Coalition pour empêcher Desjardins de transformer les caisses populaires en banque

 

Le Mouvement coopératif Desjardins, qui a été jusqu'ici un des principaux fleurons de la société québécoise, est en train de transformer son réseau de 1500 caisses populaires autonomes, propriétés de leurs cinq millions de membres, en une banque où, selon le plus pur modèle capitaliste, toutes les décisions seront centralisées dans les mains d'un conseil d'administration.

Devant l'urgence d'agir pour éviter le naufrage de notre mouvement coopératif, une large coalition de la société civile est en train d'être mise sur pied. À l'invitation du président de la CSN, Marc Laviolette, une réunion, où sont invité(e)s des représentant(e)s d'un éventail impressionnant d'organismes, d'associations, de syndicats et de groupes en provenance de toutes les régions du Québec, aura lieu au début d'octobre.

Un référendum parmi les membres?

Parmi les invités à la réunion, on compte René Croteau, ex-directeur général de la Confédération des caisse populaires et d'économie Desjardins qui a adressé à l'actuel président, Claude Béland, un mémoire qui est devenu le manifeste des défenseurs de l'esprit coopératif. Il y déclare que le projet de restructuration de Desjardins est trop important et porteur de trop de conséquences pour être laissé à la seule discrétion des élus et des gestionnaires. Seuls les membres, en leur qualité de propriétaires, ont le pouvoir et la légitimité pour statuer sur cette question , soutient-il.

Suite au manifeste de l'ancien numéro deux de Desjardins, qui a encore une autorité morale très forte dans le mouvement et qui en est maintenant devenu la conscience , il semble logique que la coalition qui verra le jour en octobre réclamera la tenue d'un référendum parmi les sociétaires membres des caisses. Mais il lui faudra certes beaucoup d'efforts pour l'obtenir car la machine qui procède à la transformation des caisses en banque fonctionne comme un rouleau compresseur, nantie qu'elle est des ressources financières et humaines de l'establishment du mouvement.

C'est en mars dernier que quelque 75 % des délégués à un congrès d'orientation de la Confédération ont appuyé l'idée de fusionner, d'ici cinq ans, les 10 fédérations régionales de Desjardins en une fédération unique; ainsi que de démanteler la Fédération des caisses d'économie et ses 108 caisses qui sont implantées dans 700 milieux de travail. Mais dans une proportion encore plus forte (87 %), ils ont d'abord demandé la création d'un comité de révision pour mesurer l'impact de ce changement qui affecte non seulement les structures mais aussi la nature du mouvement.

On s'attend à ce que le rapport de ce comité de révision des structures, qui doit être rendu public ces jours-ci, recommande d'appliquer l'orientation adoptée au congrès en transformant la Confédération en une fédération unique qui serait décrite sous l'appellation de banque coopérative . Les fédérations actuelles seraient remplacées par des bureaux régionaux sans aucun pouvoir, tandis que la Fédération des caisses d'économie serait dissoute.

Parallèlement on assisterait à la centralisation des opérations et au déménagement du siège social de Lévis à Montréal, au retrait d'un nombre important de pouvoirs des caisses populaires locales et à l'accélération des fusions obligatoires de caisses sur tout le territoire, particulièrement en milieu rural.

De 10 000 à 12 000 emplois perdus

Ce branle-bas se produit alors même qu'un immense plan de réingénierie des processus administratifs est à mi-chemin de son implantation. Amorcée en 1995 cette opération, qui a déjà fortement ébranlé les conditions de travail du personnel et la qualité des services rendus aux sociétaires, a entraîné jusqu'ici la disparition de 5 000 à 6 000 emplois. Le président de la FTQ, Henri Massé, dont la centrale est fortement implantée chez Desjardins, le plus gros employeur privé au Québec avec 40 000 salariés, estime que si on ajoute à la réingénierie la reconfiguration proposée, ce sont 5 000 à 7 000 emplois de plus qui disparaîtront d'ici quelques années.

Le président Massé tient à mettre Desjardins en garde contre toute tentative de faire disparaître la Fédération des caisses d'économie ainsi que ses 108 caisses affiliées qui comptent 260 000 membres. Cette fédération a en effet une mission unique du fait qu'elle est implantée dans des lieux de travail fortement syndiqués et qu'elle a des liens privilégiés avec les centrales. Si cette fédération devait s'écarter du Mouvement Desjardins pour garantir sa survie - ce que la FTQ ne souhaite pas - elle recevrait un plein appui de la centrale a déclaré M. Massé. On sait que la Fédération des caisses d'économie a entamé des procédures judiciaires contre la Confédération et les Fédérations régionales de Desjardins, le printemps dernier, suite au refus de ces dernières de la maintenir comme entité distincte et autonome dans la nouvelle structure qui doit compter une seule fédération.

Par ailleurs, le président Massé a déclaré que la FTQ s'opposera farouchement à toute centralisation et reconfiguration du réseau des caisses populaires qui continueraient à détériorer les emplois existants de même que les services essentiels à une large fraction de la population, souvent la moins bien nantie .