L’énergie au Québec : une production enviée, une consommation démesurée

2020/09/11 | Par Pierre-Olivier Pineau

L’auteur est prof aux HEC Montréal et membre Des Universitaires (desuniversitaires.org)

Avec une production d’électricité reposant à plus de 99% sur l’hydroélectricité et l’éolien, le Québec a déjà réalisé la décarbonisation de sa production d’électricité, souhaitée par le Canada et une majorité de pays du monde. Étant donné l’importance de l’électricité dans les sociétés modernes et la nécessité d’éliminer les émissions de GES, le Québec possède un atout énergétique d’une ampleur rarement observée autour du globe.

Cette chance qu’a le Québec est d’autant plus grande que l’hydroélectricité québécoise est produite à très faible coût. Cela représente un avantage pour les consommateurs québécois, autant industriels et commerciaux que résidentiels. Ceux-ci ont cependant développé un niveau de consommation extrêmement élevé. Le Québec consomme ainsi plus d’énergie par habitant qu’à peu près tous les pays des mondes : 194 gigajoule (GJ) en 2017, alors que la moyenne mondiale était de 53 GJ. Dans un pays comme la Norvège, au climat comparable au Québec, mais avec un niveau de richesse supérieur, la consommation d’énergie par habitant est de 163 GJ (16% de moins qu’au Québec).

Évidemment, l’électricité n’est pas la seule source d’énergie utilisée au Québec, même si elle domine toutes les autres en répondant à près de 43% des besoins énergétiques de la province. Les produits pétroliers sont présents en industrie, en agriculture et dans les bâtiments résidentiels et commerciaux, mais c’est dans le secteur du transport qu’ils dominent presque sans partage : 99% des besoins énergétiques en transports étaient satisfaits par des produits pétroliers en 2018.

Comme le Québec ne produit aucun hydrocarbure, il lui est impossible de réduire ses émissions de GES dans ce secteur de production. C’est donc essentiellement au niveau de la consommation des combustibles fossiles (produits pétroliers, gaz naturel, charbon, propane et butane) que les réductions significatives d’émission de GES peuvent être réalisées. Deux grandes approches sont possibles pour réduire les GES dans la consommation : en réduisant la consommation d’énergie et en substituant les combustibles fossiles par des sources d’énergie sans émission de GES.

 

La priorité : réduire la consommation

Comme le présente très bien l’Agence internationale de l’énergie, « l’efficacité énergétique est le premier carburant d’un système énergétique global durable ». À travers l’efficacité énergétique, comprise comme étant l’amélioration technique réduisant la demande d’énergie pour servir un bien ou un service équivalent, il est possible de réduire la consommation d’énergie. Mais cela ne sera pas suffisant. Il est aussi nécessaire de faire évoluer notre consommation vers des biens et services intrinsèquement moins énergivores. Par exemple, passer progressivement d’un mode de transport automobile à une mobilité par train ou par bicyclette induit une diminution structurelle de la demande énergétique. Dans le bâtiment, alors que les maisons unifamiliales sont de plus en plus populaires et grandes, les logements en appartement ont des besoins énergétiques environ 20 % inférieures par mètre carré, en plus d’être plus petits. D’une manière générale, réduire la consommation de biens matériels, énergivores par leur production et leur transport, pour passer à une consommation plus importante de services (culture, loisir, éducation, etc.), diminue grandement l’intensité énergétique des produits consommés et, conséquemment, leurs impacts climatique et environnemental.

 

Davantage d’énergie renouvelable

Il sera aussi nécessaire de développer davantage de sources d’énergie renouvelables. La bonne nouvelle, c’est que les coûts ont tendance à diminuer, grâce au progrès technologique et à leur adoption à plus grande échelle.

Ces énergies sont issues du mouvement de l’eau (force hydraulique, marées, courants), de l’air (éolien), du soleil (pour produire de la chaleur ou de l’électricité avec des panneaux photovoltaïques), de la terre (géothermie) et des plantes ou des sous-produits animaux (biomasse pour la création de divers biocombustibles). Une attention particulière doit être apportée aux éléments suivant dans la promotion des énergies renouvelables : (1) Minimiser les impacts : Développer des sources d’énergie renouvelable qui ont le moins d’effets sur l’environnement et le territoire; (2) Gaz naturel renouvelable : structurer la filière de production avec des programmes d’aide à la production et à l’injection dans le réseau de distribution de gaz naturel; (3) Chaleur solaire : Rendre l’étude du potentiel énergétique du soleil dans les bâtiments pour le chauffage de l’air et de l’eau obligatoire et favoriser sa mise en œuvre lorsque rentable; (4) Hydrogène : développer stratégiquement une filière de l’hydrogène propre au Québec en soutenant des projets de production pour répondre aux besoins actuels et à moyen terme d’hydrogène (industrie, carburants de substitution au pétrole, transport lourd).

Nous avons toutes les ressources pour produire les énergies renouvelables nécessaires à l’épanouissement de la société. Notre système hydroélectrique extrêmement enviable nous met dans une place de leader pour réaliser la transition énergétique, parce que nous avons déjà une longueur d’avance sur le reste du monde. C’est une occasion en or qui se présente à nous! Par contre, nous avons d’importantes améliorations à apporter à nos habitudes de consommation, principalement réduire nos besoins énergétiques, sans pour autant renoncer à une amélioration de notre qualité de vie. Concrètement, on peut dès aujourd’hui transformer sa mobilité en réduisant son usage de l’automobile individuelle et en faisant évaluer son logement pour en connaîter la performance énergétique. En transférant progressivevment les sommes dépensées pour un véhicule vers des rénovations éconergétiques, on permet non seulement de réduire sa consommation d’énergie dans deux sphères d’activités (transport et logement), mais on participe davantage à l’économie québécoise en privilégiant une chaine de valeur plus locale.