75 ans de lutte

 


CSN-Construction



Pour le 75 ème anniversaire de la CSN-Construction, l'aut'journal a rencontré, en septembre dernier, André Paquin, un travailleur de la construction depuis 1976 et président de la CSN-Construction, qui regroupe 15 000 membres. Fondée en 1924, marquée de luttes, de moyens de pressions et de grèves, la CSN-Construction entend poursuivre le combat pour imposer le respect sur les chantiers, pour améliorer les conditions de travail et de vie des syndiqués et de leur famille.

A.J. Après 75 ans d'histoire, la lutte syndicale dans le secteur de la construction est-elle toujours nécessaire ?

André Paquin0 Absolument. La lutte syndicale pour l'avancement et la promotion des intérêts des travailleurs de la construction ne sera jamais finie. Depuis 75 ans, il y a eu de grandes batailles, comme celles pour la semaine de 40 heures en 1960-64, la parité salariale en 1969-70 à la grandeur du Québec, où, par exemple, un travailleur oeuvrant en région gagnait moins cher que celui de Montréal qui exerçait pourtant le même métier.

Sans oublier les continuelles luttes pour la santé-sécurité au travail, l'ancienneté par employeur et par région, seul moyen d'exercer pleinement et librement nos droits syndicaux, l'indexation des salaires au coût de la vie, la reconnaissance professionnelle, la lutte contre le travail au noir, et d'autres batailles qui demeurent toujours d'actualité aujourd'hui.

À la CSN-Construction, nous militons toujours en faveur de l'amélioration des avantages sociaux de nos camarades de l'industrie, et nous pratiquons toujours un syndicalisme démocratique et combatif. Tant et aussi longtemps que les boss vont avoir le pouvoir de mettre et d'enlever le pain sur la table des familles ouvrières, le syndicalisme sera toujours nécessaire.

A.J. Quel bilan faites-vous des conditions de travail dans l'industrie de la construction ?

André Paquin0 Auparavant, les 80 000 travailleurs de la construction étaient régis par un seul décret pour imposer les conditions de travail à tous les employeurs du Québec. Depuis 1995 nous sommes régis par 4 conventions collectives nationales englobant les grands secteurs de la construction. Maintenant, les salaires varient d'un secteur à l'autre. Une seule convention partout, c'est ce que bien du monde veut encore0 être traité équitablement.

Lors des dernières négociations, nous avons subi des reculs dans certains corps de métiers, notamment sur le plan de la semaine de travail qui est maintenant passée de 40 à 50 heures et de la journée de travail qui est passée de huit à douze heures. Le temps supplémentaire est maintenant payé à partir de la 12ème heure. De méchants reculs. Les ouvriers de la construction travaillent très dur et gagnent en moyenne, à peine 20 000 $ par année et le tiers gagnent moins de 10 000 $, parce qu'ils ne travaillent pas à l'année. Les gars méritent mieux que ça!

A.J. Que pensez-vous du fait que l'industrie de la construction fonctionne à plein régime seulement l'été?

André Paquin0 Le gouvernement doit donner l'exemple et planifier l'économie de la construction pour qu'il y ait du travail 12 mois par année. Il est le plus important donneur d'ouvrage et il fournit les contrats aux entrepreneurs privés pour la construction, la rénovation et l'entretien des biens publics suivants 0 écoles, hôpitaux, infrastructures routières, barrages, etc.

Le plus important employeur, c'est l'État, et il faut qu'il planifie son calendrier de construction sur 12 mois, au lieu de faire ça concentré sur 5 à 6 mois. Il est possible de construire l'hiver avec des techniques de chauffage à l'intérieur d'un abri sur les chantiers. Cela se fait déjà. En attendant, la baisse des activités hivernales pousse plusieurs travailleurs au chômage et même sur l'aide-sociale. Pourtant, quand la construction va, tout va, dit-on.

. Que pensez-vous du droit de grève dans l'industrie de la construction?

André Paquin0 Pendant des années, et cela était vrai jusqu'aux dernières négociations, il a été impossible de négocier des conditions de travail dans l'industrie de la construction, sans que le gouvernement les impose par voie législative. Nous pensons que le gouvernement doit respecter le droit de grève tel qu'il est inscrit dans la loi des relations de travail de notre industrie. Par contre, les patrons ne devraient pas avoir droit au lock-out. Pourquoi les boss auraient-ils le droit de punir les travailleurs pour le seul fait qu'ils revendiquent des droits ou l'application de ceux qu'ils ont déjà? C'est un non sens.

. Que répondez-vous aux organisations patronales qui veulent l'abolition des cartes de compétence et la remise en question du syndicalisme obligatoire dans la construction?

André Paquin0 Ces organisations veulent que n'importe qui puisse faire son entrée dans l'industrie, sans avoir reçu de formation professionnelle et sans être compétent. C'est notre droit à l'emploi qui est menacé, ainsi que nos conditions de salaire et de travail, qui ne pourraient que diminuer si nous retournons à la loi de la jungle. Le prix des maisons ne baissera pas pour autant, car les boss ne renonceraient pas à l'augmentation des profits que cela provoquerait.