Trop d’intervenants de première ligne n’ont pas accès à l’équipement de protection individuel (EPI)

2020/05/22 | Par Irving Gold

Irving Gold est chef de la direction de l’Association canadienne des technologues en radiation médicale.

En faisant passer la vie d’autrui avant la leur, nos professionnels de la santé qui ont un contact direct avec des patients infectés par la COVID‑19 ou soupçonnés de l’être prennent une décision altruiste. Aujourd’hui plus que jamais, ils ont besoin d’être appuyés, encouragés et remerciés du fond du cœur.

Mais plus important encore, ils ont besoin d’être protégés – tous et toutes sans exception.

Le terme « intervenant ou intervenante de première ligne » est devenu omniprésent, une sorte de raccourci utilisé pour désigner uniquement les médecins et les infirmières. Malheureusement, son usage n’est pas limité à la couverture médiatique; il s’est infiltré jusque dans les politiques et procédures des établissements de santé et des autorités sanitaires, et même des ministères provinciaux de la santé. Les conséquences pourraient être désastreuses.

Les technologues en radiation médicale (TRM), les inhalothérapeutes, le personnel d’entretien et d’autres évoluent eux aussi en première ligne, mais, trop souvent, sans avoir accès à un équipement de protection individuel (EPI) adéquat, même s’ils côtoient régulièrement des patients atteints de la COVID‑19. Cette situation pose un risque pour eux et les membres de leur famille.

Le port de l’EPI ne devrait pas être considéré comme un « plus ». Il doit aller de soi.

Les TRM sont des professionnels de première ligne chargés de produire des images médicales vitales (notamment par radiographie, tomographie informatisée, médecine nucléaire, IRM ou mammographie) et d’administrer des traitements radiologiques salvateurs. Au moment d’accomplir ces actes essentiels, un grand nombre d’entre eux ont un contact direct avec des patients atteints de la COVID‑19, dans les salles d’urgence, les unités de soins intensifs ou les cas où ces derniers sont transportés au service d’imagerie médicale pour y subir des examens.

Une étude récente de l’Université de Washington montre que, sur un échantillon de 5 000 patients infectés, 4 700 ont subi un examen thoracique par imagerie. Dans ce genre de situation, les professionnels qui aident les patients à se préparer et à se placer correctement sont les TRM; ils les guident et les réconfortent pendant toute la durée de l’examen.

Tous les professionnels de la santé sont égaux, mais il semblerait que certains sont plus égaux que d’autres (pour emprunter à la mise en garde de George Orwell dans La ferme des animaux).

Nous avons reçu plusieurs courriels et appels de TRM d’un bout à l’autre du pays qui nous ont poussés à mener un sondage auprès des membres de notre organisation, l’Association canadienne des technologues en radiation médicale. Nous leur avons posé deux questions : ont‑ils un accès adéquat à l’EPI? Dans le cas contraire, le matériel de protection est-il distribué équitablement entre les intervenants de première ligne au sein de leur établissement?

Leurs réponses devraient nous inquiéter tous et toutes.

Nous avons sondé quelque 3 000 personnes. Près de 40 % des TRM estiment ne pas avoir un accès adéquat à l’EPI. Sur ce nombre, 60 % affirment que d’autres professionnels de la santé ont un meilleur accès qu’eux à ce dernier. De plus, la variance des pourcentages indique que le traitement des TRM diffère selon la province où ils travaillent.

À l’évidence, cet état de choses est inacceptable. La santé et la sécurité des TRM et d’autres travailleurs en première ligne ne devraient pas être protégées avec moins de vigueur que celles de leurs collègues de travail dans la même situation. Ni leur degré de protection varier d’une province à l’autre.

L’idée de laisser des intervenants de première ligne travailler sans EPI est indéfendable, même lorsque les stocks sont limités.

La désignation d’un intervenant « de première ligne » ne devrait pas reposer sur son titre professionnel, mais bien sur l’éventualité de son exposition à la COVID‑19. Le degré de risque devrait être déterminé en fonction de l’intervention pratiquée et du groupe de patients traités.

Il faut trouver sans délai une solution au problème de l’accès au matériel de protection adéquat.

Les associations professionnelles du secteur de la santé devraient s’attaquer à ce problème ensemble. Nous ramons tous dans la même direction; la collaboration interprofessionnelle n’a jamais revêtu une aussi grande importance.

Les gouvernements provinciaux doivent travailler de concert pour doter les hôpitaux, les autorités sanitaires régionales, les cliniques et les établissements de soins de longue durée, de politiques équitables et cohérentes en matière d’équipement de protection individuel. S’ils n’y parviennent pas, le fédéral devrait intervenir.

Une fois atteinte la fin de la première vague pandémique, il faudra trouver un moyen de combler les pénuries de matériel en prévision des vagues à venir. Ou de la prochaine pandémie.

Ce ne sera pas la dernière fois que des décisions de cet ordre devront être prises. Il faut mettre en place des politiques équitables et uniformes à l’échelle du pays – et protéger ainsi tous nos intervenants et intervenantes de première ligne sans exception.

 

Crédit photo : canva.com