Ça va bien aller !

2020/03/27 | Par Laurent Thivierge

À l’heure où le Québec est en hypervigilance collective entre deux allocutions quotidiennes de son premier ministre - devenu au passage une bête de leadership incontestable – la pandémie exacerbe les inégalités.

À cet égard, il est impératif de mentionner d’emblée que le but de ce papier n’est pas de faire porter tout le poids du néolibéralisme aux dirigeants caquistes actuels qui héritent de décennies de labeur acharné en matière de déboulonnement de l’appareil publique.

Privatisation, sous-traitance et externalisation des services étatiques auraient permis à courte vue d’enrichir le contribuable. Vraiment ? Mais que nous montre la crise actuelle sur les politiques publiques des dernières années ?

Il suffit de regarder les conditions d’exercices des salariés qui prennent actuellement soins de leurs concitoyens en cette période hors-norme pour voir les impacts réels des politiques d’austérité. Pour les besoins, prenons un cas très spécifique : les organismes communautaires. Plusieurs des mandats qui reviennent aujourd’hui à ces organismes appartenaient traditionnellement à l’État. Or, les gouvernements successifs qui ont fait du dégraissage de l’appareil publique leur principal projet collectif, ont été acculés devant un problème entier : la société doit continuer de prendre soin des gens dans le besoin. En guise de solution, ces mêmes gouvernements ont pelleté progressivement leurs services dans de tels organismes, pour la moitié, et souvent même le quart des coûts. Mais qui payent le prix ?

En ce moment, des intervenantes, des travailleuses sociales et de multiples autres professionnelles diplômées de nos cégeps et universités mettent leur santé à risque afin d’aider nos concitoyens les plus démunis et déboussolés. Si les employés de ces organismes qui - et c’est important de le dire - sont surreprésentés par les femmes estiment être trop à risque pour travailler, le gouvernement à une réponse à leur servir : vous êtes un service essentiel. En contrepartie, lorsque vient le temps de négocier les conditions de travail de ces mêmes professionnelles, le gouvernement les estime davantage communautaires qu’essentielles.

Finalement, est-ce que la pandémie sera suffisante pour que le gouvernement prenne pleinement conscience des conditions de travail des gens qui œuvrent dans les organismes communautaires ? Lorsque le ministre du Travail, en date du 26 mars 2020 remercie ces organismes de « faire du Québec une société progressiste », il devrait être sensible aux conditions d’exercice des salariés de ce milieu. Le Québec n’est pas si progressiste tant que ces organismes prennent le relai du missionnariat et que plusieurs de leurs travailleuses et travailleurs vivent à l’année longue avec un revenu qui avoisine la prestation d’urgence que vous venez de débloquer.

En définitive, la reconnaissance ne passe pas uniquement par vos remerciements quotidiens Monsieur le premier ministre. Vous savez maintenant comment « faire plus et faire mieux pour les Québécois », de sorte que pour celles et ceux qui prennent soin des laissés-pour-compte, enfin « ça va bien aller ».