Esso, Shell et Ultramar ont pompé 5,3 milliards $ à l’extérieur du pays

 


Au cours des 4 dernières années



En 1997, les quatre pétrolières majors, Imperial Esso, Shell Canada, Ultramar et Petro-Canada ont réalisé au Canada des profits nets records de plus de 1 milliard 760 millions. À elles seules, les trois majors étrangères ont totalisé des profits nets de 1 milliard 500 millions. Bien plus, ces trois dernières ont versé 2,3 milliards à leurs actionnaires, en majorité étrangers, soit 156% de leurs profits.

Au cours des quatre dernières années, c’est 6,6 milliards $ que Esso, Shell et Ultramar ont versé à leurs actionnaires, soit 139% de leurs profits. De ce montant, 5,3 milliards $ ont pris le chemin de l’étranger. Ces chiffres ahurissants proviennent d’une étude de la Chaire d’études socio-économiques de l’UQAM effectuée par les professeurs Léo-Paul Lauzon et Michel Bernard*.

L’étude nous apprend également que les trois grandes pétrolières étrangères ont dégagé un solde net négatif de 3,1 milliards $ en termes d’investissements, dont 2,4 milliards pour Esso.

Parallèlement à l’engrangement de tels profits, les trois majors étrangères ont fermé au moins 4500 stations service au Canada de 1990 à 1997, soit 41% de tous leurs points de vente. Au cours de la même période de sept ans, elles ont licencié 15 000 travailleurs, soit 48% de leur main d’œuvre.

L’impériale Esso

C’est une filiale de la compagnie américaine Exxon qui a réalisé des ventes de 167 milliards $ en 1007 et un profit net de 10,5 milliards.

• En huit ans (1990-1997), l’Impériale-Esso a réalisé 3,45 milliards de bénéfices et a racheté 2,7 milliards en dividendes, pour un total de 6,1 milliards versés aux actionnaires.

• Au cours de cette période, 179% du bénéfice net fut versé en dividendes et en rachats d’actions. Elle a comblé son manque de ressources (79%) en désinvestissant.

• 143% du bénéfice net réalisé au Canada fut versé à l’étranger, dont 125% à la société mère Exxon Corporation. En chiffres absolus, c’est 4,9 milliards $ qui s’est envolé à l’étranger, dont 4,2 milliards à Exxon.

• Le pourcentage des actions détenues par des Canadiens est passé de 26,5% en 1992 à 18,1% en 1997.

• En sept ans, de 1990 à 1997, le nombre d’employés au Canada a chuté de 52%, passant de 14 702 à 7 096.

• Pour la même période, le nombre de stations services au Canada a baissé de 39%, soit de 4 300 à 2 623. Au Québec, 128 stations services ont été fermées de 1995 à 1997.

• On ne retrouve aucun francophone parmi la haute direction et un seul représentant du Québec siège à son conseil d’administration.

Ultramar, Diamond Shamrock

• Ultramar Canada est une filiale à 100% de la société américaine Ultramar Diamond Shamrock Corporation. Contrairement aux trois autres, Ultramar n’a aucune activité dans l’exploration et la production de pétrole brut.

• 62% des points de vente d’Ultramar au Canada sont situés au Québec, soit 794 stations services.

• En 1994, Ultramar fit l’acquisition des 181 stations de la compagnie québécoise Sergaz, le plus grand détaillant d’essence indépendant au Québec à l’époque.

• Pour les années 1994-1997, les opérations canadiennes ont généré 49% des profits totaux, même si elles ne représentent que 21% de l’actif.

• En 1995, 630 des 1400 stations étaient la propriété de la compagnie et 770 autres étaient des franchisés. Ultramar a élaboré un plan visant à éliminer 600 des contractuels.

• De 1992 à 1997, Ultramar a versé 70% des profits nets, dont 49% furent réalisés au Canada et au Québec, en dividendes à ses actionnaires américains.

Shell

Filiale du groupe Royal Dutch/Shell, contrôlée par des intérêts anglais et néerlandais, c’était la sixième entreprise au monde en 1996 avec des ventes de 180 milliards et la première au monde pour le bénéfice net avec 12,5 milliards $. Rappelons que le Produit intérieur brut fut du Québec, pour la même année 1996, de 175 milliards.

• Au cours des huit dernières années, 92% des profits ont été distribués aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions, soit 2,1 milliards sur 2,2 milliards $, dont 1,65 milliards à la compagnie mère étrangère.

• Au cours de la même période, le nombre d’employés au Canada a été réduit de 50%, passant de 7 108 à 3 593.

• En moyenne, 175 stations services ont été fermées à chaque année entre 1990 et 1997.

• Le siège social est à Calgary. On ne retrouve aucun francophone au sein de la haute direction et un seul des membres du conseil d’administration est québécois.

Petro-Canada

Privatisée en 1981, l’ancienne société d’État a restructuré dernièrement son capital-actions afin d’ouvrir son actionnariat jusqu’à 50% à des intérêts étrangers.

• En 1997, Petro-Canada a réalisé des profits records avec un bénéfice net de 306 millions $.

• De 1990 à 1997, elle a versé 50% de ses bénéfices en dividendes à ses actionnaires.

• Au cours des dernières années, Petro-Canada a réduit du tiers le nombre de ses stations services au Québec, soit de 800 à 482.

• De 1990 à 1997, le nombre d’employés est passé de 9 806 à 5 749, soit une baisse de 41%.

• Elle a son siège social à Calgary et ne compte aucun francophone parmi les membres de sa haute direction.

Le scandale des impôts reportés

En 1997, malgré un bénéfice record avant impôts sur le revenu de 636 millions $, Petro-Canada a eu droit à un remboursement d’impôts de 41 millions des gouvernements.

Dans son Rapport annuel, nous apprend l’étude des professeurs Bernard et Lauzon, la société affirme que son taux d’imposition effectif appliqué au bénéfice avant impôts sur le revenu fut de 51,9%. Sa dépense totale d’impôts fut en effet de 330 millions $ constituée d’un remboursement d’impôts de 41 millions (impôts négatifs) et d’une charge d’impôts sur le revenu reportés de 371 millions $. Ces impôts, qui peuvent facilement être reportés à perpétuité, n’exigent et n’exigeront ainsi jamais de déboursés, ne portent pas intérêt et ne constituent pas une dette légale.

En 1997, L’impériale-Esso, Shell et Petro-Canada indiquaient des soldes cumulatifs d’impôts sur le revenu reportés de près de 3 milliards !

Léo-Paul Lauzon et Michel Bernard. Analyse financière des quatre grandes pétrolières intégrées opérant au Québec 0 provenance et utilisant de leurs bénéfices. 55 pages. Juin 1998