Le talon d’Achille de la CAQ dans cette pandémie: son anti-syndicalisme

2020/10/13 | Par Germain Dallaire

C’est quasiment un euphémisme de dire que le gouvernement Legault navigue à vue dans la crise actuelle. Quand on voit le ministre Dubé dire, le vendredi 9 octobre, que la longue fin de semaine de l'action de grâce sera déterminante, on ne peut s'empêcher d'être un peu interloqué. Comme si une pandémie était un sprint dont l'évolution se joue dans le temps court.

Évidemment, le gouvernement est piégé par son discours. Depuis le début, il met le fardeau de l'évolution de la pandémie sur le dos des comportements de la population. Ayant exercé un tour de vis sur le confinement et les mesures répressives, il souhaite des résultats positifs quitte à tomber dans la pensée magique.

Pourtant, quand on regarde les statistiques et l'évolution des courbes, on voit bien que la période actuelle est très différente de ce qu'on a connu au printemps. À commencer par le rapport entre le nombre de cas et les hospitalisations ainsi que les décès. Depuis la fin du mois de septembre, le nombre de cas est égal ou supérieur à ce qu'on a vu au pic du printemps (début mai). Qu'en est-il des hospitalisations et décès? On est actuellement aux environs de 450 hospitalisations comparativement à 1800 au début de mai. Pour les décès, ça tournait autour de 100 quotidiennement comparés à 10 et moins actuellement. Étant entendu que tout décès est de trop.

Ces écarts semblent s'expliquer par l'âge des cas confirmés. Tout le monde sait qu'avec la COVID, le danger croît avec l'âge. À cet égard, les statistiques sont très claires. Alors que la tranche d'âge 0-59 ans représente 75% des cas depuis le début de la pandémie, elle ne concerne que 5% des décès.

La vague actuelle se caractérise justement par le fait que la contagion touche en très grande majorité les 0-59 ans. Alors, qu’a donc le gouvernement à semer la panique, la confusion et la zizanie comme il le fait actuellement? Outre que c'est une approche bien commode pour lui dans la mesure où il focusse sur la population plutôt que sur ce qui relève de sa responsabilité (l'organisation des soins), il s'appuie sur le raisonnement entendu ad nauseam que cette contagion finira immanquablement par atteindre les personnes vulnérables. Et c'est là où le bât blesse!

Le bât blesse parce que la responsabilité du gouvernement est entière à ce niveau étant donné que c'est lui qui est responsable de l'organisation et de la qualité des soins. On sait que la performance du Québec au printemps a été une des pires au monde. Une honte (et je me retiens)! Or, qu’a fait le gouvernement depuis ce temps? Il a formé des milliers de préposé(e)s aux bénéficiaires, il a augmenté leur salaire et il a nommé des personnes redevables dans chaque ressource pour personnes âgées comme si un vrai boss est la panacée. On reconnaît là l'ADN de l’ADQ. On le reconnaît aussi dans les augmentations unilatérales des PAB et leur formation. Il l'a fait alors qu’il est depuis le début de l’année en négociation pour le renouvellement des conventions d'un demi-million de ses travailleur(se)s. Faut l’faire! Comme s'il n'y avait aucune relation entre la gestion de la pandémie et les conditions de travail de ces gens.

En fin de semaine dans Le Devoir, les dirigeant(e)s syndicaux ont signé un vibrant appel pour un ré-investissement massif dans les secteurs publics. Comme ils le disent dans leur lettre, l'anti-syndicalisme de la CAQ n'est que la continuité d'un anti-syndicalisme dominant au Québec depuis plusieurs décennies. On s'y est trop habitué et c'est ce qui a mené à l'hécatombe du printemps.

Personnellement, je considère que cet anti-syndicalisme à commencé avec les décrets du gouvernement Lévesque au début des années 80. Comme par hasard, c'est à cette époque que le néolibéralisme a commencé à s'installer partout dans le monde. Est-il nécessaire de rappeler qu’un des piliers de cette idéologie est le désengagement de l’État? C'est à partir de cette époque que, comme le dit la lettre ouverte des dirigeant(e)s syndicaux, on s'est mis «à qualifier de dépenses les montants dévolus aux services publics». Et j'ajouterais, à les opposer à la santé financière de l’État.

L'anti-syndicalisme «ordinaire » de la CAQ risque fort de nous coûter très cher dans les prochaines semaines. Plusieurs signaux pointent dans cette direction à commencer par les mouvements de personnel. Sans dire que des négociations fructueuses sont la panacée à la pandémie, elles en sont une clé maîtresse. Le Québec n'a pas les moyens de se priver des connaissances et du dévouement de ces centaines de milliers de travailleur(e)s qui sont bien plus que des anges gardiens parce qu'ils sont faits de chair et d'os.