Des enjeux qui nous concernent

 


Négos du secteur public



Ce 8 mars, Journée internationale des Femmes, devrait être l'occasion de prendre conscience du formidable assaut qui se prépare contre les conditions de travail des employés du secteur public, en grande majorité des femmes, et par effet de ricochet, étant donné qu'il s'agit de services publics, sur les conditions de vie de la majorité de la population.

Des offres inquiétantes

C'est avec une grande habileté graphique que le gouvernement Bouchard cherche ces jours-ci à se rallier la population du Québec contre le gouvernement fédéral en illustrant la différence de traitement dans les transfusions sanguines des transferts fédéraux vers les provinces. Mais il n'arrivera pas à soulever l'indignation des employés du secteur public, car il est partie prenante au démantèlement des services publics. Le dépôt de ses offres aux employés du secteur public le confirme.

En éducation, les offres constituent la phase II d'une réforme fondamentale qui va bouleverser de fond en comble le réseau. L'an dernier, à la faveur de la refonte de la Loi de l'instruction publique, on a décentralisé énormément de pouvoirs vers les écoles primaires et secondaires1, les transformant ni plus ni moins en petites entreprises. Désormais, les conseils d'établissement, où se retrouvent direction, employés, parents et membres de la communauté , ont le pouvoir de définir le projet éducatif, de donner à la sous-traitance le travail accompli par les employés de soutien, de mettre sur pied une fondation pour recueillir de l'argent et d'ouvrir la porte à la publicité dans les écoles.

La logique d'une telle politique est claire comme de l'eau de roche. Chaque école devra se débrouiller pour combler le manque de revenus découlant des compressions budgétaires. Comment ? En se débarrassant des employés de soutien syndiqués en ayant recours à la sous-traitance ; en organisant des levées de fonds ; en souhaitant la bienvenue aux entreprises qui veulent fidéliser dès leur plus jeune âge les enfants à leurs produits. Et quelles écoles croyez-vous ramasseront le plus d'argent ? Celles des milieux favorisés ou des milieux défavorisés ?

Le dernier rempart à l'éclatement du réseau scolaire est la convention collective nationale des enseignantes et des enseignants. C'est ce dernier verrou que le gouvernement veut faire sauter avec ses offres dont l'objectif est de décentraliser au niveau de chaque établissement, de chaque école, une large partie de la convention collective nationale. Cela achèverait de pulvériser en mille composantes disparates le réseau scolaire et enlèverait tout rapport de forces aux enseignantes et aux enseignants.

Dans le domaine de la santé, le scénario est semblable. Après avoir créé le chaos à la faveur du virage ambulatoire, le gouvernement cherche maintenant à décentraliser les pouvoirs et les négociations au niveau des établissements, ce qui favorisera la privatisation du réseau2.

Quand les bulles de champagne remontent dans le gorgoton

S'ajoute à cela, dans le cas des enseignantes et des enseignants, la question de l'équité salariale. Il y a quelques années, au terme de la Marche des femmes, le gouvernement péquiste promettait une loi sur l'équité salariale dans le but de corriger la situation qui fait que les femmes ne gagnent toujours qu'environ les 3/4 du salaire des hommes. Lorsque la loi fut adoptée le 15 mai 1996, les femmes parlementaires ont sablé le champagne. Mais, aujourd'hui, les bulles leur remontent dans le gorgoton, alors que le plus gros contingent de femmes organisées, les enseignantes, présentent la facture 0 700 millions $.

Depuis, le gouvernement détricote ce qu'il avait tricoté avec les représentantes de la CEQ lors de travaux conjoints, renie sa signature apposée sous la rubrique rétroactivité dans la dernière convention collective et gruge sur le temps de travail des enseignantes pour en arriver au montant qu'il a décidé de verser 0 100 millions $.

Un mouvement syndical amoché

On dit souvent, avec raison, que le mouvement syndical est à l'origine de plusieurs de nos programmes sociaux. Aujourd'hui, il lui revient de les sauver. Mais le mouvement syndical se présente au combat avec un œil amoché, conséquence de longs mois de maraudage.

On peut également se demander s'il a les idées claires sur les enjeux et la marche à suivre. Par exemple, il y a quelques décennies, tout le monde syndical aurait appuyé la lutte de la CEQ pour l'équité salariale, en se disant 0 si la CEQ défonce le gouvernement, cela nous ouvre la voie. Aujourd'hui, des leaders syndicaux reprennent le discours des éditorialistes et des animateurs de lignes ouvertes qui accusent la CEQ de vouloir partir avec la caisse !

Le syndrome du Sommet économique du Déficit Zéro, on le voit, sévit toujours. Le partenariat n'est pas mort. Certains leaders syndicaux ont encore l'illusion, semble-t-il, d'être partie prenante à la gestion des affaires de l'État et se préoccupent plus des finances du gouvernement que de celles de leurs membres.

De plus, ça n'augure rien de bon quand on voit le gouvernement annoncer une refonte du Code du travail pour l'automne, au beau milieu du temps chaud des négociations du secteur public. La table sera alors mise pour le troc des dispositions des conventions collectives du secteur public contre des dispositions du Code du travail. Ça sent le traquenard à plein nez.

C'est donc l'œil amoché et une main attachée dans le dos que le mouvement syndical se présente au front. Il lui faudra vite panser ses plaies et se dégager de l'emprise idéologique du partenariat qui lui mine le moral. Les enjeux sont trop importants. Les intérêts de ses milliers de membres du secteur public, en majorité des femmes, les intérêts de la majorité de la population le lui commandent.

Pour la situation dans les cégeps, voir article p. 12

Voir article p. 13