Incitatifs financiers aux enseignants retraités? De la cohérence s.v.p.!

2020/09/28 | Par Dany Gravel

L’auteur est président du comité des jeunes de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Le déficit d’attraction de la profession enseignante ne date pas d’hier. Il est le résultat de nombreuses années de négligence et de sous-investissements dans les conditions de travail, tous partis confondus. Les études et sondages réalisés auprès du personnel enseignant dévoilent un portait inquiétant, qu’on pense aux inscriptions en baisse de 30 % depuis 10 ans dans les facultés d’éducation au secondaire ou encore à ces 37 % d’enseignants débutant à temps plein qui songent à quitter le domaine au cours des premières années.

L’arrivée d’un ministre issu de leurs rangs a suscité chez de nombreux jeunes enseignants l’espoir de voir enfin apparaître des mesures structurantes, une volonté de sortie de crise, un minimum de cohérence.

Après deux ans de pouvoir, on constate que les leviers de base sont paralysés. Nous faisons face à un gouvernement peu enclin à améliorer nos conditions de travail par le biais du renouvellement de nos conventions collectives pourtant centrales au rehaussement de l’attractivité de notre profession. L’approche est avant tout comptable, identique à celle empruntée par le passé et dont résulte une bonne partie des écueils auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

Nous apprenions récemment que le ministre octroiera un montant de 412 dollars par jour pour inciter le retour en classe des enseignants nouvellement retraités. Toute initiative qui a pour but d'augmenter le nombre de personnes dans les écoles est louable, mais cette initiative suscite quand même divers questionnements. Pourquoi arrêter la sélection au 1er juillet 2015? Pense-t-on vraiment que les personnes retraitées qui ont quitté la profession, souvent précocement, découragées et au prix d’importantes pénalités à leur retraite auront le goût de revenir en contexte de pandémie?

Plus encore, comment le ministre justifie-t-il de ne pas offrir le même traitement aux suppléants occasionnels ainsi qu’aux enseignants à temps partiel qui sont déjà à pied d’œuvre dans les écoles? Présentement, l’expérience de ces enseignantes et enseignants n’est pas reconnue si la suppléance se déroule en deçà de 20 jours continus. Le même échelon salarial – c’est-à-dire le plus bas – leur est accordé, qu’ils travaillent dans une école depuis une semaine à peine ou 15 années.

Face à cette iniquité, nombreux sont les enseignants à temps partiel qui se détournent de la suppléance, privant les écoles de contributions qui pourraient s’avérer cruciales alors que la deuxième vague s’amorce et que les besoins de remplacements de courte durée risquent de littéralement exploser. Par ce traitement différencié, quel signal le ministre envoie-t-il aux jeunes enseignantes et enseignants? Une telle solution, qui est tout sauf structurante, traduit encore une indifférence à l’égard des enjeux d’attraction-rétention au sein de la profession enseignante. La déconnexion envers le milieu duquel le ministre provient et qu’il affirme pourtant comprendre nous semble bien entamée.

Tous les moyens permettant d’attirer et de retenir les enseignants doivent être envisagés afin de résorber la pénurie actuelle dont les répercussions néfastes affectent les élèves, leurs parents et toute l’équipe-école. De nombreuses pistes de solution existent et le moment est plus que jamais propice à leur mise en œuvre. Encore faut-il choisir celles qui sont à même de résoudre le défi posé par les besoins de suppléance dans les écoles tout en se révélant équitables pour l’ensemble du personnel enseignant.