Conférence internationale des femmes iraniennes à Montréal

 

Cette dixième conférence s'est tenue à Montréal du 2 au 5 juillet à L'Université Concordia sur le thème de La femme iranienne à l'aube de l'An 2000. Organisée par la Fondation de recherche des femmes iraniennes et par l'Association des femmes iraniennes de Montréal (AFIM), elle a réuni plus de 400 femmes venues d'Iran, de plusieurs pays d'Europe, du Canada et des États-Unis.

Une trentaine de conférencières ont traité des différentes facettes de la réalité auxquelles sont confrontées les Iraniennes en cette fin de millénaire 0 discrimination, identité et rôle, organisation, revendications, situation des femmes kurdes et des réfugiées afghanes en Iran, position face au mouvements de gauche, à la religion, etc.

Un programme culturel clôturait chaque journée de conférence et une très belle exposition, regroupant pour la première fois les oeuvres de plusieurs artistes iraniennes, avait lieu à la galerie des Beaux-Arts de Concordia. Ces artistes ont participé aux débats et ont pris la parole pour expliquer leur vision de l'art et répondre aux questions. Il faut aussi souligner l'extrême générosité des organisatrices qui ont prévu une traduction simultanée pour les quelques non-iranienNEs présentes, parmi lesquelles, Madeleine Parent, ainsi que Françoise David et Anna-Maria d'Urbano qui ont ouvert la conférence en parlant de La mondialisation de la solidarité et de La marche des femmes de l'an 2000.

Grands moments et intérêt soutenu

Les deux moments les plus émouvants de la conférence ont été sans contredit la projection du film réalisé par les organisatrices de Montréal et la conférence de Vida Hadjebi Tabrizi. Le film fait défiler les photos de quelque deux cents Iraniennes mortes pour la défense de leur idéal, avec un accompagnement musical et l'énumération de leur nom et âge (la plupart ayant entre 17 et 25 ans), suivi d'un texte poétique bouleversant, qui proclame dame d'honneur de la conférence non pas une femme remarquable, selon la tradition, mais toutes les héroïnes anonymes de la cause commune des femmes. Vida Hadjebi, militante connue, qui a passé sept ans dans les prisons du Chah après avoir résisté à la torture, a pour sa part consacré sa communication à La place des femmes dans le regard des organisations de gauche d'après sa propre expérience et celle d'autres prisonnières. En faisant l'historique de l'expérience des femmes dans les organisations de gauche, durant les deux décennies qui ont précédé la Révolution islamique, Hadjebi pose un regard extrêmement critique sur sa propre attitude et sur celle des groupes de l'époque par rapport à la question des femmes et montre que leur position ne diffère pas fondamentalement de celle des groupes islamistes.

Une militante féministe de la première heure, Chahine Navaï, actuellement chercheure à l'Université de Berlin, est venue parler des organisations de femmes iraniennes en exil. En 1963, sous le régime du Chah, les Iraniennes de cinq pays européens, actives dans 15 villes différentes créent une première organisation et, après la prise de pouvoir khomeiniste en 1979, l'Union nationale des femmes iraniennes voit le jour.

Ses militantes publient un manifeste sur la situation des femmes et leurs revendications et, vingt-trois jours après la Révolution islamique, elles organisent la célèbre manifestation contre le port du hijab qui marque le début de la répression intégriste envers les femmes et les groupes de gauche, mais réussit momentanément à faire reculer Khomeiny sur le port obligatoire du voile. Après avoir fait le bilan des diverses interventions, les participantes se sont séparées en convenant de se retrouver l'année prochaine, à San Francisco, autour du thème des perspectives de la lutte féministe en Iran. Une très belle rencontre qui a permis la confrontation des idées dans le respect total de toutes et chacune.

Aujourd'hui, quand on prête l'oreille au chagrin et à l'amertume de beaucoup de prisonnières - de toutes tendances - on comprend qu'au cours de ces années, rares étaient ceux qui étaient attentifs et pensaient aux droits et libertés des femmes. Et, dans la plupart des organisations clandestines, de toutes tendances, le fait que les femmes aient été utilisées comme un moyen commode pour le travail clandestin, tout en participant rarement aux décisions, non seulement ne soulevait pas de contestation mais n'était même pas remis en question par les femmes elles-mêmes. Toutes les inégalités et les disparités étaient rapportées pour après, quand on serait libéré du régime du Chah. [...] Bien que nous étions décidéEs à donner notre vie pour la liberté, dans la pratique, nous en privions les autres. Alors obligatoirement, qu'on le veuille ou non, nous participions activement à nous en priver nous-mêmes. Vida Hadjebi