Forage au large de Terre-Neuve : L’art de la dissimulation en temps de pandémie

2020/04/20 | Par Paul Bibeau

Pendant que le Canada tout entier, comme le reste de la planète, combat le COVID19, le gouvernement Trudeau a décidé d’aller de l’avant avec les forages exploratoires extracôtiers au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Le ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a récemment publié un projet de règlement qui prévoit que tous les puits d’exploration forés dans une zone de 735 000 km² seront exemptés du processus d’examen de la Loi sur l’évaluation d’impact. Cette disposition s’applique même aux projets de forage réalisés dans les refuges marins créés par le fédéral pour protéger les milieux marins.

C’est comme si, au Québec, le gouvernement décidait d’exempter du BAPE le projet GNL Québec et ce, sans consulter la population. C’est tout simplement scandaleux : le gouvernement fédéral donne ainsi aux compagnies Husky Oil et Exxon un passe-droit qui leur permet de forer dans cette immense étendue d’eau qui appartient pourtant à l’ensemble de la population canadienne.

Selon Lyne Morissette, spécialiste des mammifères marins et des écosystèmes, ce secteur sera critique pour les espèces menacées au cours des prochaines années. Les Grands Bancs de Terre-Neuve sont aussi un secteur extrêmement productif pour la pêche. En fonçant tête baissée dans cette aventure plus qu’hasardeuse, le gouvernement met donc en péril nos approvisionnements en poissons et la survie de plusieurs espèces menacées, telles que les mammifères marins.

Selon l’étude d’impact de la compagnie, le pire scénario qui pourrait se produire serait une éruption qui pourrait laisser fuir plus de 40 000 barils par jour pendant 7 jours, soit l’équivalent de la marée noire provoquée par le pétrolier Exxon Valdez en 1989. Au moins 10 forages sont autorisés en milieu marin d’ici 2027, selon les résultats des relevés sismiques.

Le baril de pétrole de l’Ouest canadien se transigeant actuellement à 5 dollars sur le marché international à cause de la guerre économique que se livrent l’OPEP et les pays occidentaux, l’industrie pétrolière canadienne est actuellement sur le respirateur artificiel, et c’est l’ensemble de la population canadienne qui devra financer ses pertes financières. Cela n’empêche pourtant pas le gouvernement de poursuivre ses projets de pipelines partout au Canada, principalement dans l’Ouest canadien.

De plus le gouvernement Trudeau, qui se vante d’avoir une politique environnementale avant-gardiste dans la lutte contre les GES, fait en réalité tout le contraire en continuant de subventionner l’industrie pétrolière et en lui accordant des passe-droits complètement inacceptables en cette période de remise en question planétaire face à la pandémie et à la perte de la biodiversité.

Selon les experts du climat et tous les scientifiques qui s’intéressent au domaine du vivant, notre planète est en danger, ce que fait particulièrement ressortir la pandémie actuelle. La perte de la biodiversité va inévitablement nous faire revivre d’autres pandémies qui pourraient s’avérer encore plus fatales que celle que l’on vit en ce moment. Comment un gouvernement peut-il envisager de continuer, comme si de rien n’était, de soutenir l’industrie pétrolière? Notre salut collectif réside dans notre capacité de changer les paradigmes actuels en vue de passer à une économie faible en carbone. La transition énergétique devrait être au centre de toutes les décisions politiques des gouvernements fédéraux et provinciaux. Les lois sur l’environnement doivent être appliquées et renforcées afin de protéger notre biodiversité et de mettre au pas des compagnies pétrolières qui relèvent d’une autre époque. L’exemption accordée aux forages extracôtiers par le ministre Wilkinson doit être condamnée par toute la classe politique afin de protéger notre droit à un environnement sain pour les générations qui vont nous suivre.

 

Photo : ledevoir.com