Sournoise attaque contre les ouvrières

 


L'abolition des décrets dans le textile 0



Dans la foulée de déréglementation et sous la pression de plus en plus forte du patronat, le gouvernement québécois tente d'éliminer les décrets de convention collective dans quatre secteurs du textile. Le projet de loi 47 propose d'ajouter à la loi sur les normes du travail les règles qui régissent les conditions minimales de travail de ce secteur.

Les décrets de convention collective, instaurés en 1934, sont un ensemble de règles négociées par les syndicats, les travailleurs et les patrons concernant les conditions de travail minimales des employéEs non syndiqués. On y indique le salaire minimum, les congés obligatoires, le nombre d'heures minimum de travail par semaine, les vacances, etc. C'est une véritable convention collective pour les non syndiquéEs. Un comité paritaire et un comité de surveillance sont aussi en place, pour protéger les employéEs. Avec la loi 47, le gouvernement propose de se substituer aux syndicats dans ces tâches.

Baisses des conditions de travail

Un des problèmes, c'est que le changement de structure s'accompagnera d'une diminution des conditions de travail minimales. L'abolition du fonds de vacances, la diminution des congés fériés, les pauses qui deviennent celles de la Loi des normes, c'est-à-dire qu'il n'y en a à peu près pas par rapport à ce qui existe et qui est déjà très peu , voilà plusieurs problèmes soulignés par Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec. Et il est à prévoir que si cette loi est adoptée, les conditions minimales de travail des ouvrières du textile deviendront les normes du travail.

De plus, dans le mémoire déposé le 4 mai 1999 par la ministre du Travail, Diane Lemieux, on prévoit une réduction de la masse salariale de 2 %, tout en prétendant que le salaire des employées ne sera pas touché. Notons que les employéEs du textile n'ont qu'un revenu modeste, c'est-à-dire entre 13 000 $ et 16 000 $ par année. On projette aussi de créer 8 000 emplois grâce à ce projet de loi. N'est-ce pas avouer que les conditions de travail diminueront et deviendront plus alléchantes pour les patrons ?

Ce projet de loi aura aussi des conséquences néfastes sur les syndiquéEs. L'abrogation des décrets ne peut qu'intensifier les pressions sur les entreprises syndiquées pour qu'elles rognent dans les salaires et les conditions de travail de leur personnel. Des manufacturiers syndiqués se verront même contraints à des licenciements et à des fermetures , indique le président de la FTQ, Henri Massé.

Les patrons en veulent encore plus

Du côté patronal, certains prônent une déréglementation complète et définitive de ce milieu de travail. Nous nous opposons avec force à des propositions d'inclusion définitive des conditions de travail des décrets à la Loi sur les normes du travail. Nous pensons à cet égard que ce n'est pas un véritable allégement pour l'industrie, on recrée autrement ce qu'on veut abolir, moins épais ne veut pas dire plus simple a déclaré Gilles Taillon, du Conseil du patronat. Dans le contexte d'une concurrence féroce, tant sur les marchés domestiques qu'à l'international, nous croyons que les dispositions trop rigides des décrets constituent un frein à l'expansion et étouffent tranquillement ce secteur ajoute-t-il.

Pourtant, selon Henri Massé, les faits contredisent le discours patronal car depuis 1996 il y a eu 31 % d'augmentation des emplois dans ce secteur, malgré les décrets. En plus, le Québec possède plus de la moitié des entreprises de l'industrie du vêtement au Canada, même si elle est la seule province à être dotée de décrets dans ce secteur.

Les basses oeuvres de Lemaire

C'est lors du Sommet de l'économie et de l'emploi de 1996 que le gouvernement et le patronat ont décidé de créer un groupe conseil sur l'allégement réglementaire, dirigé par Bernard Lemaire de Cascades, pour revoir l'ensemble des règles qui dictent le monde du travail au Québec.

Parmi les propositions du groupe Lemaire se retrouvent l'élimination des décrets dans l'industrie de la chemise pour hommes et garçons, du gant de cuir, de la confection pour dames et de la confection pour hommes.

On compte dans ces quatre secteurs 23 000 employés et 1 100 entreprises. Parmi ces travailleurs, 75 % sont des femmes. La moitié sont des immigrantes dont 8 % ne parlent ni le français, ni l'anglais. Enfin, plus de la moitié des employéEs n'ont pas terminé leurs études secondaires. On peut donc dire que le gouvernement s'attaque lâchement à une population sans voix ni pouvoir.

Enfin, le groupe conseil recommande dans son rapport au gouvernement de s'engager graduellement dans un processus visant l'abolition des autres décrets du secteur manufacturier (meubles, carton, etc.), et se rapprochant de celui proposé pour le secteur du vêtement.

Le Mexique du Nord

Pour Madeleine Parent, syndicaliste et militante qui oeuvre depuis 1937, l'élimination des décrets aura des conséquences dévastatrices pour les employés. Il faut à tout prix essayer de sauver les décrets pour se protéger contre la concurrence déloyale des compagnies qui exploitent le cheap labor.

La poussée du patronat pour éliminer les décrets du textile n'est que le commencement, et c'est une conséquence directe de l'ALENA (Accord de libre-échange Nord-américain) qui encourage la concurrence. Il faut donc combattre l'ALENA dans toutes ses manifestations et faire de l'éducation publique sur les conséquences de la mondialisation des marchés. Il ne faudrait pas attendre que le Québec devienne le Mexique du Nord avant de réagir.