions $ à Excellthera, 3 millions $ à Transcontinental, 7,5 millions $ à Matériaux Blanchet, etc.

Il est probable que ces subventions ont été versées dans l’intérêt des entreprises en question et de leurs employés. Mais ce qui est ici en cause, c’est la manière de procéder qui est celle d’un autocrate qui ne semble rendre de comptes à personne. Comme si le premier ministre lui avait dit : « Vas-y Pierre ! Amuse toi ! » Sauf que les bonbons qu’il a dans les mains sont les taxes et impôts des contribuables.

C’est le même ministre qui, faisant fi de la proposition faite par un chasseur de têtes à qui il avait confié la tâche de trouver un nouveau président à Investissement Québec, a passé outre et nommé un ami personnel à ce poste névralgique. Un autre comptable, bien sûr, qui empochera près d’un million $ par année, soit le double de son prédécesseur.

Le ministre vient aussi de s’illustrer dans la saga Bombardier. Au terme de la vente de feu, il a avoué qu’il n’y avait « aucune garantie écrite » quant au niveau d’emplois qui demeureront au Québec. Que des « garanties verbales », a-t-il dit. Mais, a-t-il plastronné, le siège social de Bombardier Transport va demeurer au Québec…

On a vu ce que vaut la parole d’entrepreneurs capitalistes. Il ne se trouve aucun haut dirigeant de Bell au siège social de l’Île-des-Sœurs. Tous à Toronto. Et le siège social de RONA, à Boucherville, se vide de ses principaux éléments.

Vivement, que Dieu nous préserve des médecins et des comptables…