Branle-bas de combat dans les cégeps

 


Les négociations dans le secteur public au collégial



Après dix ans sans véritable négociation dans le secteur public et de nombreux reculs, la partie patronale a déposé ses offres qui ont fait bondir d'indignation les trois fédérations d'enseignantes et d'enseignants du collégial. Selon Richard Landry, président de la Fédération autonome du collégial (FAC), que nous avons rencontré, ces offres ne contiennent que des demandes dont une augmentation de la tâche, une décentralisation accrue des négociations, une plus grande mobilité des enseignantes et des enseignants et l'introduction d'une clause orphelin.

La partie patronale veut imposer une augmentation de la tâche en demandant l'intégration d'autres activités, telles celles reliées au perfectionnement, aux différentes phases de la gestion des programmes, à la vie départementale, à la recherche appliquée, au développement institutionnel et au service à la collectivité. La réforme de la ministre Robillard de 1992 introduisait des tâches concernant la gestion des programmes. Pour résister à cette réforme imposée orientant la formation uniquement en fonction du marché du travail au détriment d'une formation polyvalente, plusieurs enseignantes et enseignants ont refusé d'y participer en disant que les tâches imposées ne faisaient pas partie de la tâche telle que définie dans la convention. En proposant son introduction dans la convention collective, la partie patronale cherche à briser cette résistance.

Plus de plancher d'emplois

La partie patronale impose aussi une augmentation de tâche de façon détournée en retirant de la convention collective toute référence à un plancher d'emploi. Cette suppression se traduira par une perte d'emplois et une nouvelle augmentation de la charge de travail individuelle. De plus, la partie patronale revient avec une vieille demande en voulant autoriser les collèges à pouvoir affecter à d'autres fins un quantum adéquat de ressources afin de répondre à leurs priorités.

Présentement, le ministère accorde les ressources aux collèges en fonction du nombre d'étudiants inscrits dans chaque établissement. Jusqu'à maintenant, les collèges ne pouvaient utiliser ces ressources à d'autres fins que l'enseignement. Avec la demande de la partie patronale, il y aurait moins d'enseignants que ceux prévus pour un nombre x d'étudiantes et d'étudiants ce qui signifie une autre augmentation de tâche pour chaque enseignante et enseignant. C'est un détournement de fonds ! s'exclame Richard Landry.

Décentralisation des négociations

La convention actuelle prévoit la négociation locale sur certaines questions telles le perfectionnement, les congés et l'engagement. Selon les offres patronales, la négociation locale doit s'étendre à la tâche, au calcul de la charge individuelle et à l'assignation à d'autres tâches que l'enseignement. Ceci signifie que la tâche d'un enseignant pourrait varier d'une institution à l'autre, mais aussi qu'on pourrait faire faire n'importe quel travail aux enseignantes et aux enseignants s'ils sont jugés compétents. Mais on ne définit pas la compétence et on ne précise pas à qui il revient de la définir. Selon Richard Landry, on sait très bien qu'une fois qu'on aura décentralisé la négociation de la tâche, les administrations auront une très grande marge de manoeuvre.

Mobilité du personnel

Jusqu'à présent, les enseignantes et les enseignants sont engagés comme spécialistes d'une discipline (matière) et les enseignantes et les enseignants mis en disponibilité peuvent difficilement supplanter un non-permanent ou une non-permanente d'une autre discipline. Ceci a pour effet d'assurer la qualité de l'enseignement en limitant le travail d'une enseignante ou d'un enseignant au domaine pour lequel il est formé et de protéger l'emploi des non-permanentes et des non-permanents des autres disciplines (matières).

Les offres patronales attaquent cet acquis et prévoient qu'une enseignante ou un enseignant mis en disponibilité puisse toujours être utilisé, selon son champ de compétence, avant une enseignante ou un enseignant non permanent, mais la compétence ne se limite plus à la discipline pour laquelle ils et elles sont engagés. La partie patronale prévoit même que la langue d'enseignement ne soit plus un frein au replacement lorsque la capacité linguistique de l'enseignante ou de l'enseignant le permet, mais on ne dit pas qui va définir cette capacité.

En imposant la mobilité du personnel enseignant, la partie patronale s'attaque à l'emploi des employés à statut précaire, sans compter l'effet à la baisse sur la qualité de l'enseignement. En effet, selon cette demande patronale, une enseignante ou un enseignant de philosophie par exemple, pourrait être obligé d'enseigner l'histoire. Précisons que préparer un nouveau cours même si c'est dans la discipline pour laquelle l'enseignant a été formé, demande beaucoup de travail. Imaginez le travail et le résultat s'ils sont obligés de le faire dans une discipline pour laquelle ils n'ont pas une formation suffisante.

Clause orphelin

Les offres patronales introduisent une clause orphelin en demandant que le calcul de la rémunération de l'enseignante ou de l'enseignant à temps partiel engagé pour une charge inférieure à une session soit révisé. Dans le contexte actuel on sait que la partie patronale veut la réviser à la baisse.

Différenciation des conditions de travail des enseignants

De plus, la partie patronale prend prétexte des différents diplômes décernés au cégep (diplôme d'études collégiales (DEC) et attestation d'études collégiales (AEC)) pour différencier les conditions de travail de ceux et celles qui y enseignent. En effet, la partie patronale considère que les conditions de travail des enseignantes et des enseignants qui ont la responsabilité des groupes-cours où la majeure partie des étudiants sont inscrits dans un programme d'AEC doivent être particulières et permettre aux collèges de mieux prendre en compte leur situation propre en négociant localement, par le biais d'arrangements locaux, les conditions de travail de ces enseignantes et enseignants. Ceci signifie que les conditions de travail de ceux-ci seront moindres.

Vous comprenez maintenant pourquoi les fédérations d'enseignantes et d'enseignants sont sur le pied de guerre?