Le théâtre tel qu’en lui-même

2020/05/25 | Par Claude Poissant

Lauteur est directeur artistique  /Théâtre Denise Pelletier

Le théâtre peut être bien des choses. S’il influe sur les arts de la scène depuis l’antiquité, les autres formes d’arts scéniques l’ont démasqué depuis. Mais quelle que soit sa composition, le théâtre désigne toujours un lieu où se déploie quelque chose d’important. S’il peut s’apparenter aux coutumes, s’il est rite ou cérémonial, s’il est prévu pour réinventer le même univers irréel à toutes les représentations, le théâtre n’en reste pas moins imprévisible. C’est son caractère humain, mouvant, éphémère et libre qui l’empêche de devenir une habitude, qui réfute l’indifférence, qui appelle au recueillement comme au manifeste, le temps de saisir le geste qui fait basculer nos vies, d’attraper la phrase qui nous sera fatale et qui nous rappellera pourquoi nous sommes là, dans cet espace. Toute personne qui va au théâtre ne pourra être détachée de ce qu’elle voit, ressent. S’y rendre, en faire, partager l’expérience scène-salle avec d’autres, ados, enseignant.e.s, adultes en devenir, parents, polémistes, sages, abonné.e.s, adeptes ou à convaincre, est en soi un acte social et politique. Une adaptation à d’autres manières de voir et de penser. S’adapter est un des grands mouvements quotidiens du corps et de l’esprit. Qu’au TDP on souhaite chavirant, stimulant, actif.

Sollicités comme nous le sommes par nos écrans, plus ou moins petits, par des mondes que l’on balaie à coups de majeur et d’index, existe-t-il assez de temps pour contempler ? Assez pour réfléchir ? Soudain en ce printemps 2020, puisque nous mettons notre course sur pause pour mieux regarder devant, n’y a-t-il pas là un moment pour en savoir plus sur nous-mêmes ? C’est dans et autour d’un paysage qui change sans cesse que le théâtre vit. Le décrivant, le grossissant, le transformant, parfois le devançant. Nous devançant. Oui, imprévisible. Le paysage a changé, nos écrans ont multiplié leurs applications, la course n’est plus la même. L’engagement, lui, reste, et les artistes, s’ils subissent, comme tout le monde, lentement trouvent les forces et les avantages de cette pause. On dira encore plein de choses.

On entendra, on approuvera, on démentira, on nommera, on rira même. Et on s’adaptera sans se dénaturer. La seule chose qui est sûre, c’est que nous nous reverrons. Et que nous serons prêts, toutes et tous. Là, pour l’instant, nous écoutons, nous espérons, nous préparons.