La précarité 0 une vocation à vie pour les femmes ?

 


Les négociations du point de vue du Syndicat des fonctionnaires



Alors que l'effectif régulier de la fonction publique a chuté de 17,9% depuis le mois de mars 1994, le pourcentage d'employées à statut occasionnel est passé de 16,5% en 1994 à 24,9% en 1998 selon les chiffres du Conseil du trésor 1. Selon Serge Roy, président du Syndicat de la fonction publique (SFPQ) que nous avons rejoint au téléphone, ces occasionnelles sont en majorité des femmes ( 65%).

D'après une enquête réalisée par le SFPQ, un très grand pourcentage de ces occasionnelles sont de fausses occasionnelles. 34% du personnel occasionnel ne vit aucune période d'attente entre deux contrats, soit 42% du personnel détenant un contrat d'un an et plus, 39% du personnel détenant un contrat de moins d'un an et 18% du personnel saisonnier. 54% du personnel détenant un contrat de moins d'un an et 44% du personnel saisonnier travaillent de 10 à 12 mois par année. Pourtant, par définition, ces catégories de personnel devraient en grande partie travailler moins de 10 à 12 mois par année.

Le SFPQ a observé que, dans bien des cas, du personnel saisonnier est utilisé sur une base permanente depuis trois ans et plus. D'autre part, avec la notion de remplacement temporaire, plusieurs syndiquées travaillent aussi de façon permanente depuis trois ans et plus.

Comment expliquer cette situation de précarité alors que, de toute évidence, un fort pourcentage de ces personnes travaillent sur une base permanente ? Quel est l'intérêt du gouvernement à maintenir cette situation ?

Selon Serge Roy, il y a plusieurs facteurs. Tout d'abord, le calcul de l'expérience 0 dans le cas des occasionnelles, le gouvernement ne reconnaît pas l'expérience accumulée de telle sorte que, lors d'un changement de contrat, l'employeur ne reconnaît pas plus de 5 ans d'expérience pertinente pour déterminer l'échelon de l'employée occasionnelle ce qui représente des économies. Le syndicat considère que cette notion devrait être corrigée.

Deuxièmement, les conditions d'embauche sont différentes selon le statut. Selon la loi de la fonction publique, pour avoir accès à un poste permanent, les personnes doivent passer un concours d'aptitude. Comme ce n'est pas une condition d'embauche pour les occasionnelles actuellement, cette situation les empêche d'avoir accès à un poste permanent.

Troisièmement, Serge Roy constate une tendance à la sous-traitance. Selon lui, le Conseil du trésor affirme qu'il a besoin de la sous-traitance pour distribuer des contrats à l'entreprise privée, ce qui va tout à fait dans le sens de la tendance mondiale au désengagement de l'État selon l'idéologie néolibérale. C'est pour avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour faire place à la sous-traitance que le gouvernement a tant recours au statut d'occasionnel.

Les principaux enjeux de la négociation

Pour régler la question des fausses occasionnelles, le syndicat revendique que des concours spécifiques soient offerts aux occasionnelles qui occupent dans les faits un emploi permanent. Mais les parties ne s'entendent pas sur la durée d'un emploi sur laquelle ils doivent se baser pour considérer qu'un emploi est permanent. Pour le syndicat, il faut considérer tous les emplois d'une durée de dix mois et plus au cours d'une période de trois ans alors que le gouvernement considère qu'il faudrait retenir les emplois durant en moyenne onze mois au cours d'une période de cinq ans.

Le syndicat propose qu'à l'avenir l'ensemble du personnel soit embauché par voie de concours conformément à la loi sur la fonction publique. Ceci permettrait à tout le personnel occasionnel et saisonnier d'avoir accès aux emplois permanents qui deviendraient vacants avant que l'on procède au recrutement public. La partie patronale se dit prête à adhérer au principe de la déclaration d'aptitude pour combler les emplois occasionnels. Cependant elle veut troquer ces droits contre un plus grand arbitraire patronal.

En effet, le gouvernement s'oppose à ce que l'employé saisonnier ou occasionnel, inscrit sur une liste de rappel ou à l'emploi le 30 juin 1998 soit déclaré automatiquement apte. De plus, il remet en question l'existence de liste de rappel à partir du moment où le principe de la sélection au mérite entrerait en vigueur.

Enfin, il veut abolir les niveaux dans la déclaration d'aptitude ce qui a pour effet d'abolir un ordre de priorités pour des promotions laissant la place à l'arbitraire. La partie syndicale a refusé de troquer des droits de syndiqués contre ceux d'autres syndiqués.

Négocier la classification

Un autre enjeu de la présente négociation est la classification car le gouvernement la change complètement. Or, d'après la loi de la fonction publique, les titres d'emplois ne sont pas négociables. Les changements qui s'annoncent risquent d'avoir des incidences sur les salaires. Le SFPQ veut rendre la classification négociable. Le gouvernement refuse et veut abolir la relation entre la classification et le chef d'équipe. Le gouvernement veut nommer les chefs d'équipe ce qui laisse la place à l'arbitraire.

Le SFPQ est sur le point de rompre les négociations car le gouvernement reste sur ses positions pour ce qui est des principaux enjeux de la négociation à savoir la précarité, les salaires et la classification des emplois. Comme on peut le voir, avec un tel gouvernement, le sort des femmes n'est pas à la veille de s'améliorer.

1 Le soleil le 8 janvier 1999