La SSJB Montréal ravive le souvenir de Louis Riel

 

Dernièrement, la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a fait paraître la publicité ci-dessous commémorant la mort de Louis Riel dans divers quotidiens, dont notamment le Winnipeg Free Press. Il y eut peu de réactions au Québec, mais au Manitoba, on en a beaucoup parlé. On peut même dire que ce fut un coup fumant ! Le président de la Société, M. Guy Bouthillier, nous explique les motivations derrière ce geste qui a pris même les Métis par surprise...

Louis Riel, est un patriote du 19e siècle qui s'est battu pour la reconnaissance et la liberté du peuple Métis des plaines de l'Ouest canadien. En guise de répression, on envoya l'armée contre lui et les siens qui ne faisaient que défendre leurs terres. Le gouvernement fédéral le fit pendre en 1885, à l'instar des Patriotes en 1839, pour satisfaire l'opinion publique anglophone qui le considérait comme un traître et un rebelle.

Cette trop courte introduction ne rend pas justice au personnage de Louis Riel, pas plus qu'au combat du peuple Métis d'ailleurs. Ce trop petit résumé serait-il symptomatique d'un phénomène d'oubli généralisé dans la population pour ce qui est de Louis Riel ? C'est justement pour remédier à cette situation que la SSJB a fait publier une annonce. Selon M. Bouthillier, il fallait faire cette pub parce qu'il nous semblait que le souvenir de Louis Riel s'estompait de notre mémoire collective. De ce fait, d'autres (i.e. le gouvernement fédéral) tentent de le récupérer, de le reprendre à leur compte et éventuellement de s'en servir à leurs fins, et pourquoi pas, même contre nous. On m'a même déjà dit que c'était les Canadiens-français qui l' avaient fait exécuter ! C'est complètement l'envers du décor et de la mémoire !

L'élément déclencheur

En fait, cette histoire commence en juillet dernier, lorsqu'une délégation de chefs métis est venue à Montréal donner une conférence de presse en lançant un appel à la SSJB, entre autres, pour les aider dans la demande de réparation qu'ils faisaient au gouvernement fédéral. M. Bouthillier nous explique qu' ils dénonçaient le projet de loi du gouvernement fédéral en vue de réhabiliter Louis Riel.

C'est bien de dire qu'un homme est non coupable, mais dans ce cas, qui est coupable de sa mort et de sa spoliation, de la dépossession, de la dispersion et de la perte de dignité du peuple Métis qui a été traîné dans la boue ?

Depuis toujours, ces derniers sont méprisés et considérés comme des citoyens de seconde zone au Manitoba.

En réhabilitant Riel, le gouvernement fédéral ne fait que laver sa conscience envers la mort d'un homme, mais il ne règle pas ses comptes avec le peuple Métis. Le raisonnement du chef métis Yvon Dumont est de dire que, si Louis Riel n'est pas coupable, alors que le coupable de la situation dans laquelle vivent les Métis, paie pour réparer les pots cassés. Ils nous ont donc demandé de les aider pour que le fédéral prenne les moyens pour redresser leur situation sociale, économique et culturelle. Nous avons accepté et nous avons discuté avec M. Yvon Dumont. Ce dernier n'est pas le dernier venu, car il a été pendant 6 ans lieutenant gouverneur du Manitoba. Inutile de dire que son combat pour les siens est maintenant regardé de travers par l'establishment ! Pour notre part, nous avons profité de l'annonce dans les journaux pour rappeler aux Québécois leur historique avec le peuple Métis.

Les réactions au Manitoba

Face à la pub de la SSJB, c'est une réaction d'étonnement qui a eu cours au Manitoba, même chez les Métis. Une dizaine de journalistes ont contacté M. Bouthillier, sans compter les deux journaux métis et un journal amérindien qui lui ont demandé de publier son annonce dans leurs pages ! Pour M. Bouthillier, il faut rappeler à tout le monde, y compris dans l'Ouest, que Louis Riel et les Métis ont déjà été très près des Québécois. Ils ne sont pas des étrangers pour nous. Jean Chrétien veut que l'on se solidarise avec les Kosovars et les Timorais, c'est bien, mais nul besoin d'aller si loin pour trouver des victimes de l'oppression. Notre premier devoir est de nous solidariser avec le peuple Métis qui ont des liens historiques avec nous. |185| 
762| Je me vois comme un guerrier de la culture0 c'est ma façon de résister à l'uniformisation ! |Caroline Perron|

Entrevue avec Gilles Garand



Il y a de ces gens, qui, peu importe ce qu'ils font dans leur vie, poursuivent toujours la même constante0 changer le monde! Gilles Garand fait partie de ces gens. Conseiller syndical au Conseil central Montréal métropolitain, président de la Société pour la promotion de la danse traditionnelle québécoise (SPDTQ), président du Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV) et musicien actif dans le groupe Lueurs d'Espoir, peu importe le chapeau qu'il porte, il poursuit toujours le même but 0 faire reconnaître la musique traditionnelle québécoise au sein de notre cheminement historique, social, politique et culturel. Rencontre avec un homme de projets.

A.J0 Gilles Garand, quelle serait ta définition de la Culture ?

Gilles Garand0 Ma définition s'exprime vraiment au sens large, un peu comme l'UNESCO, pour moi, la culture s'insère dans une notion de patrimoine culturel. C'est l'ensemble des manifestations qui identifient, qui valorisent un peuple. Ça peut être autant le geste, le savoir, la parole, les actions communautaires, les actions collectives0 l'identitaire d'un peuple.

C'est sûr que je privilégie certains aspects de cette définition là; la tradition orale, par exemple. C'est aussi une vision planétaire, historique, une vision qui doit être intégrée à la connaissance de l'histoire. L'Histoire commence avant l'Histoire, c'est-à-dire que celle qu'on nous a montré a toujours été celle de la culture dominante, alors qu'il faut creuser un peu plus loin pour avoir une autre vision des choses. Jeter le regard le plus loin possible dans le temps pour être capable de faire ressortir les vérités, les authenticités et en même temps, c'est toute la transmission du savoir qui est mise à jour.

Alors moi, je travaille pour faire reconnaître la culture comme une priorité collective, car sans elle, on devient American way of life, qui est aussi une culture, mais une culture dominante et je me suis toujours battu contre ça, je me considère comme un guerrier de l'art, un guerrier de la culture.

A.J0 À qui cette culture devrait-elle s'adresser ?

Gilles Garand0 De plus en plus, je me rends compte que la culture que je veux valoriser est une culture populaire, qui touche les gens ordinaires, à travers des festivals, des manifestations collectives, etc. Je me rends compte aussi qu'elle est un élément de développement, c'est-à-dire qu'on assiste présentement à l'épuisement de nos richesses naturelles, on n'a plus de bois, de poissons, etc.

Mais il y a cependant une ressource qui est renouvelable, durable et c'est la personne, donc si tu agis pour mettre en valeur les manifestations autour de la personne avec, par exemple, des soirées de contes, de musique, des festivals, des manifestations dans la rue, tu deviens un moteur de transmission.

Ça c'est renouvelable, c'est permanent et je pense qu'il est temps que nos gouvernements investissent dans la culture comme développement collectif et pas juste dans la business culturelle. On veut créer des emplois. Il y en a plein à créer dans le domaine de la culture, dans les écoles, dans les centres culturels; il faut l'intégrer à la vie.

A.J0 Pourquoi au Québec semble-t-il y avoir une résistance à la musique traditionnelle, alors que dans d'autres pays comme Cuba ou l'Irlande, elle est perçue de façon positive ?

Gilles Garand 0 Je pense que ça fait partie essentiellement de notre peur d'être nous-mêmes. En même temps, pendant des années, il y a eu beaucoup de manifestations qui ne l'ont pas mise nécessairement en valeur, on l'a rejetée pour la forme, mais on ne s'est pas plus interrogé sur son contenu.

Moi, par exemple, ce qui me fascine dans notre musique, ce qui m'émeut, c'est toute la chaîne d'oralité de la musique. Que des airs soient portés par la mémoire depuis des centaines d'années, ça me stimule et je suis fier d'être dans cette chaîne de continuité. La musique traditionnelle m'est rentrée dans le corps parce qu'elle est originale et vient d'en dedans.

Quand tu dis que la majorité des musiciennes et musiciens, s'ils n'ont pas de partition devant eux, ne peuvent pas jouer, alors que les musiciens traditionnels apprennent à l'oreille et peuvent jouer des veillées de temps sans partition! Il y a une mystique, une sorcellerie, dans le fait d'être capable de faire danser.

Tu es intemporel quand t'es capable de faire ça, t'es autant un africain, un brésilien, tu tombes dans un autre niveau de langage.

Il y a aussi beaucoup de préjugés bourgeois en ce qui a trait à la reconnaissance de notre musique traditionnelle. Prends le Printemps du Québec à Paris, où la musique traditionnelle n'était pas du tout représentée, ça faisait pas assez moderne ! Ça, si c'est pas la peur d'être nous-mêmes ...

A.J0 Qu'est-ce qui a fait que tu as voulu t'impliquer au sein de la Société pour la promotion de la danse traditionnelle (SPDTQ) et au Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV)?

Gilles Garand0 Pour ce qui est de la SPDTQ, j'ai joué en 1972, pour La Veillée des veillées au Plateau et je suivais aussi les Veillées du Plateau organisées par la SPDTQ qui se passaient à cette époque là au Pavillon Latourelle. Moi, je suivais ces veillées-là, non pas pour la danse, mais pour la musique et pour l'esprit de la fête.

Ensuite, pour toutes sortes de raisons, j'ai émigré en campagne et j'ai continué de suivre la musique. J'ai fait le tour du Québec avec le Syndicat de la musique qui m'a permis également de connaître les musiques du Québec.

En 1991, la SPDTQ m'a approché pour que j'organise un festival de musique et de danse traditionnelles parce que je connaissais tout le monde, je suis un homme de réseau et, en même temps, je suis un organisateur, mon expérience de conseiller syndical n'était certainement pas négligeable. Nous avons donc organisé La Grande Rencontre. Parallèlement à ça, j'étais sur le comité provisoire des États généraux sur le Patrimoine vivant à Québec. On m'avait mandaté pour organiser le congrès de fondation du CQPV. Pour moi, c'est donc important de travailler au niveau des deux paliers0 organisationnel et politique, pour avoir une vision globale du développement culturel.

A.J0 Quels sont tes projets pour l'avenir rapproché?

Gilles Garand0 De façon concrète, on prépare la 8ème Édition de La Grande Rencontre qui doit accueillir cette année 20 musiciennes et musiciens bretons qui proviennent de la Rencontre des musiques traditionnelles bretonnes. Toujours, pour La Grande Rencontre, nous avons déposé un projet pour Patrimoine Canada, qui nous permettrait de faire venir des artistes de la francophonie de d'autres provinces, on pense aux provinces maritimes, à l'Acadie et au Manitoba. On travaille afin que cette Grande Rencontre devienne un festival pancanadien des musiques traditionnelles francophones, toujours dans la poursuite du même but0 lier l'histoire populaire à la culture populaire.

Comme président du CQPV, je vais mettre beaucoup d'énergie à redonner à ce Conseil un itinéraire qui va le brancher sur le vrai monde et où l'on va tenter de rebâtir les solidarités. Tout ça en continuant de jouer avec mon groupe Lueurs d'Espoir, que ce soit pour des manifestations, des soirées de solidarité, des festivals. De manière non-officielle, j'ai aussi été approché pour être porte-parole pour Les Journées de la Culture, peut-être parce que je suis quelqu'un capable de faire les liens sociaux, syndicaux, populaires, culturels et que je transporte tout ce bagage avec moi peu importe où je passe. En tous les cas, ce serait une belle reconnaissance à faire pour notre musique traditionnelle.

A.J0 Penses-tu qu'il y a un rapport entre le peu de considération qu'on porte à notre musique traditionnelle et la question nationale?

Gilles Garand 0 Je dirais que c'est plus profond que ça. C'est pas seulement la question nationale. Notre présent gouvernement a pris la tangente néolibérale et, d'après moi, pour avoir une vision de ce que peut être une culture nationale, il faut que tu aies une vision de ce que peut être un peuple, une nation.

J'ai plutôt l'impression que, ces temps-ci, c'est l'idéologie néolibérale qui l'emporte sur l'identité, sur la volonté d'être un pays. Si Lucien Bouchard veut avoir des conditions gagnantes pour que le Québec accède à l'indépendance, il va falloir qu'il écoute le peuple, qu'il accorde des services adéquats en santé, en éducation, qu'il assure des outils pour le développement de la culture vivante afin qu'elle puisse se manifester de façon dynamique auprès de toute la population et non seulement pour une élite.

Je reviens là-dessus 0 il faut que le gouvernement écoute le monde et à partir de ça, on va les avoir nos conditions gagnantes. C'est une question de volonté, de projets de société, de rêves... Probablement que je suis encore poète et j'espère que je vais mourir poète. Le mot de la fin0 Tam tam di de lam ! Tam Tam dit de l'âme !|185| 
763|Michel Garneau et la poésie totale|Michel Lapierre| Le destin des frères Sylvain et Michel Garneau est sans doute le phénomène le plus singulier de notre histoire littéraire. Que nous n'ayons pas su les reconnaître comme les plus grands de nos poètes me semble toutefois banal, aussi banal que le mot destin; car, admettons-le pour de bon, nous n'entendons pas grand-chose à la poésie.

Et de toute manière, il y a déjà beaucoup trop de Garneau, bien que les plus illustres d'entre eux ne soient apparentés que de très loin à nos deux poètes, fils de l'avocat Antonio Garneau, nommé juge de la Cour supérieure en 1951. En plus de François-Xavier Garneau, historien national et poète à ses heures, on remarque, au fil des générations, Alfred Garneau, traducteur et honnête sonnettiste, et surtout Saint-Denys Garneau, qui, selon les plus distingués et les plus tourmentés d'entre nous, éclipserait tous les autres. Comment se retrouver dans ce panthéon, lorsqu'on croit que la poésie est un défilé de belles images et d'associations verbales inusitées, qui passe à un certain rythme et nécessite une bonne dose de mélancolie ?

On pénètre dans la poésie de Sylvain et de Michel Garneau comme dans un monde

Sylvain et Michel Garneau ne sont pas, comme nous, de petites natures. On pénètre dans leur poésie comme on pénètre dans un monde. Ce ne sont ni les images, ni les rapprochements, ni la sonorité qui comptent, encore moins la mélancolie. Le monde des deux frères se suffit à lui-même. Leur poésie est tout, sauf une poésie fragmentaire. Et c'est pourquoi elle échappe à notre esprit divisé. C'est la seule poésie québécoise qui nous donne la merveilleuse conviction que notre christianisme maladif et notre névrose ethnique n'ont jamais existé.

Alain Bosquet avait déjà senti la chose en lisant Sylvain Garneau, et nous reprochait discrètement de ne pas estimer, à sa juste valeur, ce poète qui s'était donné la mort, en 1953, à l'âge de vingt-trois ans. Sylvain Garneau réapparaît, sous les traits d'Orphée, dans le dernier recueil de Michel Garneau 0 Une pelletée de nuages.

mon frère Orphée chantait

rivière ma belle

et je chantais avec lui

je n'ai jamais tant rêvé d'eau

La poésie comme une histoire

On sait depuis longtemps que les adeptes de la poésie fragmentaire aiment voir du prosaïsme dans les poèmes de Michel Garneau. Bien entendu, cette critique me laisse froid, car je considère la poésie comme une histoire. Et les mots sont-ils autre chose qu'une grêle surprenante , à l'abri des idées préconçues ?

écoutons l'herbe pousser à travers l'humus

de nos os

et les dieux s'amuser à nous pisser la mort dans

la face

Michel Garneau écrit, depuis toujours, sans effort ni contrainte, une poésie du Nouveau Monde et reconnaît, dès 1977, en Emily Dickinson la cousine des écureuils , la petite ivrogne de rosée , la vieille fille aux yeux de confitures . Il est le poète-patenteux irrévocablement québécois auquel rêvait Alfred DesRochers, dans les années trente, en préférant déjà l'influence de Hart Crane et de Vachel Lindsay à celle des Français.

Garneau et la tradition populaire

Poète de la réalité, du plaisir, du corps, de la solidarité et de la nécessité absolue de la compassion , Garneau n'imagine pas, comme le faisait Jacques Brault dans sa trop célèbre Suite fraternelle, un pays nouveau à la place du pays né de l'orphelinat de la neige ; car pour lui le Québec n'a jamais été le pays chauve d'ancêtres , comme Miron le voyait aux heures les plus noires. Aussi fou de la neige que de l'eau, Garneau se démarque de l'élitisme des poètes de l'Âge prétendu de la parole en s'inscrivant très profondément dans la tradition populaire.

oui je suis plein d'une vieille rage

c'est la rage de mon peuple

c'est pas moi qui l'ai inventée

je l'ai reçue en héritage

et je sais qu'il faut qu'elle règne

sinon c'est elle qui nous tuera

Garneau écrivait cela un mois après le référendum de 1980. Au cours de la campagne référendaire de 1995, sa fille, la jeune Zoé, lui demande tout bonnement 0 C'est quoi la sépaNONration ? Elle lui pose cette merveilleuse question dans Une pelletée de nuages.

Le langage est la solidarité première

Comme on le voit, Zoé et Michel Garneau sont de la race des poètes qui ne niaisent pas et qui pensent très fermement que le langage est la solidarité première et que la langue peut être le lieu d'une action , car les mots, les tournures, l'accent, et jusqu'à l'intonation, dépassent les origines ethniques, les croyances et les visions du monde.

Expression la plus directe de la quotidienneté du langage, la poésie, bien qu'elle soit pure folie, est la convergence absolue. Est-ce qu'on aime vraiment l'univers ? se disait Michel Garneau, il y a plus de vingt ans. Le poète ne cesse de nous prouver que la réalité de cet amour importe peu. Ce qui compte, c'est que le langage exprime l'univers en commençant par le commencement 0 nous-mêmes. Saisis par cette vérité, nous aurons tôt fait de constater que nous sommes parfaitement libres / comme des métaphores , n'en déplaise à ceux qui ne veulent pas que le Québec soit un pays .

L'amour physique précède la vie, la mort et le monde

Cette liberté est une naissance. Un thème aussi usé que l'union de l'érotisme et de la mort se trouve rajeuni par l'émerveillement de Garneau. Dans l'orgie, on fourre bien animalement et on grelotte de plaisirs . L'humanité de l'orgasme apparaît, et puis survient la collision. Le sang gicle, et la mort toute neuve surprend les moineaux ivres , comme, un jour, elle surprendra le poète lui-même.

Mais, selon Garneau, l'amour physique précède la vie, la mort et le monde. Les caresses excessivement cochonnes nous jettent dans le trou noir de l'absolu . On découvre alors le fond des choses 0 l'épaisseur et la brûlure du vide.

Michel Garneau,Une pelletée de nuages,Lanctôt, 1999.|185| 
764|Ciel, mon doigt ! s'écrie Dieu|Jean-Claude Germain| Entre la poule et l'œuf, lequel des deux vient avant le bœuf ? Il y a une trentaine d'années, Jacques Dutronc s'inquiétait que cette question existentielle demeure sans réponse. On nous cache tout, on nous dit rien ! tranchait le chanteur. Plus on apprend, plus on sait rien.

Adam avait-il un nombril ? Et Ève une âme ? Qu'est-ce qui se cache vraiment derrière la chute originelle ? Le premier syndicat ou le premier licenciement ? Ce n'est pas le type de question qu'on se pose en sciences po ou le genre de réponse qu'on cherche en théologie. Et c'est ainsi qu'à l'université, les mystères restent entiers et les énigmes irrésolues.

Pourtant, lorsque nos premiers parents ont manifesté leur intention d'avoir un mot à dire dans la gestion du paradis terrestre, la réaction du Créateur a été indubitablement patronale. Le premier Patron était-il un boss ? Ou est-ce les boss qui ont créé Dieu le père à leur image ?

Le premier lock-out

Examinons les faits à travers les yeux d'une fermeture d'usine. Adam et Ève n'ont pas eu le temps de savourer la première croquée de leur premier fruit défendu que, d'autorité, leur Géniteur les avait déjà expulsés manu divinari de son éternité.

J'vous ai toujours traité aux p'tits-z-oignons, mais, à partir d'astheure, vous allez pleurer en les épluchant ! leur lance-t-il, retranché derrière la grille fraîchement cadenassée du paradis terrestre. Le récit de la Genèse ne laisse planer aucun doute sur la raison qui est à l'origine de la première rationalisation administrative.

Dieu le père a mis la clé dans la porte du jardin d'Eden parce qu'il en était le boss, le patron, le propriétaire, l'architecte paysager, le promoteur et le concepteur. L'éternité c'était son affaire, son idée et son bébé. Pis y a personne qui va v'nir me dire comment l'élever. Et encore moins quèque chose qui serait jamais arrivé à rien si j'en avais pas faite quèqu'un ! La chute originelle, c'est le premier lock-out dans l'histoire de l'univers.

La fermeture sauvage du paradis a plongé l'humanité dans la précarité et condamné les descendants d'Adam et Ève à une existence sur appel dont les contrats d'engagement sont révocables à tout moment.

À la recherche du paradis perdu

Depuis sa mise à pied de l'immortalité, l'espèce humaine vit dans la nostalgie de l'éternité et son espérance d'un retour imminent à la permanence et au plein emploi du temps est la pierre d'assise de toutes les religions. Peu importe son origine culturelle, il entre dans la nature d'une église d'annoncer tout d'abord la réouverture du paradis dans un autre monde et de s'afficher ensuite ici-bas comme un bureau dûment accrédité pour le recrutement des candidats.

La fonction première d'une église n'est pas l'embauche, mais l'établissement d'une liste de postulants en attente d'une permanence, valable pour l'éternité. Et, à l'instar de ceux qui se cherchent une djobbe aujourd'hui, les catéchumènes sont retenus et choisis sur présentation d'un curriculum vitae, qu'on nomme aussi, confession générale.

Toutes les religions du monde tirent leur autorité de leur pouvoir d'exclusion ? Que peuvent-elles pour leurs fidèles ? Rien ! Sinon leur conférer l'insigne privilège de faire partie d'un cortège d'élus dont tous les autres sont exclus. D'ailleurs, plus son prix d'entrée est élevé, plus une religion est en santé, comme ce fut le cas, par exemple, du christianisme à l'époque où les chrétiens servaient d'amusements aux Romains et d'amuse-gueules aux lions du cirque.

Le pouvoir négatif d'une église se fait habituellement répressif lorsque sa religion cesse d'être persécutée. Pour maintenir l'insigne importance du privilège d'être élu, les autorités ecclésiastiques persécuteront dorénavant ceux qui refusent l'honneur de se convertir à sa Vérité. Puisque les infidèles ne semblent pas souffrir de ne pas être des fidèles, l'Inquisition ou les Intégristes musulmans se chargeront de les aider à mesurer l'ampleur de cette souffrance qu'ils avaient choisi d'ignorer.

Pour que la patron se sente patron

C'est le même esprit qui anime le patronat aujourd'hui lorsqu'il exige sur toutes les tribunes qu'on élimine tous les programmes sociaux.

Pour les banquiers, il n'est pas suffisant que les pauvres soient pauvres. Ce qui importe, c'est ce que les riches se sentent riches et pour qu'ils en aient toute la jouissance, il faut que les pauvres prennent conscience de leur pauvreté en quémandant, en sollicitant, en mendiant et en quêtant.

Accumuler des profits n'a rien d'exaltant, on engraisse sans s'en rendre compte. Cinquante piastres en cennes noires pèsent plus lourd dans les poches qu'un salaire de cinquante millions. Et, depuis le début des temps, il n'y a qu'une seule façon pour un patron de sentir qu'il est un boss, c'est de mettre la clé dans la porte de la shoppe, fermer l'usine, placarder la manufacture et jeter à la rue des centaines et des centaines d'ouvriers et d'ouvrières. C'est le pied du roi !

Dieu lui-même a ressenti la même superbe au moment où il pointait la sortie du paradis à nos premiers parents. Un éclair a frappé son doigt et comme la femme volage lâche 0 Ciel ! mon mari ! au moment où le cocu fait son entrée dans la chambre où elle s'ébat avec son amant, Dieu s'est écrié, Ciel, mon doigt ! Et il a pris plaisir à exercer son pouvoir. C'est le péché originel et c'est Dieu qui l'a commis.|185| 
765|Michel Chartrand, Les voies d'un homme de parole|L'aut'journal|

Suggestion de lecture



Agressif, bouillant, coloré, coléreux, constant, courageux, dangereux, désoeuvré, drôle, énergique, enflammé, engagé, exalté, fanatique, farfelu, fauteur de troubles, fougueux, furieux, généreux, gêneur, grossier, grotesque, gueulard, inconscient, incorruptible, ingénieux, insensé, insolite, insoumis, insultant, insurrectionnel, intègre, irresponsable, juste, loufoque, lucide, mal engueulé, méprisant, noble, outrageant, perturbateur, pitre, politisé, populaire, présomptueux, prophète, provocateur, raseur, rebelle, révolutionnaire, ridicule, rigoureux, sacreur, séditieux, socialiste, subversif, tempéreux, tenace, turbulent, utopique, vaillant, véridique, vif, vigilant et violent (p. 14) Voilà comment on dépeint, selon que l'on soit du côté patronal ou syndical, le personnage haut en couleur qu'est Michel Chartrand.

C'est ainsi que débute le livre Michel Chartrand, Les voies d'un homme de parole. Écrit par Fernand Foisy, à qui on doit aussi Michel Chartrand, Les dires d'un homme de parole, on y retrace la vie du grand syndicaliste québécois, de sa naissance jusqu'en 1967. Sans trop tomber dans le human interest décrié avec éclat par M. Chartrand lors des dernières élections, le livre de Fernand Foisy réussit assez bien à intégrer la vie privée et la vie publique de Michel Chartrand.

La vie de Michel Chartrand est bien sûr mise en parallèle avec celle du Québec. Inextricablement liés, l'histoire politique et syndicale et le destin de Michel Chartrand. De toutes les luttes, étudiantes, anti-conscription, pour la reconnaissance du Québec, contre la pauvreté et l'exclusion sociale, Michel Chartrand fera du combat des ouvriers son champ de bataille. Le point culminant, qui donna à Michel Chartrand sa vocation c'est sans l'ombre d'un doute la grève d'Asbestos, en 1949, où beaucoup de travailleurs, sans protection, mouraient de l'amiantose. Pendant qu'on disait Non au travail qui tue! , Duplessis conspirait avec le patronat et le clergé, pour vendre le peuple québécois au plus offrant. Et l'autorité policière servait au profit des entreprises plutôt qu'à la défense du peuple.

Ils arrêtent à l'oeil tous les ouvriers qu'ils trouvent dans les restaurants, les salles de billard et autres lieux de rassemblement. Malgré la présence d'une forte brigade de journalistes, les policiers ne se gênent pas pour se montrer brutaux dans la répression entreprise. Ils ne se gênent pas pour frapper du poing ou de la matraque les grévistes, même s'ils sont quatre pour effectuer l'arrestation. On cherche de toute évidence à intimider la population. rapportera Gérard Pelletier à ce sujet, dans Le Devoir. (p. 145)

Pour renouer avec l'histoire du syndicalisme québécois, à travers celle de Michel Chartrand, ou tout simplement pour la découvrir, Les voies d'un homme de parole est un incontournable. Un livre à lire en cette période des fêtes où plusieurs surconsomment et où les paniers de Noël sont rois et maîtres pour alléger notre conscience, afin de renouer avec les vraies questions qui sont encore fondamentales aujourd'hui0 la solidarité humaine et le droit humain à une vie décente. Voilà le combat d'une vie de cet homme de parole...|185| 
766|Les profits ou la vie?|Anne-Marie Tremblay et Anne-Marie de la Sablonnière|

Opération Salami



Montréal. Mai 1998. Des gens en colère. Des gens dans la rue. Une centaine de citoyens et de citoyennes forment une barricade humaine devant les portes de l'hôtel Sheraton. Ils profitent de la tenue d'une conférence sur la mondialisation à 1000$ l'entrée pour alerter l'opinion publique sur l'AMI (Accord Multilatéral d'Investissement).

Cette manifestation s'appelle l'opération salAMI. Magnus Isacsson, Malcom Guy et Anna Paskal en ont fait un documentaire, Opération SalAMI, les profits ou la vie. Axé sur la désobéissance civile, on fait ressortir comment des gens ordinaires, poussés à bout, ont choisi cette option pour se faire entendre et ont réussi à stopper momentanément les négociations de l'AMI. Par contre, si vous ne connaissez pas l'AMI, ce n'est pas dans ce film que vous en comprendrez les enjeux.

Une formation à la désobéissance civile

Si, depuis plus d'une semaine à l'hôtel Sheraton, les policiers se préparent pour la manifestation, les militantEs aussi sont organisés. La veille de l'action, les opposants à l'AMI suivent tous et toutes une formation à la désobéissance civile. Deux choix s'offrent à eux0 manifester devant le centre Sheraton ou faire partie de la chaîne de blocage humaine devant les portes, avec tous les risques d'arrestation et de brutalité policière que cela implique. Ce n'est qu'après cette formation qu'ils décideront s'ils feront partie ou non de la barricade humaine.

Les réalisateurs ont choisi de suivre l'évolution de quatre personnes0 Sébastien Rivard, 26 ans, travailleur de rue, Linda Hanna, 25 ans, enseignante, Viviane White, 50 ans et sa fille Freya McKenzie, 20 ans. On assiste à leur formation, à leur processus de décision, à leurs angoisses et à la manifestation, l'opération salAMI. Ils choisiront tous de participer au blocage. Parmi ces quatre, deux se feront arrêter lors de l'événement.

Risquer sa sécurité

En visionnant ce film, on comprend pourquoi ces gens vont jusqu'à risquer leur sécurité pour une cause. Linda, qui soupèsera le plus longtemps sa décision, résume bien la pensée des manifestantEs, quand elle explique que ce que j'ai souvent entendu, c'est0 on ne peut rien faire, c'est la marche du monde, c'est l'idéologie capitaliste, l'idéologie de la libéralisation des marchés. C'est elle qui va assurer le salut, le bien-être des peuples du monde. On se rend bien compte que c'est faux. Elle décide donc de se battre contre l'AMI, parce qu'elle le peut. Dans certains pays, souligne-t-elle, des femmes sont lapidées, égorgées, discréditées lors de leurs luttes. Ici, on peut se mobiliser. C'est donc un devoir pour moi de faire ma part.

Les réalisateurs ont vraiment insisté sur le rapport de force policiers/manifestants. On débute le film avec une série de clichés, montrant la violence avec laquelle les 99 manifestantEs ont été arrêtés. Les images en plongée montrent les manifestants couchés, attachés, traînés, menottés... Heureusement, les militantEs étaient bien préparés0 ils ont appris des méthodes pacifiques de protection contre la violence policière. On frisonne avec les personnages lorsqu'on leur explique les dangers qu'ils courent0 le poivre de cayenne, les doigts dans les globes oculaires, les techniques d'intimidation, etc. L'oeil vif de la caméra saisit les petits coups de matraque par en dessous, les techniques de déstabilisation utilisées contre les manifestants, les regards vides des policiers...

Unis, les Montréalais n'étaient pas seuls0 l'opération salAMI s'inscrivait dans un mouvement mondial, allant de Prague à Paris, en passant par Genève. Avec les dernières images du film, qui montrent l'ampleur de la mobilisation à travers le monde, le film laisse sur une lueur d'espoir. Entre les profits ou la vie, on a choisi la vie.|185| 
767|L'Équateur fait trembler l'économie mondiale|André Maltais|

Maillon le plus faible de la chaîne ...



En forçant le gouvernement équatorien, le 25 septembre dernier, à annoncer à tous ses créanciers qu'il ne pouvait pas rembourser complètement un paiement d'intérêts sur sa dette extérieure, les manifestations populaires qui ont secoué le pays tout l'été ont semé la panique chez les prêteurs privés. Ceux-ci, craignant un effet d'entraînement dans toute l'Amérique latine, voire dans tout le Tiers-Monde, pressent le FMI et les gouvernements du G7 de ne pas les laisser tomber.

Le 25 août dernier, le président Jamil Mahuad de l'Équateur prévenait le monde que son pays n'allait pas pouvoir rembourser en entier un paiement en intérêts de 96 millions $ sur sa dette extérieure et qu'en conséquence, il se prévaudrait d'une période de grâce de 30 jours prévue à cet effet.

Un mois plus tard, l'Équateur devenait le premier pays du monde à sauter un paiement sur sa dette depuis l'instauration des bonds Brady , détenus par des prêteurs privés et garantis à toutes épreuves par le Trésor américain. Ces bonds avaient été institués dans les années 1980 pour résoudre la crise mondiale de la dette.

L'Équateur annonçait qu'il rembourserait 51,8 des 96 millions $ dus et demandait à ses créanciers de coopérer à restructurer le montant total de sa dette extérieure en bonds Brady, soit 6,1 milliards $. En même temps, le ministre des finances, Alfredo Arizaga, admettait que des mesures avaient été prises pour protéger les avoirs équatoriens à l'étranger mais que des saisies étaient bel et bien possibles.

Cause nationale

Le pays n'a d'avenir ni économique ni social si sa dette extérieure n'est pas considérablement réduite, plaidait le président Mahuad à la nation, le 25 septembre. L'option que nous choisissons aujourd'hui est radicale et doit devenir une cause nationale. Nous avons aussi besoin, à compter de maintenant, d'appuis au niveau international.

C'est que le petit pays d'Amérique du Sud étouffe sous les dettes! Ce qu'il doit hors de ses frontières est plus élevé que son produit intérieur brut (PIB) et, cette année, les paiements sur la dette représentaient à eux seuls la moitié du budget national.

Toujours cette année, 60% de l'autre moitié de son budget servait à renflouer les onze banques du pays qui ont déclaré faillite pendant que le prix des aliments augmentait de 70%, celui des deux principaux produits d'exportation du pays (l'huile et la banane) s'effondrait et la monnaie nationale (le sucre) perdait plus de la moitié de sa valeur.

Réaction molle

Curieusement, les États-Unis et le FMI ont réagi plutôt mollement au défaut de paiement équatorien. Les premiers se permettaient même d'appuyer un plan de restructuration de la dette extérieure totale du pays (voir encadré).

Selon le New York Times (29 sept), le gouvernement américain et le FMI ne voient pas d'un mauvais oeil le défaut de paiement d'un petit pays comme l'Équateur. Il s'agirait plutôt d'un utile avertissement aux prêteurs privés, ce qu'un officiel américain justifie ainsi0 Tôt ou tard, les investisseurs se rendront compte que le monde ne pourra pas toujours compenser les risques qu'ils prennent et (...) plus tôt ils comprendront cela, plus on pourra empêcher une grande crise d'éclater.

Le Financial Time, lui, révélait plus tôt (28 août) que le FMI et les membres du Club de Paris avaient demandé aux prêteurs privés de partager davantage les conséquences de prêts risqués à des pays pauvres. Mais les prêteurs privés ont réagi avec colère et cela n'étonnera personne étant donné les sommes incroyables en jeu. Au cours des dix dernières années, stimulés par les garanties d'argent public des prêteurs officiels (FMI, Banque mondiale, gouvernements des pays riches, etc), le secteur privé a prêté l'inimaginable somme de 1,7 trillion $ aux pays pauvres du globe! En seuls bonds de type Brady , le Tiers-Monde devrait un montant de 300 milliards $!

Dangereux précédent

Qualifiant les événements en Équateur de dangereux précédent , l'Institut international de la finance affirme, dans une lettre signée par l'un de ses directeurs administratifs, Charles Dallara, que le secteur privé a l'intention de ne rien concéder à l'Équateur. L'association, qui réunit les 300 plus grandes banques et institutions financières du monde, réclame même à ce pays un remboursement immédiat de 1,5 milliard $.

Nous allons virer l'Équateur à l'envers même si on doit y perdre nos paiements du gouvernement, affirme un prêteur au El Nuevo Herald, un journal de Miami. On veut que ces pays-là comprennent qu'ils ne peuvent pas sélectionner les bonds qu'ils vont rembourser et que ne pas payer ses dettes, ça fait mal!

Nicolas Brady, architecte du système de bonds qui portent son nom et ancien secrétaire au Trésor américain, a livré sa colère au Financial Time (20 sept)0 En pratiquant une politique d'exception à l'égard du maillon le plus faible de la chaîne, le FMI joue avec le feu (...). Son rôle ne consiste sûrement pas à dire à un pays de ne pas payer ses dettes au secteur privé!

Combat pour la vie

La force véritable à l'origine de ce mouvement de panique dans les rangs de la finance mondiale, c'est la population équatorienne0 une population de 12 millions de personnes parmi les plus humbles de la terre, indigène à 40% et pauvre à 80%, qui, tout l'été, a frôlé l'insurrection dans ce qu'elle appelait un combat pour la vie et contre la faim .

Les chauffeurs de taxi ont parti le bal en bloquant des routes suite à une hausse du prix de l'essence. Les autochtones sont ensuite descendus des montagnes pour bloquer des routes à leur tour, occuper les bureaux de la compagnie nationale d'électricité et prendre le contrôle des tours de communication.

Le mouvement s'est rapidement mobilisé contre les politiques néolibérales, le poids de la dette et la possible implantation de bases militaires américaines dans le pays. L'ont rejoint les enseignants et les travailleurs de la santé impayés depuis des mois, les travailleurs des plantations de bananes, les camionneurs, les travailleurs des transports (autobus, trains), les vendeurs du secteur informel, les travailleurs des commerces et des boutiques de même que ceux des petites entreprises.

Matraqueurs impayés

Mêmes les bureaux de la haute hiérarchie de l'Église catholique, accusée de collaborer avec le néolibéralisme, ont été occupés tandis que la police s'est retrouvée, à un moment donné, sans le sou pour payer les salaires de ses matraqueurs!

Malgré l'état d'urgence accordant au président des pouvoirs extraordinaires (mainmise sur le budget national, liberté d'ordonner l'intervention de l'armée où et quand bon lui semble, etc), malgré cette journée d'août où la police a arrêté 400 manifestants et tiré sur treize autres, les émeutes et occupations ont persisté.

Dès lors, le président n'avait plus d'autre choix que celui d'annoncer au reste du monde le défaut de paiement de son gouvernement.|185| 
768|Dette réduite contre base militaire|André Maltais| L'appui des États-Unis à la restructuration de la dette extérieure équatorienne, au prix de susciter la colère des prêteurs privés et de bousculer la rigueur légendaire du FMI, ne trouve pas seulement son sens dans l'idée de rendre les prêteurs privés un peu plus responsables de leurs actes. Il s'explique aussi par le projet de Washington d'encercler un peu plus une Colombie en situation pré-révolutionnaire.

Depuis le début de 1999, le FMI négociait péniblement un nouvel accord de prêt avec l'Équateur. On était prêt à effacer 1,4 milliard $ de dettes, mais les conditions exigées étaient une augmentation de 50% des impôts et l'abandon à leur sort des banques équatoriennes qui tombaient en faillite les unes après les autres.

Le gouvernement Mahuad hésitait à mettre en oeuvre ces réformes, sachant très bien que ni le Parlement ni la population du pays n'allaient accepter ces nouvelles mesures qui revenaient à achever les restes moribonds de l'économie nationale.

Base navale

Mais l'appui américain, dit-on, en contraignant le FMI à moins d'intransigeance économique, aurait débloqué les négociations. Le quotidien argentin Clarin révélait récemment qu'en contre-partie les États-Unis auraient obtenu le consentement du gouvernement Mahuad à l'implantation d'une base navale américaine dans la ville côtière de Manta proche de la frontière colombienne et d'une région fortement disputée par les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes).

En même temps, le Panama et l'Équateur continuent d'être pointés du doigt pour leur laxisme envers les activités de la guérilla colombienne qui déborderaient de leur côté de la frontière. L'ex-ambassadeur américain en Équateur, Leslie Alexander, déplore dans les pages d'un magazine équatorien le déclin de l'armée équatorienne et les très sérieuses conséquences pour ses voisins de la situation colombienne.

Avec le Pérou, l'Équateur est le seul voisin de la Colombie que les Américains peuvent espérer convaincre de collaborer à leurs visées guerrières.

Refus du Vénézuela et du Brésil

Hugo Chavez, du Vénézuela, refuse aux avions de la DEA ( Drug enforcement administration , l'organisme américain de lutte anti-drogue) de mener leurs missions à partir du territoire de son pays après avoir indiqué, au grand dam du gouvernement colombien, qu'il était prêt à négocier lui-même avec la guérilla!

Le Brésil aussi rejette les pressions américaines de policier la frontière longue de 1600 kilomètres qu'il partage avec la Colombie tandis qu'au Panama, la nouvelle présidente Mireya Moscoso réaffirme qu'en aucune circonstance son pays ne permettra aux États-Unis d'installer des bases anti-guérilla en territoire panaméen.

Mais le temps presse pour les Américains qui cherchent de nouveaux emplacements pour les ex-bases militaires qui doivent avoir toutes quitté le Panama le 31 décembre prochain. D'autant plus que le nouveau vent d'indépendance qui se lève sur le continent latino-américain souffle fort et partout!|185| 
769|De slogan à programme politique|Pierre Dubuc|

Le Revenu de citoyenneté



Michel Chartrand en avait fait le slogan de sa campagne électorale dans Jonquière et il martèle ce thème dans toutes ses interventions publiques depuis. L'idée est nouvelle ; elle suscite un grand intérêt dans plusieurs milieux, mais elle avait besoin d'être développée, expliquée, assise sur des bases théoriques. Seul un livre pouvait le faire.

Chartrand ne pouvait trouver meilleur associé que Michel Bernard pour rédiger ce livre. Professeur de sciences comptables à l'UQAM, présentement en rédaction d'une thèse de doctorat en philosophie et auteur de L'Utopie néolibérale, Michel Bernard manie avec une égale dextérité les chiffres et les concepts philosophiques. L'association des deux Michel a donné ce Manifeste pour un revenu de citoyenneté.

Un revenu inconditionnel

Le revenu de citoyenneté serait distribué à tous les citoyens du Québec de façon égalitaire et inconditionnelle. Il serait cumulable avec les autres revenus, mais il serait en lui-même assez substantiel pour radier le risque du manque de biens premiers, pour réaliser l'objectif de la pauvreté zéro . C'est par ces mots que s'ouvre ce Manifeste qui propose le revenu de citoyenneté comme moyen de réalisation des droits sociaux proclamés par les chartes des droits de l'Homme et les constitutions.

Avec des chiffres, des tableaux, Chartrand et Bernard démasquent ces idées à la mode véhiculées par les journaux et qui inspirent l'action de nos gouvernements, mais qui ne servent qu'à camoufler l'enrichissement incroyable d'une petite minorité et l'appauvrissement de la majorité. Ils appellent à un renversement des priorités, à redéfinir notre espace public en s'appuyant sur une grande conviction commune des Québécois 0 les hommes ont une égale dignité morale et tous devraient avoir accès aux biens premiers, nourriture, logement, habillement, soins de santé ainsi qu'aux biens indispensables à la réalisation de soi comme l'éducation .

Le droit à une rente naturelle

Chartrand et Bernard rappellent les données économiques de base qui condamnent 20 % de la population à l'exclusion sociale. Ils prennent acte des limites de la revendication du droit au travail dans ce nouveau contexte économique dans lequel le travail s'amenuise par suite des immenses progrès technologiques réalisés au cours des dernières décennies.

Puis, ils retournent comme une crêpe l'argument du progrès technologique et l'invoquent pour justifier le revenu de citoyenneté. En tant que citoyen d'un État, ne sommes-nous pas propriétaire des ressources naturelles du territoire de cet État, des progrès issus des générations passées ? se demandent les auteurs en soulignant que les classes bien nanties bénéficient déjà d'une allocation à même le bien commun.

Questions et réponses

Dans un langage simple, rédigé sous forme de questions et réponses, le Manifeste répond à toutes les questions soulevées à propos du revenu de citoyenneté. Mentionnons-en quelques-unes 0 Donner un revenu à quelqu'un sans qu'il travaille n'est-il pas une confirmation de son inutilité ?; Que vaut l'argument selon lequel le revenu de citoyenneté désinciterait au travail ? Et, bien évidemment, la question cruciale des coûts du programme. Un chapitre traite cette dernière question de façon approfondie.

Peut-être plus important encore, le Manifeste jette les fondements d'une autre philosophie de la vie en société. Une société qui espère tirer son ordre de l'équilibre des égoïsmes crée des égoïstes écrivent les auteurs pour décrire la société actuelle ; le Manifeste, au contraire, est basé sur le postulat que l'avenir de l'humanité est dans la solidarité .

Michel Chartrand promet de revirer le Québec sans dessus-dessous avec ce livre. C'est le dernier combat de ma vie. Il faut mettre fin à la misère, à l'humiliation, à l'ignorance dans Québec rugit le vieux lion. On n'a pas fini d'entendre parler du revenu de citoyenneté.|184| 
770|Le sommet de la jeunesse 0 Un piège ?|Anne-Marie Tremblay| Plusieurs groupes de jeunes se sont réunis contre le Sommet de la jeunesse qui se déroulera en février 2000. Chapeautés par le RAJ (Rassemblement autonome des jeunes), une vingtaine de groupes de jeunes lancent un appel à la solidarité contre le gouvernement Bouchard.

L'attitude paternaliste du gouvernement québécois y est clairement dénoncée. Charles Sainte-Marie, du RAJ, explique que le gouvernement a lui-même choisi, sans consulter qui que ce soit, des sujets qui seront abordés lors du Sommet. Les quatre sujets débattus seront donc l'emploi, l'éducation, la société équitable et l'ouverture sur le monde.

Chacun de ces sujets a une connotation économique. Plusieurs groupes se plaignent qu'ils ne sont pas représentatifs de ce que vivent plusieurs jeunes. Des thèmes comme la violence, le suicide, la toxicomanie, l'itinérance, le VIH ne seront pas débattus alors qu'ils font partie des problèmes quotidiens de plusieurs jeunes.

De plus, si on examine la liste des groupes invités au Sommet (21 groupes au départ), ils ne représentent qu'une tranche de la jeunesse québécoise. On refuse que les jeunes syndiqués, les jeunes entrepreneurs, la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec), parlent au nom de tous les jeunes , soutient Charles Sainte-Marie. Par exemple, les groupes qui s'occupent de jeunes plus marginalisés sont carrément absents de la table des discussions.

On oublie aussi plusieurs tranches d'âge qui devraient avoir droit de parole, ou au moins droit de représentation. Les enfants et les adolescents en bas de quinze ans ne font pas partie des groupes du Sommet. Pourtant, qui s'occupe des jeunes de la Petite-Patrie qui s'évanouissent en pleine classe, parce qu'ils n'ont pas déjeuné ? , s'exclame Charles Sainte-Marie.

Jugeons-le sur les faits!

En organisant un Sommet, le gouvernement donne l'illusion d'écouter les jeunes. Il faut le juger sur les faits ! soutient Charles Sainte-Marie. Et si on regarde de plus près les faits, les actions gouvernementales nuisent aux jeunes. Les déboires d'Emploi-Québec, qui coupera plusieurs services offerts en majorité aux jeunes, la loi 186, qui permettra d'éliminer complètement l'aide de dernier recours, la loi trouée sur l'équité salariale et sur les clauses discriminatoires, l'entrée de la publicité dans les écoles et la loi interdisant la faillite aux étudiants sur le régime des prêts et bourses n'en sont que quelques exemples récents.

De plus, comme l'expliquait Pierre-Daniel Décarie, du RAJ, il y a eu un Sommet en 1983, qui n'a absolument rien donné aux jeunes. On a noté plein de belles revendications dans un cahier qui s'empoussière toujours sur les tablettes, sans que rien de notable n'ait été appliqué. Aujourd'hui, peut-on croire encore naïvement que le gouvernement tient vraiment compte de l'avis des jeunes? C'est un piège, de la récupération politique, pour montrer qu'ils sont de bonne foi. renchérit Charles Sainte-Marie.

Aujourd'hui, plus de vingt groupes font déjà partie de la coalition dénonçant le Sommet de la jeunesse. Bien qu'ils n'aient pas encore défini clairement leurs actions, plusieurs sont déjà sur la table. Le but ultime sera bien sûr de créer un contre-sommet, mais on tentera aussi de faire une campagne d'éducation populaire. La population pourra ainsi être tenue au courant des problèmes que vivent réellement les jeunes.

Cette coalition prouve une chose, c'est que les jeunes ont de moins en moins confiance au gouvernement Bouchard. Avec sa vision à court terme, il démantèle énormément le réseau social, incluant les mesures qui s'adressent aux jeunes. C'est l'avenir des jeunes qu'il est en train d'hypothéquer. Pense-t-il vraiment qu'en donnant le droit aux jeunes de s'exprimer dans le vide trois jours dans l'année suffira pour les faire taire ?|184| 
771|Camionneurs 0 l'explosion était prévisible|François Cyr| Pour plusieurs, l'irruption de ce mouvement de lutte spectaculaire a surpris par sa soudaineté. Pourtant, en février et juillet derniers, des actions spontanées de protestation, minoritaires il est vrai, annonçaient ce grand débordement. Pourtant, le feu couve sous la cendre depuis longtemps et la très mystérieuse hausse du prix de l'essence n'agit que comme accélérant.

Quelques spectaculaires accidents de la route qui nous rappellent le très lourd tribut qu'on doit payer pour des conditions de travail inqualifiables et... un bon matin d'automne, ça y est. 10-4 les gars 0 on arrête tout. Et ça arrête. Pas par intimidation comme on tente de nous le faire croire, jouant sur une image de banditisme associée à l'industrie depuis les années 50. On arrête, parce qu'on est en colère. Et il y a de quoi.

Le contexte

Un document de travail du ministère des Transports consacré au transport des marchandises analyse bien le contexte 0 l'impact des accords commerciaux, la croissance rapide du commerce extérieur et la politique du juste à temps des entreprises, sont autant d'éléments qui influent directement sur la détérioration des conditions de travail. Ajoutez à cela la récente hausse du prix du carburant qui vient pratiquement gruger les minces bénéfices des camionneurs.

De façon plus précise, les camionneurs pointent du doigt la déréglementation nord-américaine du transport, particulièrement le traité de l'ALENA, notamment le dispositif visant à pressuriser à la baisse les coûts de transport, le tout baptisé harmonisation des conditions du commerce transfrontalier du transport routier Canada-États-Unis-Mexique . Ainsi, l'absence d'un dispositif encadrant de façon minimale les conditions de travail place chaque camionneur autonome à la merci des donneurs d'ouvrage et en compétition féroce avec ses semblables. Ce qui n'a pas empêché les puissants ressorts de solidarité propres aux routiers de jouer spontanément dans le contexte de lutte.

Travailleurs ou micro-capitalistes?

Après la lutte des chauffeurs de taxi, celle des camionneurs exprime un autre mouvement social d'envergure posant le problème de la précarisation croissante des conditions de travail de ceux et celles à qui on refuse le statut de salarié. On invoque tantôt qu'ils sont propriétaires de leur outil de travail, tantôt qu'il n'y a pas de rapport de subordination dans l'exécution de la prestation de travail. Cette absence du lien de subordination n'a d'ailleurs pas troublé outre mesure les juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel, qui ont accordé l'injonction requise comme s'il s'agissait de vulgaires salariés.

Si, aux yeux du droit actuel, ces camionneurs autonomes sont des micro-capitalistes, leurs réflexes sociaux et le sens de leur mouvement ne trompent pas. Ils veulent rejoindre les rangs du mouvement syndical organisé tout simplement parce que leur totale dépendance économique face aux donneurs d'ouvrage fait d'eux des travailleurs. Et des travailleurs très qualifiés qui commencent à mesurer que leur relative rareté sur le marché et la nature hautement stratégique de leur travail contribuent à créer un solide rapport de force, quoique leur dispersion rend difficile la tâche des organisateurs syndicaux. D'où la dureté de la répression, notamment par le recours à des accusations formulées en vertu du Code criminel servies aux plus militants. Dans l'éventualité d'une condamnation, il sera très difficile, pour ces travailleurs d'avoir accès au territoire américain.

Par ailleurs, il y a fort à parier que les donneurs d'ouvrage, dans l'éventualité d'une réforme positive du Code du travail québécois freineront, par des moyens judiciaires, le processus d'organisation. On invoquera que ces travailleurs relèvent davantage du Code canadien du travail puisqu'il s'agit souvent de transport transfrontalier ou interprovincial. Le ministre Chevrette a d'ailleurs fait des déclarations en ce sens.

Bouchard0 un cynisme inqualifiable

Mais c'est au premier ministre lui-même que revient la palme de l'arrogance et du cynisme dans ce dossier. Tout en déployant les moyens de répression judiciaire, M. Bouchard a laissé entendre que la fin des moyens de pression donnerait ouverture à des négociations. Quelques jours plus tard, on apprend qu'il n'est pas question de se précipiter pour modifier ce fragile équilibre qu'est le Code du travail et l'on crée un forum de discussion, sans garanties ni échéances précises. Cynisme digne de ce grand avocat patronal qu'il n'a sans doute jamais cessé d'être.

L'orientation répressive du gouvernement dans ce dossier inquiète. Répression de la grève des infirmières, du mouvement des élèves du secondaire, menace de loi spéciale contre le Front commun, ce gouvernement élu il y a moins d'un an, sous le signe de la concertation , propose une bien étrange version du modèle québécois . Et s'il s'agissait, tout simplement, d'un gouvernement néolibéral d'un genre à peine différent de celui de l'Ontario ?|184| 
772|L'eau fait des vagues au Quai des brumes|André LeCorre| Un lancement réussi, le 12 octobre dernier, pour l'Association québécoise pour un contrat mondial de l'eau en présence de Riccardo Petrella, secrétaire du Comité promoteur mondial pour le contrat de l'eau et président du Groupe de Lisbonne, et des membres fondateurs de l'association.

Si l'atmosphère était quelque peu bruyante et enfumée dans ce café de la rue St-Denis et qu'il y coula plus de bière que d'eau, le présentateur François Patenaude et les autres orateurs n'en tirèrent pas moins très bien leur épingle du jeu.

Sylvie Paquerot, dont la spécialité est le droit international, a expliqué les raisons qui ont motivé la mise sur pied au Québec de cette nouvelle association à côté de la Coalition Eau Secours dont nous avons parlé à plusieurs reprises dans les pages de ce journal. Pour elle, le travail de l'association se situera précisément à la jonction du local et du global pour articuler les liens indispensables entre nos préoccupations locales ou nationales et les enjeux mondiaux de l'eau. Les deux objectifs fondamentaux de l'association sont 0 1. promouvoir le droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement; 2. faire reconnaître l'eau en tant que bien commun patrimonial de l'humanité. Il faut construire un monde solidaire et responsable alors que 1,4 milliard d'humains n'ont pas accès à ce bien vital.

Michèle Rouleau, ex-présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec et commissaire à la Comission des droits de la personne et de la jeunesse, était l'intervenante suivante. Elle a rappelé la sagesse des nations autochtones pour qui il fallait toujours penser aux sept générations à venir .

André Stainier, président des Amis de la Vallée du St-Laurent a ensuite présenté l'orateur invité Riccardo Petrella. Très à l'aise dans le brouhaha, il a rappelé les origines du Comité promoteur mondial présidé par Mario Soares, ancien président de la république du Portugal, et le lancement en 1998 du Manifeste de l'eau 0 le droit de tous à la vie. Actuellement ce Comité a des ramifications dans plusieurs pays et d'ambitieux projets, notamment0 faire inscrire le droit fondamental à l'eau dans les Constitutions des États; constituer un Réseau de parlementaires pour l'eau; établir un Parlement mondial de l'eau qui pourrait réunir 3 000 personnes tous les trois ans; créer un Observatoire mondial des droits de l'eau.

S'exprimant sans texte ( si un Italien a des papiers dans les mains, avec quoi peut-il s'exprimer ? a-t-il dit, en parlant de lui-même), Petrella a ensuite posé quelques devinettes à la salle qui commençait à surchauffer 0 Combien faut-il d'eau pour fabriquer un kilogramme de papier blanc ? Réponse 0 cinq tonnes. Combien pour faire une voiture ? Réponse 0 40 000 litres.

Ces chiffres se comparent tragiquement avec celui qu'avait cité Sylvie Paquerot dans son intervention 0 selon l'organisation mondiale de la santé, six millions d'enfants meurent chaque année d'avoir bu de l'eau contaminée !

Pour terminer, Riccardo Petrella a insisté sur le fait que l'eau doit absolument rester du domaine public. Il faut s'opposer à sa transformation en un bien économique marchand et donc à toute privatisation de réseau de distribution ou vente internationale. La Banque mondiale veut déjà établir un partenariat avec l'entreprise privée (Global water partnership). Cette question sera débattue au deuxième Forum mondial de La Haye auquel M. Petrella assistera pour y apporter une autre vision.

Nous lui souhaitons bonne chance et l'assurons de notre appui ainsi qu'à tous les membres de la nouvelle association.|184| 
773|Le RAP se transformera en parti dans un an|Paul Cliche| Le Rassemblement pour l'alternative politique (RAP), ce mouvement d'action politique créé il y a deux ans grâce à l'initiative de l'aut'journal, se transformera dans un an en un parti politique qui tentera de rassembler la gauche québécoise. C'est ce qu'ont décidé une centaine de personnes déléguées venant d'une dizaine de régions du Québec, réunies à Montréal pour le deuxième congrès régulier du RAP les 23 et 24 octobre derniers.

La décision a été prise à la quasi-unanimité après la défaite, par un vote serré, d'une résolution voulant que le RAP soit maintenu comme mouvement tout en mettant sur pied un parti autonome. Elle faisait suite à un processus de réflexion et de discussion qui a duré un an au sein des instances du mouvement. C'est avec calme et sérénité que les nombreuses personnes déléguées partisanes de la double structure se sont ralliées à l'idée de la transformation du mouvement en parti.

Le lancement du compte à rebours vers la fondation du parti signifie que le RAP mettra en œuvre dans les prochains mois une vaste opération de recrutement, d'organisation sur la base des comtés, d'éducation politique sur la base de son manifeste et d'élaboration d'un avant-projet de programme politique qui constituera la plate-forme du congrès de fondation de novembre 2000.

Rappelons que le RAP avait appuyé sept candidats issus de ses rangs lors des élections de novembre 1998, dont Michel Chartrand qui avait recueilli plus de 5 000 voix dans Jonquière où il s'était opposé au premier ministre Bouchard.

Le nouveau comité national de coordination, auquel incombera la tâche de présider à la transformation du mouvement en parti, est composé de Malik Babou, Pierre Dostie, Sylvain Dupuis, Francine Gauvin, Jacqueline Hekpazo, Denis Létourneux, Marie St-Pierre et Yves St-Pierre.

Tisser des liens entre la gauche sociale et politique

Le RAP représente un embryon d'alternative politique qu'il faut consolider. Son principal défi, au cours de la prochaine année, sera de tisser des liens, de jeter un pont entre la gauche sociale et la gauche politique en vue de la fondation, en novembre 2000, d'un parti rassembleur des forces progressistes québécoises.

Sur le plan politique, les trois partis néolibéraux présents à l'Assemblée nationale (PQ,PLQ et ADQ) n'assurent aucune représentation politique aux centaines de milliers de citoyens qui rejettent cette idéologie. Le nouveau parti devra d'abord établir la jonction avec les partis de gauche existants, notamment le Parti de la démocratie socialiste qui a recueilli plus de 24 000 voix aux dernières élections. Mais il aura aussi à convaincre les nombreux électeurs péquistes désabusés de joindre ses rangs ou de l'appuyer électoralement. Sur le plan social, le nouveau parti devra convaincre les associations populaires et les syndicats, qui se sont cantonnés jusqu'ici dans un rôle de groupes de pression, à se lancer dans l'arène politique.

Ces organisations, qui représentent une forte proportion de la population québécoise, devront enfin réaliser que, faute d'un véhicule politique adéquat, leurs luttes ne débouchent pas sur des solutions globales. En effet, malgré l'augmentation des résistances dans tous les secteurs et même si les luttes sont parfois vives, voire exemplaires (infirmières, secteur public, camionneurs, mouvement pour la défense des droits sociaux, jeunes, etc.) on continue à assister au désolant spectacle du démantèlement des programmes sociaux et des services publics et à l'accroissement du déficit démocratique. Le gouvernement Bouchard ressemble de plus en plus au gouvernement Duplessis. Si elles ne veulent pas revenir à la Grande noirceur des années 1950, les forces progressistes n'ont d'autre choix que de s'unir et de se donner pour les prochaines élections, un instrument politique qui leur appartienne.|184| 
774|Guerre du homard 0 vers des pratiques de pêche plus saines ?|Pol Chantraine|*

Droits de pêche des autochtones



Après avoir, la fin de semaine de l'Action de Grâce, accepté un moratoire d'un mois afin de discuter avec le ministère fédéral des Pêches de leur place dans cette industrie suite au jugement Marshall (1), les autochtones des 35 bandes du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse sont retournés en pêche le vendredi 15 octobre dernier, provoquant la colère des pêcheurs blancs. Qu'est-ce qui a bien pu motiver leur volte-face ?

S'il faut en croire un chef autochtone entendu dans un reportage d'Annette Bolduc à l'émission Sans Frontière (SRC) du 14 octobre, c'est parce que les bandes autochtones refusaient de négocier plus longtemps avec un homme qui a quatre langues . Le dit multilingue, c'était M. Herb Dhaliwall, le nouveau ministre des Pêches.

Lorsque, moins d'une semaine plus tôt, 33 des 35 bandes avaient accepté un moratoire, il était entendu que celui-ci était aussi observé par tous les pêcheurs blancs du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Cette promesse à peine faite, voilà que le ministre permet aux gros chalutiers de la société Clearwater, une multinationale canadienne de la mer, de commencer leur saison de pêche hauturière au sud-est et au nord-est de la Nouvelle-France.

Le ministère des Pêches et ses amis

Or, les Micmacs et les Malécites, comme la plupart des pêcheurs côtiers, savent que ce sont ces chalutiers industriels qui causent le plus de dommages à la pêche 0 peu sélectifs, raflant tout sur leur passage, mais rejetant le tiers de leurs prises (jugées non commerciales) (2) à la mer, désastreux pour les fonds marins, où leurs ravages sont l'équivalent des coupes à blanc en forêt, ils interceptent au large le poisson qui autrement viendrait mordre aux hameçons ou se prendre dans les mailles des filets des pêcheurs côtiers à engins fixes, étouffant économiquement les petites communautés de pêche autour desquelles s'articulait traditionnellement l'industrie (3).

En permettant à la flotte industrielle à engins mobiles de se dérober au moratoire conclu avec les autochtones, M. Dhaliwall a montré une nouvelle fois de qui les titulaires de son poste, que ce soient MM. Anderson, Miflin, Crosby, Tobin ou Leblanc, ont toujours été les ministres 0 ceux des grosses compagnies. Avant la crise de la morue de 1992, M. John Crosby ne les a-t-il pas laissées se livrer à une surpêche effrénée jusqu'à l'effondrement du stock pour ensuite interdire la pêche à tous les pêcheurs ?

La fameuse Stratégie du Poisson de fond de l'Atlantique visait-elle à mettre les chalutiers géants à la casse ? Qu'on en juge 0 tandis que le ministère rachetait le permis, le bateau, le gréement des petits pêcheurs à un coût faramineux pour les contribuables, il allouait aux grosses unités des quotas suffisants dans des espèces de remplacement (flétan du Groënland entre autres) afin de leur permettre de faire leurs versements aux banquiers jusqu'au retour de la morue.

Une occasion à saisir pour les pêcheurs côtiers ?

Les Indiens ont donc décidé que ça ne marchait pas. S'ils ont concédé au ministère des Pêches un rôle prépondérant dans la conservation de la ressource dans l'entente de l'Action de Grâce, ce n'était pas pour qu'il permette à ses amis de dilapider cette dernière quatre jours plus tard. Et ils sont donc retournés en mer avec leurs petits bateaux et leurs casiers à homard en dépit du temps de chien qui sévit depuis une quinzaine dans les Maritimes. Nul ne pourra dire qu'ils manquent de courage pour faire valoir leurs droits, même si la tension monte entre les pêcheurs blancs et autochtones.

La gestion de cette crise par le ministre Dhaliwall fait l'objet de vives critiques aux Communes. Le chef de l'opposition, M. Preston Manning souhaite que le gouvernement retourne devant la Cour suprême afin de faire retarder la mise en application du jugement, le temps d'en négocier les modalités 0 son refus de le faire est interprété comme une intention de diviser la pêche selon des lignes raciales.

M. Yvan Bernier, critique des Pêches du Bloc québécois, estime quant à lui que le fédéral n'a pas fait ses devoirs 0 alléguant que depuis le jugement Sparrow, cause analogue à Marshall, il y a quatre ans, le gouvernement fédéral sait que le processus discrétionnaire d'attribution de permis de pêche aux autochtones, tel qu'il est décrit dans la Loi des pêches de 1867, est inconstitutionnel et contraire aux droits décrits dans la Constitution de 1982.

Or, les autochtones voulant désormais leur part d'autres ressources, telles le crabe des neiges, la crevette, etc., ainsi qu'une place dans la pêche semi-hauturière et même hauturière, ce qui nécessitera la refonte de centaines de règlements, comme l'a dit le ministre fédéral des Affaires indiennes M. Robert Nault, le jugement de la Cour suprême du 17 septembre dernier pourrait bien être à l'épicentre d'un séisme dans l'industrie de la pêche.

Ceux des pêcheurs côtiers blancs qui réclament du muscle d'Ottawa pour mater les autochtones devraient plutôt voir ce qu'ils ont à gagner dans cette crise si le radicalisme conservationniste des Indiens (bien qu'ils hypothèquent pour le moment le homard afin d'exercer leurs pressions !) s'oriente contre les vrais dilapideurs de la ressource et des fonds marins, les gains à long terme pour les petites communautés de pêche pourraient être fort appréciables.

(1) Donald Marshall, Micmac néo-écossais avait été arrêté il y a quatre ans pour pêche et vente d'anguilles sans permis. La Cour suprême a statué le 17 septembre dernier qu'il n'en avait pas besoin en vertu d'un traité impliquant les Micmacs datant de 1760.

(2) A l'échelle mondiale, selon la FAO, Code de conduite pour une pêche responsable, Rome, 1995.

(3) Lire Anthony Davis, Dire Straits, Institute of Social and Economic Research, Memorial University of Newfoundland, St. John's Nfld, 1991.

(*) Auteur de La Dernière queue de morue - Comment l'ignorance et la cupidité ont mis en péril les Grands Bancs de Terre-Neuve, L'Étincelle Éditeur, Montréal, 1992.|184| 
775|Dossier 0 FRONT COMMUN|Pierre Klépock| Présentation

Débarrassé pour un bout de temps de l'affrontement majeur avec le socialisme, le patronat veut recomposer le monde à ses besoins inchangés0 privatisation, profit, mise en concurrence des salariés et des peuples.

Dans tous les pays, le salariat a changé, le monde du non-travail se développe à la cadence du chômage et de l'exclusion, la mémoire collective s'est amoindrie, nos repères collectifs se sont embrouillés.

En tant que syndicalistes, sommes-nous restés fidèles aux idéaux de défense des intérêts de la classe ouvrière dans son ensemble? La diffusion des idées socialistes dans les Front commun des années 70, ont été à la mesure de la combativité du mouvement syndical québécois.

Nous vous invitons à lire ou à redécouvrir ces documents qui n'ont rien perdu de leur actualité.

CSN 0 La lutte de classe

En 1976, la CSN se définit comme un syndicalisme de lutte de classe. Profondément démocratique, elle fait des syndiqués les acteurs et décideurs de leur action. En tenant compte de leurs revendications immédiates, les grèves de masse doivent déboucher sur la nécessité de construire une organisation politique ouvrière. L'objectif0 le renversement de la société capitaliste et l'instauration du socialisme.

FTQ 0 Le contrôle ouvrier

En 1973, la FTQ exige, notamment, l'ouverture des livres comptables des entreprises, la fin du secret commercial et l'exercice du droit de grève durant l'application d'une convention collective. La centrale vise ainsi à un contrôle ouvrier sur l'économie.

CEQ 0 La conscience de classe

Pour les profs de la CEQ en 1975, la majorité des étudiants sont issus de familles ouvrières. Il est donc normal de mettre l'école au service de la classe ouvrière. La CEQ vise à développer une pédagogie de conscientisation, afin que les enfants de travailleurs prennent conscience des intérêts de leur classe et comprennent la nécessité de s'organiser pour lutter.

Confrontation ou concertation ?

Avec la montée des luttes sociales ces derniers temps 0 arrêt de travail des camionneurs, grève illégale des infirmières et autres conflits syndicaux, le partenariat syndical-patronal semble être remis en question par une certaine fraction de la base militante. Est-ce le syndicalisme de combat qui nous rattrape?

Le partenariat

Après plus de 15 ans de partenariat, quelles ont été les grandes conquêtes sociales au Québec? La concertation n'a pas réussi à convaincre le patronat et l'État à créer des emplois et encore moins à empêcher les boss de fermer leurs entreprises et de sacrer le monde dehors. Au contraire, même les services publics que le peuple s'est donnés, rétrécissent de plus en plus.

Des questions à se poser

Les tenants du partenariat sont encore convaincus de l'égalité entre syndicat et patronat, chaperonné par l'État-capitaliste. C'est à se demander si l'égalité est possible entre patrons et salariés? Par exemple, le boss nous fait suer et souffrir pendant toute une journée de travail et, le soir, quand il aura recueilli le fruit de nos souffrances et de notre sueur, en nous laissant qu'une toute petite partie pour vivre, nous lui dirons0 Embrassons-nous, nous sommes frères et soeurs!

Le combat

Pour partager la richesse, les partisans du Syndicalisme de combat visent à court terme à limiter l'exploitation des salariés et à changer radicalement le régime capitaliste. On aura beau nous traiter de nostalgiques ou de rêveurs, l'histoire l'a prouvé, tout le droit social et du travail au Québec a été arraché de haute lutte. Pour améliorer nos vies, il n'y a qu'un seul espoir0 Le Combat syndical.

Les conquêtes sociales

Voici quelques exemples de grands faits syndicaux, menés par des hommes et des femmes, qui ont contribué par leur engagement et leurs luttes, dans des conditions souvent difficiles et parfois héroïques, à marquer notre société des empreintes de progrès social. C'est par le Combat syndical, et souvent par des fronts communs, que nous avons obtenu des mesures sociales. Ces législations n'ont pas toujours satisfait complètement le mouvement syndical, mais plusieurs progrès ont été accomplis et beaucoup d'autres restent à conquérir.

1966 0 NATIONALISATION DES HÔPITAUX – En juillet, grève de trois semaines des 32 500 employées, membres de la CSN, dans 140 hôpitaux. Cette grève marque une grande victoire pour les syndiquées (première convention collective à l'échelle nationale) ainsi que pour l'ensemble de la population. Le gouvernement du Québec sera forcé de mettre fin aux abus du commerce de la santé en nationalisant les hôpitaux. Sous pression syndicale, l'assurance-santé suivra le 17 juillet 1970.

1970 0 LE FRANÇAIS, LANGUE DE TRAVAIL – En septembre, grève de 3 mois des 2 300 ouvriers de l'usine de montage de la General Motors (GM) à Sainte-Thérèse, représentés par les TCA-Québec. Un des enjeux du conflit0 l'instauration du français comme seule langue du travail à l'usine. Cette revendication liée au français se poursuivra au travers de luttes ouvrières, tout au long des années 70. Ces batailles ne seront pas étrangères à l'adoption de la Charte de la langue française (Loi 101) en 1977.

1972 0 100 $ PAR SEMAINE POUR LES BAS SALARIÉS – Du 11 au 21 avril, grève générale illimitée des salariés du Front commun intersyndical dans les services publics au Québec 0 210 000 travailleuses et travailleurs défient injonctions et loi spéciale. Le 8 mai, les présidents des trois centrales CSN-CEQ-FTQ sont condamnés à un an de prison ainsi que plusieurs militants syndicaux.

Le lendemain 9 mai, vague de grèves de protestation. La France a eu Mai 68, le Québec aura son Mai 720 De 300 000 à 500 000 syndiqués débrayent illégalement pendant une semaine, pour réclamer la libération des leaders syndicaux. Contrôlé par les grévistes, un soviet s'installe même à Sept-Îles.

L'État-patron cède et le Front commun arrache sa revendication majeure0 un salaire de base de 100 $ par semaine pour les plus bas salariés du secteur public. Un gain qui aura un effet d'entraînement sur l'ensemble de la classe ouvrière au Québec.

19730 MESURES ANTI-SCAB – À Joliette, en mars, grève des 312 ouvriers à la Firestone (10 mois) et, en mai, des 85 ouvriers à la Canadian Gypsum (20 mois), membres des centrales FTQ-CSN. Une des revendications majeures 0 une loi pour rendre illégal l'engagement de scabs. Leur mot d'ordre0 La victoire appartient à ceux qui tiennent une minute de plus . Un Front commun FTQ-CSN-CEQ naît dans la région et un débrayage régional éclate le 1er mai 74 en appui aux grévistes.

Le 27 août, 400 grévistes d'une vingtaine d'entreprises occupent les bureaux du ministère du travail à Montréal. Ils exigent des mesures anti-scabs. La FTQ et la CSN lancent le Manifeste des grévistes.

1974 0 FORMULE RAND ET MESURES ANTI-SCABS – Janvier, début du long conflit de 22 mois de 2 000 ouvriers, membres des TCA-Québec, contre la United Aircraft à Longueuil (aujourd'hui Pratt & Whitney). Le 12 mai 1975, les ouvriers occupent l'usine et 34 grévistes sont matraqués jusqu'au sang par la police. Indignée, la FTQ appelle pour le 21 mai à une grève générale de 24 heures à laquelle répondront 100 000 membres. Cette lutte ouvrière, une des plus violentes en Amérique du Nord, est à l'origine de deux gains inscrits dans le Code du travail0 Le précompte syndical obligatoire (formule Rand) et les mesures anti-briseurs de grève.

1975 0 SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL – Au mois de mars, un Front commun CSN-FTQ de 3 000 métallos de l'amiante de Thetford mène une grève de 7 mois qui force le gouvernement à adopter la loi 52 pour indemniser les victimes d'amiantose et de sillicose. Cette lutte amène le gouvernement à instituer une commission d'enquête (Beaudry) qui confirmera les lacunes des lois de protection en santé-sécurité des travailleurs et travailleuses. Sous la pression des syndicats, l'État adoptera la Loi de la santé et de la sécurité du travail en 1979.

1975-76 0 165 $ PAR SEMAINE ET PARITÉ SALARIALE HOMME/FEMME – Deuxième Front commun CSN-CEQ-FTQ de 185 000 salariés du secteur public. Grèves tournantes et grèves générales de 24 heures se succèdent. Le gouvernement Bourassa adopte une série de lois scélérates et multiplie injonctions et poursuites contre les syndicats. En mai 76, plus de 20 000 travailleurs du secteur privé de la CSN débrayent en appui aux salariés du public.

Juin, grève générale illimitée des syndiqués des Affaires sociales. Au bout de 48 heures, ils obtiennent une victoire significative0 un salaire de base de 165 $ par semaine, la parité salariale presque complète entre les femmes et les hommes ainsi que quatre semaines de congés payés après un an de service. Une victoire syndicale, qui sert de modèle à tous les syndiqués du Québec.

1977 0 DISPOSITIONS ANTI-SCABS – Mars, Front commun de 570 meuniers de 4 compagnies de farine à Montréal. Le 22 juillet, les ouvriers des meuneries, membres de la CSN, manifestent devant la Robin Hood. La milice patronale fait feu et 8 grévistes tombent sous les balles. Les gardes armés seront acquittés. Une manifestation inter-centrales est organisée pour dénoncer l'embauche de fiers-à-bras et de scabs. Cette agression sauvage de l'employeur, une des plus sanglantes de l'histoire des luttes syndicales au Québec, pousse le gouvernement à introduire les dispositions anti-briseurs de grève dans le Code du travail en décembre 1977.

1985 À AUJOURD'HUI0 LES GAINS DU PARTENARIAT – Les adeptes du syndicalisme de partenariat, au nom du réalisme économique et de l'efficacité, renoncent encore aux affrontements directs avec le capital. Par leur refus de la lutte de classe, ils s'engagent dans des pratiques qui cautionnent le recul social. Que fait le partenariat pour l'avancement de la classe ouvrière et des sans emplois ?|184| 
776|Le Front commun est plus que nécessaire|Pierre Klépock| Pour la défense des services sociaux, les revendications du Front commun CSN, CEQ, FTQ, sont plus que raisonnables et nécessaires 0 des services à la population et des emplois de qualité. L'accessibilité aux services publics est menacée par les privatisations, tant dans la santé qu'en éducation. Bouchard préfère protéger les profiteurs vautrés dans la richesse, sans se soucier des besoins du Monde ordinaire.

Depuis plusieurs années, en raison des compressions budgétaires pour atteindre le déficit zéro , nous assistons à une déshumanisation des soins et des services de santé, à une dégradation des services de soutien et de l'enseignement dans le réseau scolaire, à un glissement des services sociaux vers le secteur privé avec des coûts plus élevés.

Comme aux USA

C'est très grave ce qui arrive. Le gouvernement Bouchard a pris la décision de foutre en l'air tous nos programmes sociaux Il nous fabrique une médecine pour les pauvres et une médecine pour les riches, à la manière des USA. Il faudra pour les familles ouvrières modestes se fendre en quatre pour se payer une couverture sociale convenable. Il faut arrêter l'acharnement du patronat et du gouvernement à nous faire retourner trente ans en arrière dans tous les domaines de l'acquis social.

Les demandes syndicales

Maintenant que le déficit zéro est atteint, le Front commun demande un réinvestissement dans les services sociaux, en mettant fin aux coupures sauvages. Les syndicats réclament, avec raison, de meilleures conditions normatives de travail, notamment le maintien des effectifs, la réduction des charges de travail, le frein à la sous-traitance ainsi que la diminution de la précarité et de meilleurs salaires.

Les demandes salariales (11,5 % sur trois ans), déposées depuis 14 mois, visent à rattraper le retard salarial sans précédent du secteur public par rapport au secteur privé syndiqué. Rappelons que le gouvernement a satisfait son obsession du déficit zéro sur le dos des salariés de l'État. Par ses demandes légitimes, le Front commun refuse l'appauvrissement de milliers de personnes au Québec. Comme on dit, la santé ça n'a pas de prix et l'éducation c'est l'avenir.

Répondre aux besoins

Les demandes syndicales sont directement liées aux besoins de la population qui ont recours aux services publics, qu'il s'agisse d'une école, d'un cégep, d'un centre hospitalier, d'un CLSC, des centres jeunesses, de l'aide juridique, etc. Mais le gouvernement Bouchard croit bêtement qu'on peut gérer les besoins des personnes et les êtres humains comme de la marchandise. Il aime mieux répondre aux besoins des patrons , en opposant une réduction d'impôt à un réinvestissement dans les services sociaux. Avant d'accepter aveuglément, il faut se convaincre d'au moins une chose 0 jusqu'à présent, en cas de coup dur de santé, pour soi ou les siens (et qui est à l'abri ?), nous serons pour l'essentiel soignés par les moyens les plus efficaces, que l'on soit pauvre ou riche, même si l'égalité est loin d'être parfaite.

Seule l'union fait la force

Alors que règne en maître la loi du profit, rien n'est acquis. Nos programmes sociaux sont remis en question et nous appelons le Monde syndical à s'unir, pour défendre les valeurs de dignité, d'égalité et de solidarité de classe. Nous devons agir pour nous assurer que les richesses, fruits du travail des hommes et des femmes, financent le progrès social et le bien-être collectif. Seul un Front commun de tous les syndicats peut s'opposer aux politiques néolibérales et au coup de force de Bouchard. Déjà, en bon démocrate, il menace d'adopter une loi spéciale, sans même avoir commencé les négociations, pour mettre au pas les 415 000 travailleuses et travailleurs du secteur public. Et comme tout bon patron, il s'attaque au droit de grève, aux libertés syndicales et aux moyens de défense collective. Voilà ce qui s'appelle respecter les droits de l'homme.|184| 
777|La relance du parti est urgente et impérieuse|Rémy Berthelot (membre de l'exécutif du RCM), Paul Cliche (membre du RCM, conseiller municipal de 1974 à 1978), Pierre Gélinas (membre de la commission du programme), Yves Pellerin (membre de l'exécutif du RCM), Roger Rashi (membre de la commission du pr|

Où va le RCM ?



À la suite des élections municipales de novembre 1998, un constat largement partagé existait au sein du Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal. Tous convenaient qu'une relance politique et organisationnelle du parti s'imposait de toute urgence.

Le parti venait de sauver les meubles avec l'élection de quatre conseillers et l'obtention du statut d'opposition officielle. Mais la terrible année de crises et de scissions à répétition qu'il venait de vivre, l'avait laissé exsangue tant au niveau organisationnel que financier.

Qu'en est-il de cette relance aujourd'hui ?

Force nous est d'admettre qu'elle n'a pas eu lieu. Non seulement la vie de parti est inexistante, mais sa situation organisationnelle s'est détériorée au point d'être devenue proprement catastrophique. Quant à la relance politique, elle est fortement compromise par un chef parlementaire qui ne respecte pas le programme du parti et qui s'efforce d'en monopoliser toutes les interventions publiques.

La situation réelle du parti

Le RCM se limite aujourd'hui à deux douzaines de militants actifs, incluant l'exécutif, les élus et les fonctionnaires du parti. Il n'y a pratiquement plus d'organisations locales. Aucun suivi n'a été effectué après les élections et la très grande majorité des candidats et candidates ont disparu dans la nature.

L'exécutif du parti s'avère incapable d'exercer la moindre direction politique et se retrouve lui aussi passablement démobilisé. Cet exécutif a été court-circuité pratiquement dès son entrée en fonction. Il a été évincé de la direction de la campagne électorale de 1998 par un comité de stratégie fantôme qui pris la direction des affaires. Il n'a jamais proposé la moindre analyse de la situation politique et il n'a aucune emprise réelle sur les grandes décisions stratégiques, politiques ou financières du parti.

Quant au conseil général, il a été systématiquement occulté par la direction du parti. Il n'a été convoqué qu'une fois dans les seize derniers mois alors que les statuts du RCM stipulent qu'il doit se réunir un minimum de quatre fois par année. Non seulement n'a-t-il jamais statué sur la stratégie électorale, mais il n'en a même pas reçu un bilan digne de ce nom.

Mais qui donc exerce le pouvoir au RCM ? Avec un tel vacuum au niveau structurel, un pouvoir de fait s'est imposé. Il repose dans les mains de deux personnes, le président de l'exécutif, Abe Limonchik, et le chef du caucus parlementaire, Michel Prescott, qui négocient et règlent entre eux toutes les questions importantes.

Ce pouvoir de fait a mis au rancart toute stratégie de construction d'une force politique progressiste enracinée dans les milieux populaires. Il ne voit que le seul travail parlementaire, conçu d'ailleurs de façon on ne peut plus étroite. La mise en pratique du programme ne figure pas dans leur plan.

On aura reconnu ici les traits caractéristiques de l'électoralisme pratiqué par les partis traditionnels0 un pouvoir centralisé, la survalorisation du chef , l'accent mis sur l'image médiatique au détriment du contenu, les militants réduits au rôle de figurants, des experts en élections qui s'arrogent le contrôle des campagnes, un programme alléchant que l'on s'empresse de mettre sous le boisseau une fois les élections passées...

Le RCM actuel est réduit à l'état d'une annexe de son groupe parlementaire, voire du chef de l'opposition.

Travail électoral ou électoralisme ?

Dans les partis politiques traditionnels, une démobilisation des militants se produit suite à une élection0 soit que l'objectif est atteint (le pouvoir) et l'on retourne les militants à leurs occupations usuelles, soit qu'il n'est pas atteint (défaite électorale) et l'on promet de se reprendre dans quatre ans. Pour un parti réellement progressiste, cela devrait en aller autrement parce que l'objectif n'est pas nécessairement la prise du pouvoir formelle. Sur ce sujet, voici un extrait du Rapport du Conseil exécutif du RCM au congrès de 19750

La reconnaissance que la lutte que nous avons entreprise sera longue et dure nous aidera à placer notre travail électoral dans la perspective juste. D'abord nous comprendrons que le travail électoral n'est qu'un aspect de notre travail de mobilisation. Donc, la perte d'une élection n'aura pas le même effet démobilisateur que si on avait mis tous nos espoirs là-dedans, comme le fait d'avoir gagné une élection ne nous amènera pas à penser que la lutte est gagnée.

De plus, il y a un débat fondamental à faire sur la place que doit occuper une aile parlementaire, à l'intérieur d'un parti comme devrait être le RCM, autant en période d'opposition parlementaire que de pouvoir. Est-elle soumise au parti et tenue de se conformer au programme, ou bien est-elle autonome et le parti tenu de la suivre au gré des débats parlementaires ? Ne pas faire ces débats, c'est réduire les militants au rôle de travailleurs d'élection, que l'on mobilise et démobilise selon le bon vouloir des dirigeants.

Objectif0 jonction avec l'opposition sociale

L'état désastreux du parti témoigne de façon on ne peut plus éloquente de la faillite de l'orientation pratiquée par la direction actuelle du parti. Le RCM n'a d'avenir qu'en tant que force de gauche sur la scène municipale. La tentative d'en faire une force électoraliste, centriste et insipide, est proprement suicidaire. À court ou à moyen terme, elle ne peut mener qu'à sa disparition ou bien à son absorption dans une formation d'opposition dominée par des interêts de droite.

La relance du parti passe en premier lieu par la rupture avec cette orientation et l'adoption d'une stratégie préconisant la jonction avec l'opposition sociale.

Aujourd'hui, plusieurs mouvements sociaux sont en action contre le néolibéralisme ambiant. Mentionnons les mouvements de lutte contre la pauvreté, pour le logement social, pour la défense du transport en commun, les groupes de citoyens contre le développement urbain sauvage, ceux qui luttent contre la privatisation de l'eau potable. Sans oublier les syndicats, les groupes communautaires, de jeunes, de femmes, qui ont combattu la politique du déficit zéro du gouvernement Bouchard.

Malheureusement, le RCM s'est coupé des mouvements populaires au fil des dix dernières années. C'est même la raison principale de son déclin et des crises qu'il a vécues récemment. Il doit donc mettre tout en oeuvre pour corriger cette grave lacune et se rapprocher des mouvements sociaux. Car, en tant que parti progressiste, c'est là que réside sa base sociale.

Un vrai programme de relance

Pour redresser la situation, il faudrait convoquer à très brève échéance, une réunion extraordinaire du conseil général. Cette réunion ouverte à tous les militants du parti devrait adopter un programme minimal d'urgence visant à prévenir la déchéance complète du RCM. Pour en vérifier l'application, il faudrait en outre tenir systématiquement des conseils généraux spéciaux à tous les deux mois et ce, jusqu'au congrès du printemps prochain. La situation est gravissime. La lutte contre Bourque et les projets de Québec exigent la présence d'une opposition dynamique, ayant une vision progressiste et démocratique de notre ville, capable de mobiliser les forces vives de Montréal. Si le RCM s'avère incapable de relever le défi, nous sommes convaincus que d'autres forces progressistes prendront le relais.|184| 
778|Lulu 1er, le monarque|Pierre Dubuc|L'expression Le monarque est du professeur Jean-Marc Piotte. Dans un texte publié dans Le Devoir et Le Soleil, il décrit bien un Lucien Bouchard qui bafoue notre système démocratique, à coups de lois spéciales et d'injonctions contre les infirmières et les camionneurs, et de menaces d'intervention législative rendant illégale toute grève légale du Front commun, et qui se place, tel un souverain, au-dessus des lois.

Le monarque est un roitelet

Notre monarque fait le matamore contre les travailleurs de son pays, mais est beaucoup moins fendant quand il s'adresse aux grands de ce monde. Alors qu'il refuse catégoriquement plus de 5 % d'augmentation aux employés du secteur public, il s'agenouille devant GM et offre 360 millions de nos impôts à une compagnie qui accorde 13,5 % d'augmentations de salaire à ses ouvriers.

Notre Lulu 1er monte sur ses ergots et se déclare facilement humilié, insulté, méprisé dès qu'un de ses sujets le contredit. Mais, avec quelle patience d'ange on l'a vu attendre dans l'antichambre, son chapeau entre les mains, que le président Clinton daigne bien lui accorder un entretien d'une dizaine de minutes entre deux trous de sa partie de golf avec Jean Chrétien. Notre monarque connaît les règles de la bienséance. Il sait qu'il n'est qu'un roitelet.

Un roitelet ne parle pas d'indépendance ; il connaît trop sa dépendance. Pas étonnant que son sous-fifre Landry déclare que l'indépendance pure et dure est une idée rétrograde , reprenant ainsi mot à mot les idées proclamées par le président Clinton, lors de la conférence du Mont-Tremblant sur le fédéralisme. Est-ce là le résultat de la rencontre de dix minutes Bouchard-Clinton ?

Lulu le Bref ?

La révolte couve au sein du Parti québécois. Les militants de la base, les indépendantistes purs et durs , font leurs comptes. Ils se rappellent que leur parti, supporté par une minorité d'électeurs, n'a été porté au pouvoir qu'à cause des distorsions de notre système électoral. Ils voient le gouvernement en train de se braquer contre l'ensemble des partenaires syndicaux de la souveraineté. Est-ce là les conditions gagnantes s'interrogent-ils ? Le règne de Lulu pourrait être bref.

Ni Porto Rico, ni grisaille

Dans son article Bouchard le monarque , Jean-Marc Piotte affirme qu'il voterait Non à un prochain référendum. La nation, écrit-il, n'est pas une réalité au-dessus des classes sociales, des travailleurs, des syndiqués, des chômeurs et des assistés sociaux et il conclut 0 Au cauchemar d'un Québec qui deviendrait un Porto Rico francophone, je préfère la grisaille d'un Québec dépendant au sein du Canada .

Mais c'est précisément, Monsieur Piotte, parce que la nation n'est pas une réalité au-dessus des classes sociales que les travailleurs, les syndiqués, les chômeurs et les assistés sociaux de ce pays ne veulent ni d'un Porto Rico francophone, ni de la grisaille d'un Québec dépendant au sein du Canada.

Ce qu'ils veulent, c'est la justice, l'équité, le partage des immenses richesses de ce pays. Cela s'appelait hier la libération nationale et sociale. Cela s'appelle aujourd'hui l'indépendance pure et dure . C'est cette lutte qu'il nous faut organiser. À bas les monarques !|184| 
779|tout feu tout femme|Élaine Audet|

Une publication féministe



Je suis très heureuse aujourd'hui de présenter ce deuxième supplément des femmes de l'aut'journal. Le premier a été distribué lors de l'assemblée publique du Rassemblement pour une alternative politique (RAP), au Cégep Maisonneuve, en novembre 1997, afin de mettre de l'avant les revendications des femmes et la nécessité d'instaurer la parité dans toutes les instances du nouveau groupe.

La parité formelle a été acquise au départ, mais malheureusement, les revendications des femmes ne sont toujours pas considérées comme prioritaires même si elles affectent plus de la moitié de la population et concernent l'ensemble de l'humanité. Les choix éditoriaux de l'aut'journal ne font pas exception à cet égard.

L'arrivée de plusieurs nouvelles collaboratrices au journal et la grande mobilisation, initiée par la Fédération des femmes du Québec (FFQ), pour préparer la Marche mondiale des femmes en l'an 2000, ont permis de réunir suffisamment de ressources pour créer une publication consacrée entièrement à la lutte des femmes contre la pauvreté et la violence qui frappent la majorité d'entre elles à ce stade suprême du patriarcat, où hommes et femmes sont traités partout dans le monde comme de simples marchandises. Sur le milliard trois cent millions de personnes qui vivent dans un état de pauvreté absolue, 70 % sont des femmes et des enfants.

L'aut'journal et la lutte des femmes

Il n'est pas étonnant que le projet d'une publication féministe, indépendante des institutions ou des organisations non gouvernementales (ONG), ait vu le jour au sein de l'aut'journal qui est indépendant financièrement, et qui a eu, dès sa création en 1984, une rubrique « Mouvement des femmes ».

Cette rubrique avait pour objectif de traiter non seulement des luttes et des revendications spécifiques des femmes, mais de l'ensemble des problèmes qui touchent l'humanité, les problèmes des femmes n'étant pas, pour nous, séparés de ceux du reste de la société et vice versa. Tant que les valeurs patriarcales demeurent, il est essentiel de connaître la vision des femmes sur tous les aspects de la réalité et non seulement la version masculine – souvent misogyne – de l'histoire et de l'actualité.

En feuilletant les archives de l'aut'journal, on se rend compte de la diversité des sujets abordés par les chroniqueuses (1). Au fil des ans, elles ont assuré le suivi sur 0

1. La violence et la discrimination envers les femmes (viols, meurtres conjugaux, assassinats collectifs, montée de la pornographie et du tourisme sexuel dans le monde, etc.).

2. La recherche d'une alternative politique féministe.

3. Les luttes des travailleuses et les initiatives populaires.

4. Les femmes et les médias (réseaux de femmes journalistes, NetFemmes, etc.).

5. Les livres, les revues, les événements culturels.

En 1994, les Éditions du Renouveau québécois de l'aut'journal ont également coédité, avec les Éditions du remue-ménage, Pour une éthique du bonheur, reprenant la plupart de mes chroniques de 1989 à 1993.

Dans nos têtes et dans nos vies

L'équipe de Tout feu, tout femme veut élaborer une publication féministe mobilisatrice qui donnera la parole aux femmes en marche pour éliminer tous les rapports de domination. Nous ne nous arrêterons pas avant d'avoir conjuré la violence masculine, dont la fonction sociale est de contrôler les femmes afin qu'elles restent dépendantes, soumises, muettes, sans remettre en question la suprématie masculine et les modèles figés de féminité et de virilité. Tous les moyens sont bons 0 le dénigrement, le ridicule, les injures, les coups, le viol, le meurtre. Et, comme si cela n'était pas suffisant, on les exclut de l'Histoire.

La violence envers les femmes a augmenté au cours des deux dernières décennies, notamment aux États-Unis où une femme est violentée par son partenaire toutes les neuf secondes. Au Québec, le bilan n'est pas plus reluisant. Du 6 décembre 1989 au 17 novembre 1998, le Collectif masculin contre le sexisme dénombrait 515 assassinats de femmes et d'enfants par des hommes, la plupart des 98 enfants ayant été tués par leur père.

Nous marcherons avec les femmes du monde pour dire non à l'internationale des capitaux, à cette pornocratie déshumanisée qui, au nom du profit maximal, mondialise l'esclavage et la traite des femmes et des enfants dans ses manufactures et ses bordels. Nous marcherons pour redéfinir la place du travail salarié dans nos vies, pour abolir le fossé que des siècles de patriarcat ont creusé pour y enterrer la démocratie et priver les femmes de la liberté, de la culture et du droit de déterminer leur propre destin. C'est aujourd'hui qu'il faut se mettre en marche, dans nos têtes et dans nos vies.

Tout feu, tout femme vous invite à participer à cette concertation sans précédent pour faire de l'élimination de la pauvreté et de la violence envers les femmes la priorité de l'humanité à l'aube du nouveau millénaire.www|184| 
780|LE COMPTE À REBOURS COMMENCE !|Françoise David|* Octobre 1999. Dans un an nous serons à la veille de marcher avec les femmes d'Afrique, d'Amérique latine, d'Europe, d'Asie, d'Amérique du Nord... Avec les femmes du monde.

Unies dans un grand mouvement planétaire, nous saurons que le prochain siècle verra les femmes partout à travers le monde devenir des citoyennes à part entière. Le contraire ne peut plus être permis.

Dans 138 pays, des groupes de femmes travaillent à préparer cet événement unique. Et déjà, la Marche mondiale de l'an 2000 imprègne nos vies, nous remplit d'espoir, nous donne envie de mieux connaître et de mieux comprendre les réalités diverses dans lesquelles s'inscrivent les vies des femmes du Nord et du Sud.

Au Québec, les groupes de femmes s'activent, se mobilisent, réfléchissent à des revendications et à des actions. L'heure est à la concertation et à la mobilisation.

L'enthousiasme que suscite le projet va au-delà de nos espérances. À l'heure actuelle, plus de 2 250 groupes ont manifesté leur intérêt à participer à la Marche mondiale des femmes. Les groupes participants s'engagent à réaliser trois actions 0

- recueillir un appui massif des femmes – et des hommes qui les soutiennent – à travers le monde aux revendications visant l'élimination de la pauvreté et de la violence faite aux femmes. Cet appui prendra la forme d'une carte postale, et sera accompagné de campagnes locales d'éducation populaire ;

- définir des revendications nationales et organiser une marche ou d'autres types d'actions dans leur pays pour exiger des changements de leur gouvernement ;

- organiser leur participation à un rassemblement international devant les bureaux de l'ONU à New-York le 17 octobre de l'an 2000 et, pour la majorité des femmes qui ne pourront s'y rendre, prévoir un geste symbolique d'appui.

La marche commence dès maintenant. En effet, nous devons poser des gestes concrets d'appui aux femmes victimes de discrimination ou de conflits dans le monde. Avant-hier, le Kosovo, hier le Timor oriental, toujours, l'Afghanistan où les femmes ont à peine le droit d'exister, demain, quoi ? Toutes ces femmes sont nos soeurs, elles ont besoin de notre solidarité. Celle-ci peut s'exprimer de diverses façons 0 entraide, partage de groupe à groupe, dénonciations publiques, demandes adressées à nos gouvernements pour construire la paix, etc. La solidarité avec les femmes du monde, c'est aussi la lutte ici-même contre toutes les formes de racisme et de discrimination dont sont victimes les immigrantes et les réfugiées.

Unies, créatrices, mobilisées, nous construisons chaque jour un monde nouveau.

* Présidente de la Fédération des femmes du Québec|184| 
781|Tout un chemin à faire|Nathalie Marois|

Femmes et pauvreté



Si la pauvreté dans le monde n'est pas exclusivement une affaire de femmes, elle l'est majoritairement et la tendance va en s'accroissant. Les règles de l'économie mondiale conjuguées aux préjugés sociaux et culturels persistants à l'égard des femmes rendent ces dernières beaucoup plus vulnérables à la pauvreté. De la course à la réduction de la dette dans les pays du Nord aux programmes d'ajustement structurel imposés au Sud, ce sont souvent les femmes qui en paient le plus les frais.

En dépit des droits acquis, les femmes ne gagnent, en moyenne, que de 42 à 80 % du salaire des hommes. Au Québec, l'iniquité salariale se chiffre à 70 %. La Tanzanie détient le record de l'équité avec 92 % alors que les femmes du Bangladesh s'en tirent beaucoup moins bien avec 42 % du salaire des hommes.

Encore aujourd'hui, au Québec, la majorité des emplois occupés traditionnellement par des femmes (aide-domestique, secrétaire, préposée aux bénéficiaires, etc.) continuent, en dépit de la loi sur l'équité salariale, d'être moins bien rémunérés que ceux occupés majoritairement par des hommes. Au Québec, 54 % des emplois de bureau, dans les services et dans la vente sont occupés par des femmes. Or, ces emplois sont parmi les moins bien payés et les plus précaires.

L'exploitation des femmes

La situation n'est pas plus reluisante dans les pays du Sud, où elle atteint dans certains cas des dimensions dramatiques, surtout dans certains territoires déréglementés.

Par exemple, les zones franches d'exportation (ZFE) sont des territoires qui échappent à toute législation ou contrôle de l'État. Depuis une vingtaine d'années, on assiste donc au phénomène de plus en plus inquiétant de relocalisation massive d'industries vers ces zones, qui permet aux multinationales de transformer leurs produits à des coûts défiant toute concurrence. Présentes dans une cinquantaine de pays du Sud, ces zones se concentrent surtout en Amérique Centrale, et en Asie du Sud et du Sud-Est.

Constituée à 80 % de femmes, la main-d'oeuvre des ZFE ne bénéficie d'aucune protection minimale d'emploi et d'aucune norme en matière de santé. Le travail des femmes ressemble souvent à de l'esclavage 0 temps supplémentaire fréquent, de jour comme de nuit, exposition à des produits chimiques dangereux, chaleur extrême et air malsain, etc. Mentionnons également que le climat de répression expose ces femmes au harcèlement sexuel. En dépit de l'ampleur importante de ce phénomène, rares sont les cas déclarés, faute de recours légaux et par peur de renvoi.

D'autre part, la non-reconnaissance économique du travail «fantôme», essentiel à la survie, tel que le transport de l'eau, l'agriculture, le soin des enfants, pénalise particulièrement les femmes des pays en voie de développement. Par exemple en Afrique, les femmes représentent 70 % des producteurs de denrées alimentaires. À travers le monde, selon les Nations Unies, les femmes consacrent de deux à neuf fois plus de temps que les hommes à des tâches non rémunérées. Quoique non reconnu, ce travail invisible est un apport vital à l'économie mondiale.

Coupures massives

Que ce soit au Québec ou ailleurs, les coupures dans les services sociaux contribuent à accroître la pauvreté des femmes. Elles doivent travailler davantage afin de payer des services auparavant subventionnés par l'État. Plus encore, elles suppléent aux carences en effectuant du travail bénévole. « Dans les pays de l'Europe centrale et orientale, par exemple, l'effet le plus désastreux de la réduction des dépenses publiques et de la privatisation des entreprises d'État a été la désintégration des infrastructures sociales, notamment la fermeture des crèches et des garderies, ainsi que l'abandon de la protection de la maternité sur laquelle s'appuyaient les femmes pour concilier les obligations professionnelles et familiales ».

Au Sud, avec les nombreuses coupures et les programmes de réajustement structurel, le travail au noir a connu un essor important, au point d'occuper un milliard d'individus. Marchande de fruits à Dakar, couturière à domicile à Mexico ou agricultrice en Inde, ces activités, précaires et peu rémunérées, sont laissées pour compte par les politiques publiques, donnant place à de nombreux abus.

Au Québec, l'ensemble des coupures dans les programmes sociaux, issues de la politique de « déficit zéro », se traduisent notamment par un accès plus limité aux services de santé, aux logements sociaux et aux transports en commun. Cela affecte donc grandement les femmes en raison de leur situation économique plus précaire (voir encadré).

Les coupures dans le système de la santé ont également occasionné une surcharge de travail pour les femmes, qui assument très majoritairement les soins à domicile aux personnes malades, auparavant de responsabilité publique. Beaucoup d'entre elles ont dû, pour cette raison, renoncer à un emploi ou aux études. De plus, la réduction du nombre d'employés dans la fonction publique affecte particulièrement les femmes qui occupent majoritairement ces emplois.

La pauvreté, dont celle des femmes, n'est pas un mal inéluctable mais bien une construction politique, économique, sociale et culturelle. Seuls des changements fondamentaux s'attaquant aux causes structurelles de la pauvreté (libéralisme économique, patriarcat, etc.) assureront des changements réels. C'est dans cette visée que s'inscrit la Marche des femmes en l'an 2000.www|184| 
782|Le partage des richesses dans un monde sans violence|Anne-Marie Tremblay|

La Marche mondiale des femmes en l'an 2000



Pour contrer les valeurs patriarcales et néolibérales propagées à travers la planète par la mondialisation, quoi de mieux qu'un événement international? Ce sont déjà plus de 130 pays et 2000 organismes qui, en participant à la Marche, veulent démanteler les brides du pouvoir qui sont tenues, encore aujourd'hui, par les hommes et par les riches.

Toutes les activités de la Marche des femmes en l'an 2000 tournent autour de deux problèmes0 la violence envers les femmes et la pauvreté. Ces deux thèmes sont simples, mais rassembleurs. En effet, ce sont des problèmes mondiaux qui touchent tous les peuples, tous les pays, à divers degrés.

Redistribution des richesses

Les pays en voie de développement et du Tiers-Monde font face à des problèmes de pauvreté beaucoup plus criants que les pays occidentaux. Par contre, dans tous les pays, l'écart entre les riches et les pauvres va grandissant. Les ressources techniques sont de plus en plus sophistiquées, ce qui facilite ainsi l'accès aux capitaux. Cependant, ce ne sont que les pays riches et, dans ces pays, une poignée de gens qui les contrôlent et en profitent réellement. La redistribution équitable des richesses est donc impérative aujourd'hui.

« Le revenu des pays les plus riches est aujourd'hui 59 fois celui des pays les plus pauvres (contre 30 fois en 1960) ! Il en va de même pour les individus 0 l'écart entre la tranche des 20 % de la population mondiale la plus riche et la tranche des 20 % la plus pauvre a doublé », explique-t-on dans le document portant sur les revendications de la Marche. Ce sont les femmes les premières victimes de ce mauvais partage des richesses.

(http0//www.ffq.qc.ca/marche2000/fr/cahier/c_03.html)

Par ses actions, la Marche des femmes dénonce donc les écarts entre les hommes et les femmes, le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, les riches et les pauvres, les jeunes et les personnes plus âgées, les habitants des villes et des campagnes. Parmi les revendications internationales se retrouvent plusieurs moyens concrets de redistribuer les ressources internationales aux plus pauvres et aux plus défavoriséEs de la planète. Par exemple, l'élimination de la dette des pays du Tiers-Monde, la création par tous les États d'une loi-cadre contre la pauvreté et l'application de la taxe Tobin, (taxe de 0.1% sur les transactions financières) sont prévues. (1)

La violence omniprésente

Les femmes vivent encore dans l'oppression et ce, simplement parce qu'elles sont nées femmes. Partout, le patriarcat a de puissants tentacules qui oppriment les femmes. À travers le monde, des femmes sont violées, tuées, insultées, prises en otage, excisées, victimes d'inceste, traitées en sorcières, vendues, prostituées, agressées, battues, mutilées, menacées, traitées en objet, rabaissées, intimidées, appauvries, enfermées, abusées, répudiées, harcelées, etc. Les revendications de la Marche proposent donc d'éliminer cette violence ou du moins de donner aux femmes des outils pour se protéger.

Les événements

C'est au mois d'octobre 1998 que s'est déroulée, à Montréal, la rencontre préparatoire de la Marche. Plus de 150 déléguées des cinq continents y ont décidé des revendications internationales. Ce sont donc six revendications concernant la pauvreté et onze concernant la violence qui ont été ratifiées. Chaque pays devra ensuite décider de ses propres revendications, au niveau national.

Les événements de la Marche débuteront le 8 mars 2000, lors de la Journée internationale de la femme. Ensuite, des actions, des manifestations et des campagnes d'éducation populaire seront tenues jusqu'au 17 octobre 2000, Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté. C'est à cette date que les femmes se rassembleront à New York, devant les Nations Unies, afin de réclamer leur dû0 une vie équitable et sans violence.

(1) Pour plus de renseignements0 http0//www.ffq.qc.ca/marche2000/|184| 
783|Le silence imposé du burqa|Isabelle Tremblay|

Femmes afghanes



Alors que les Talibans se sont emparés de la majeure partie du territoire afghan, les principales ONG ont été expulsées de Kaboul, la capitale. Le cauchemar des femmes victimes d'un régime « islamiste pur » demeure.

À plusieurs reprises, les femmes des pays occidentaux sont revenues à la charge pour dénoncer leur situation et pour réclamer la justice et l'égalité de tous les êtres humains. De nos jours, de la Thaïlande à la Colombie, de l'Afrique au Tibet, les femmes des pays en voie de développement viennent s'ajouter à leurs semblables des régions industrialisées pour prendre leur avenir en main.

À l'aube du nouveau millénaire, il existe encore un pays qui nie l'égalité des droits les plus fondamentaux à plus de la moitié de sa population. Pis encore, le régime instauré en Afghanistan par les Talibans viole le droit des femmes au respect et à la dignité.

Les maîtres du pays aux dix millions de mines

Les Talibans, ces étudiants en théologie partis du Pakistan voilà 5 ans, ont été présentés dans les médias comme des sauveurs de l'Afghanistan. Ayant vaincu les Soviétiques, plus par la parole que par les armes, les Talibans ont été soutenus, entre autres, par les États-Unis et le Pakistan. Leur succès apparaît comme un retour aux formes médiévales du fondamentalisme islamique. Ils se distinguent des courants islamistes actuels par l'absence de référence à la jihad (guerre sainte) contre le monde occidental (ils se battent uniquement contre d'autres mulsulmans). Ce gouvernement ultra-orthodoxe reconnu par le Pakistan, les Émirats Arabes et l'Arabie Saoudite, a instauré un régime de l'interdit au nom de la religion. Toutefois, le mouvement des « croyants » inquiète par son zèle anti-féministe, découlant plus du féodalisme et du tribalisme que de l'Islam.

Depuis le retrait des troupes russes, en 1989, la vie de la population afghane a basculé dans la violence. Non seulement le conflit armé opposant différents groupes décime-t-il la population, mais les lois imposées aux femmes ont des effets désastreux sur ces dernières, tant sur leur santé physique que mentale. Ainsi, la prise du pouvoir par les forces talibanes à Kaboul en 1996 a fait accroître les taux de dépression et de suicide chez la femme et celui de mortalité infantile, faisant de l'Afghanistan le pays où la condition féminine est l'une des plus critiques au monde.

En Afghanistan, où la guerre perdure depuis vingt ans, la malnutrition est devenue chronique. Les bébés pèsent moins de deux kilos à la naissance et leurs mères n'ont pas la force de les allaiter, car elles se nourrissent peu et mal. Comme l'accès aux bains publics est désormais interdit aux femmes, les affections liées au manque d'hygiène sont légion. Il leur est désormais interdit de se faire soigner dans les hôpitaux publics. Il leur reste des cliniques privées qu'elles n'ont ni les moyens financiers ou techniques d'atteindre, bus et taxi leur étant interdits.

Vivre dans l'ombre

Le tchadri ou burqa, une ample pièce de tissu, ocre, mauve ou bien ciel, qui laisse filtrer la lumière par quelques perforations au niveau des yeux est obligatoirement porté par les afghanes. L'une des dernières lois édictées contraint les fillettes à l'adopter à partir de 9 ans, au lieu de 12 ans. De plus, pas question pour un homme de leur adresser la parole 0 elles réservent leur visage, leur sourire et leur personnalité pour le seul cercle familial.

Dans la capitale, 30 000 femmes ont donc perdu leur emploi depuis 1996. Kaboul compte 25 000 veuves qui doivent assumer seules le soutien de leur famille alors qu'il leur est interdit de travailler. Ces anciennes fonctionnaires, chirurgiennes, professeures et étudiantes mendient pendant que d'autres font la queue devant les centres des dernières organisations humanitaires toujours en poste, malgré l'expulsion en juillet 1998, par les Talibans, des 30 ONG qui s'activaient depuis des années en sol afghan.

Au Royaume de l'insolence

Le régime des Talibans viole tous les droits de l'homme énoncés par la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous avons célébré le cinquantenaire, par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, par la Convention sur les droits politiques de la femme du 31 mars 1953 et par la Convention relative aux droits des enfants du 20 novembre 1989. Ces violations sont inacceptables aux yeux des citoyens du monde. Les Afghanes sont privées des droits considérés en Occident comme définitivement acquis, la violence des Talibans à leur encontre ne connaît pas de bornes. Quelle est la place de ces femmes dans un régime de terreur, dans un système où leur existence est totalement niée par les hommes au pouvoir ?www |184| 
784|L'art de parler pour ne rien dire|Caroline Perron|

«Dans la tête des filles» de Catherine Fol



Peu de temps après les événements de Polytechnique, il y a maintenant presque dix ans, Catherine Fol, elle-même diplômée de l'École Polytechnique et gagnante de la Course Destination Monde, avait réalisé documentaire «Au delà du 6 décembre», film qui cherchait à minimiser le mobile misogyne du massacre de Polytechnique. Elle récidive cette fois avec un essai Dans la tête des filles ou Chroniques de l'après-féminisme publié aux Éditions Stanké. Avec un titre aussi pompeux et une préface de Jacques Godbout, on peut s'attendre au pire...ou à rien. Et on ne s'y trompera pas.

Les mêmes clichés qui circulent depuis vingt ans. Je commencerais tout de suite ici, en disant combien il est navrant de publier un livre qui n'apporte absolument rien à la question du féminisme ou de «l'après-féminisme» comme l'avance ainsi l'auteure dans son sous-titre. En effet, cette interprétation qui affirme que le féminisme est terminé est soi faite par grande naïveté et ignorance historique soi par mépris pour les représentantes encore bien vivantes et celles en devenir, n'en déplaise à Madame Fol, car elle a beau ne pas aimer le mot et ce qu'il signifie, c'est bel et bien un mouvement qui existe encore avec l'évolution qu'on lui connaît. Ne sommes nous pas excédés d'entendre toujours les mêmes lieux communs, les mêmes descriptions éculées et dépassées dès que l'on veut détruire ou faire disparaître un mouvement idéologique ? Terminé le féminisme

Comment peut-on avouer impunément et ce, sans arguments pour le prouver, que nous n'avons plus besoin du féminisme, que le féminisme n'a plus sa raison d'être ? Il faut sortir de sa bulle pour voir qu'il reste encore beaucoup de choses à faire et ce, les yeux bien grands ouverts sans misérabilisme. Il me semble en effet que l'équité salariale n'est pas encore atteinte pour bien des femmes, la faible présence des femmes dans les postes de haute direction dans les grandes entreprises et en politique, la violence conjugale qui finit trop souvent par le meurtre des femmes par leur conjoint ou l'ex-conjoint, la surenchère du corps des femmes dans la publicité et les médias, l'exploitation sexuelle, ne sont-ce pas là encore quelques problématiques qui habitent notre société et dont les femmes font encore les frais, Si il n'y a personne pour se pencher sur ces questions, qui le fera sinon les vilaines féministes ?

Une femme vaut bien un homme

Dans la tête des filles reste donc dans la superficialité, dans l'anecdotique. Pour prouver ces propos, l'auteure nous raconte ses histoires personnelles, ce qui ne vient aucunement nous convaincre de la véracité de ses propos. Ce qu'on perçoit plutôt à travers ces anecdotes, est le reflet d'une fille de bonne famille gâtée par la vie et qui, même si elle a beaucoup voyagé - elle a fait quand même la Course Destinations Monde - n'a pas réussi à sortir de sa bulle et à voir ce qui se passe réellement dans le vrai monde. Ce monde qu'elle décrit est incroyablement naïf et irréel. Parce qu'elle ne voit pas de sexisme autour d'elle, parce qu'elle ne sent pas les effets directs sur sa personne, elle semble se figurer que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Pas de problèmes pour elle, donc pas de problèmes pour le reste des femmes.

«Comme il n'y a pas de frictions sexistes apparentes entre les gars et les filles de Poly, un discours féministe n'y a pas sa place. Ce serait une perte de temps. De toute façon, tous semblent s'entendre sur la place des femmes dans la société.»

Lorsqu'elle parle de ces filles qui réussissent haut la main leurs études et bien souvent mieux que les garçons, Catherine Fol oublie cependant de mentionner que ces mêmes filles sur le marché du travail ne sont pas toujours engagés les premières, la majorité des patrons préférant engager les garçons, même si ceux-ci ont moins bien performé que les filles sur les bancs d'école.

Plusieurs autres chapitres sont exaspérants, dont celui qui s'intitule La victime bourreau et qui traite des hommes battus par leur femme. Je n'ai rien contre la dénonciation de c e fait, mais si c'est pour démontrer que les femmes sont les égales de l'homme dans l'accomplissement de la violence conjugale, alors là, je débarque. Surtout, lorsqu'on connaît les faits réels et les statistiques à ce niveau. *

«Le voyez-vous, ce petit homme modeste qui rentre docilement du travail ?... Sa femme ne lui laisse pas le temps d'enlever son manteau. Elle lui tombe dessus pour un rien. Il a laissé traîné sa robe de chambre, ou il est arrivé quelques minutes en retard. ...Madame est excédée, elle a les nerfs à vif.»

Voilà donc un livre qui selon moi a été écrit pour rien, mais surtout qui a été publié. Il aurait été intéressant qu'une jeune femme se penche sur cette question sérieusement avec des faits et une argumentation qui se tiennent, peut-être n'aurions-nous pas été d'accord sur tout, mais au moins le débat en aurait valu la chandelle.www

FOL, Catherine, Dans la tête des filles ou chroniques de l'après-féminisme,Éditions Stanké, 1999, 158 p.

*D'après une vaste enquête de 1993 de Statistique Canada, 30 % des Canadiennes ont signalé avoir été victimes d'au moins un acte de violence physique et sexuelle infligé par leur conjoint.|184| 
785|D'une lune à l'autre|Élaine Audet| Le mois dernier, je vous confiais avoir remarqué dans les médias une sorte de discours unique qui, partant de faits n'ayant en apparence aucun lien entre eux, semblait cependant mener toujours à une même conclusion 0 les hommes sont désormais les principales victimes du système et les femmes en sont responsables. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, le pouvoir serait passé entre nos mains !

La féminité comme repoussoir

Le rapport du Conseil supérieur de l'éducation conclut que le processus de socialisation des enfants est une des causes déterminantes du retard scolaire des garçons. Dès l'âge de 18 mois, les enfants apprennent à se conformer aux attentes de leur milieu quant à la masculinité et à la féminité, l'appartenance sexuelle constituant le pôle central de leur identité. On peut constater, dès ce moment, une différence fondamentale 0 les garçons construisent leur masculinité en se servant de la féminité comme repoussoir, sont plus sensibles aux pressions de leurs pairs et cherchent à se dissocier de tout ce qui pourrait être identifié comme féminin (1).

Il est clair que c'est la transmission de stéréotypes dès la plus tendre enfance qui génère les attitudes futures des garçons et des filles et non des clivages inhérents et insurmontables dus à leur sexe. C'est le modèle patriarcal, encore en vigueur, qui est à remettre en question parce qu'il constitue de plus en plus une impasse pour les garçons. Le manque d'implication des pères dans l'apprentissage scolaire de leurs enfants donne à croire que l'apprentissage de la connaissance ne constitue pas un enjeu de pouvoir et que, pour les hommes, l'essentiel se joue ailleurs.

Les pères lésés

Dans un article intitulé Masculinisme et criminalité sexiste , paru dans le dernier numéro de Recherches féministes, Martin Dufresne, du Collectif masculin contre le sexisme (CMCS), met en lumière les actes et les écrits qui visent à reproduire le pouvoir masculin en appuyant au besoin la criminalité sexiste, allant des faux témoignages dans les causes d'agression sexuelles au harcèlement et au meurtre. Pour lui, ce mouvement masculiniste utilise la notion de droit des hommes dans le but d'entraver l'établissement d'une véritable société de droit, fondée sur l'équité sexuelle.

Il me signale également que Guy Corneau, auteur de Père manquant, fils manqué, a lancé récemment l'impératif de restaurer l'importance de l'agressivité masculine, et que, depuis dix ans, il y a, au Québec, une augmentation alarmante du nombre d'enfants assassinés par leur père à l'occasion d'un droit de visite ou d'une garde partagée. Des pères qui ne renoncent jamais à exercer le contrôle sur la vie de leurs ex-conjointes et de leurs enfants, de plus en plus souvent par la violence, tout en cherchant à se faire passer pour de bons pères injustement lésés par les femmes de leurs prérogatives masculines. Et les hommes ? est tout ce que Foglia trouve à dire après l'assassinat de Ginette Roger par son conjoint, à Saint-Jean-sur-le-Richelieu, le 9 juin dernier, suggérant lui aussi que les victimes ne sont pas celles qu'on pense.

S'unir contre nos ennemis mutuels

Jamais pourtant les femmes et les hommes n'ont eu autant d'intérêts communs. Les unes et les autres sont victimes d'un même système qui fait des humains de simples consommateurs ou de purs objets de consommation. Susan Faludi, constatant la détresse et la colère grandissante des hommes, leur a consacré son dernier livre, Stiffed (2). Au lieu d'alimenter un discours conservateur visant à creuser le fossé entre les sexes, les hommes qui se sentent victimes auraient, selon elle, intérêt à cibler les véritables responsables, certainement pas les femmes qui sont non seulement encore tenues à l'écart du pouvoir, mais comptent parmi les plus pauvres et les plus opprimées de la planète.

Faludi constate qu'aujourd'hui l'efficacité et la loyauté envers l'entreprise ne garantissent plus le respect ou la sécurité d'emploi. Il n'y a que les richissimes comme Bill Gates, les vedettes des médias, du sport et du spectacle qui bénéficient encore de prestige. Ils présentent des modèles aliénants dont le rôle est de sublimer les aspirations et la révolte de l'humanité, changée en spectatrice de sa propre dépossession. Si les hommes réagissent si mal à la perte de privilèges que l'appartenance au sexe masculin semblait leur garantir, c'est qu'ils ont le sentiment que les femmes montent, alors qu'eux-mêmes sont en chute libre. En réalité, les femmes ne sont montées que de la cave au sous-sol. Au lieu de conspuer les féministes et de s'apitoyer sur la perte de leur masculinité, il serait grand temps pour les hommes de réaliser que 0 Leur priorité ne consiste pas, en fin de compte, à chercher comment être viril, mais la virilité consiste plutôt à chercher comment devenir plus humain.

(1) Voir la série d'ouvrages publiés sur ce sujet par les Éditions du remue-ménage en 1998, notamment de Pierrette Bouchard et Jean-Claude St-Amant, Garçons et filles 0 stéréotypes et réussites scolaires.

(2) Susan Faludi, Stiffed 0 The Betrayal of the American Man..., New York, William Morrow & Co., 1999.|184| 
786|Où va la négociation?|Ronald Cameron|*

Dans le secteur public



Avec la fin des consultations des assemblées générales concernant le plan d'action du Front commun, force est de reconnaître que le projet de mobilisation avancé par les organisations syndicales n'a pas reçu l'appui des membres des différentes composantes du secteur public. D'un seul coup, toutes les questions sur les difficultés associées au développement d'une stratégie gagnante ont resurgi. L'activité proposée par le Forum intersyndical le 27 novembre invite non seulement à prendre la mesure des événements mais surtout à débattre des moyens pour développer la mobilisation.

L'attitude anti-syndicale de Bouchard à l'égard des infirmières et des infirmiers, des camionneurs artisans et du secteur public, explique certainement une partie du refus de nombreuses personnes dans les assemblées. Toutefois les débats étaient chargés de critiques sévères à l'endroit des syndicats. Les années de pratique à l'enseigne de la concertation ne permettent pas de comprendre le revirement stratégique des directions syndicales. On doute de la démarche proposée, critiquant le volontarisme soudain du plan d'action. On dénonce le dirigisme en pointant l'annonce publique faite du plan d'action. On critique le manque de stratégie et la faible progression des moyens d'actions.

L'unité intersyndicale en question

Il est vrai que, depuis plusieurs mois, le différend entre la CSN et la CEQ concernant l'équité salariale a fourni des occasions aux médias pour clamer l'absence d'unité intersyndicale et condamner à l'avance l'existence d'un Front commun dans le secteur public. Ces médias n'ont pas manqué non plus d'utiliser tous les signes d'affaiblissement de l'unité pour en faire des manchettes à sensation, même en modifiant la réalité au passage.

Dans les assemblées, nombreuses furent les interventions de membres qui ont mis en doute l'existence d'un Front commun. Les directions des centrales ont tenté de présenter le contraire en proposant un plan consolidé d'action unitaire. Si plusieurs avancent que différentes revendications peuvent être portées par une même mobilisation unitaire en Front commun, l'expérience récente pour établir un même plan d'action a mis à jour les difficultés d'harmonisation des moyens de lutte et des calendriers entre les organisations des différents secteurs.

De plus, les difficultés à mettre sur pied un réel mouvement en Front commun relancent le débat sur les priorités de négociation, accordant aux revendications sectorielles une fonction essentielle dans la mobilisation. Tout le problème de la prise en charge en Front commun des préoccupations sectorielles réapparaît brutalement dans le débat sur les moyens à mettre en place actuellement.

De plus, on reconnaît aussi que les aspects sectoriels des demandes syndicales qui sont négociées ailleurs fondent non seulement la mobilisation des membres mais aussi, pour l'essentiel le plaidoyer en faveur des services publics. Toutefois, les facteurs structurels de division se manifestent et agissent entre les secteurs, voire entre les membres, par exemple entre le personnel permanent et précaire qui sont à égalité au plan des effectifs dans certains réseaux. Il demeure que toute perspective nouvelle pour le développement de la mobilisation exige une prise en charge accrue des enjeux sectoriels. Sans s'opposer aux demandes concernant les salaires et la retraite, les préoccupations sectorielles apparaissent comme une clé dans la démarche d'unité entre les secteurs.

Pour obtenir satisfaction

L'intransigeance des positions du gouvernement Bouchard s'appuie sur une orientation politique inacceptable. Elle consiste à privilégier la baisse des impôts et à l'agiter comme leurre pour faire oublier la détérioration non seulement des services publics mais aussi celle des conditions de vie de la majorité de la population. Cette orientation politique du gouvernement péquiste participe certainement à accentuer au maximum la démobilisation. Toutefois, la lutte des travailleuses et des travailleurs du secteur public demeure une occasion pour montrer qu'une autre politique est nécessaire.

C'est pourquoi les débats qui s'engagent maintenant dans les syndicats sont importants. C'est un des moyens pour combattre le danger de jeter la serviette. Ce qui a permis d'accorder un tant soit peu de crédibilité au Front commun fut la rencontre commune, en Conseil d'orientation, de toutes les délégations de chacune des organisations syndicales liées avec la négociation.

L'actuelle négociation dans le secteur public est cruciale pour les salariés-es comme pour la population au Québec. La rencontre du 27 novembre, organisée par le Forum intersyndical, veut être une occasion pour les militantes et les militants d'échanger librement et de confronter leur réflexion sur les enjeux. C'est une invitation.

* Enseignant de cégep et militant syndical|184| 
787|Développer une réflexion sur le mouvement syndical|Pierre Klépock|

Forum intersyndical



L'aut'journal a rencontré Jean-Pierre Daubois, ouvrier et responsable syndical chez GM à Ste-Thérèse. Militant au Forum intersyndical depuis sa création, il nous parle de l'importance pour les syndicalistes, toutes centrales confondues, de se rencontrer et de discuter de l'orientation que le mouvement syndical prend au Québec.

A.J 0 D'où vient l'idée du Forum intersyndical ?

Jean-Pierre Daubois 0 Il y a quelques années, des militants et des militantes de différents syndicats trouvaient qu'il y avait un problème de fond dans le mouvement syndical. Les stratégies de partenariat entre les syndicats et le patronat, en alliance avec le gouvernement du PQ, par exemple, ont conduit à l'acceptation plus ou moins tacite du déficit zéro. Nous considérons que ces stratégies paralysent nos luttes pour la défense des droits des syndiquées ainsi que des citoyennes et citoyens. Nous cherchons donc à développer une réflexion dans le mouvement syndical sur les stratégies des directions des centrales pour amener les syndicats et leurs membres à se mobiliser contre les politiques néolibérales.

A.J 0 Pourquoi le Forum organise-t-il l'activité du 27 novembre ?

Jean-Pierre Daubois 0 Nous voulons discuter des difficultés de mobilisation des membres du Front commun et de la réforme du Code québécois du travail à venir. Dans les années 60-70, l'action syndicale dépassait les revendications des conventions collectives et réclamait des programmes sociaux pour tout le monde. Pour nous, le partenariat paralyse l'action syndicale et force le repli stratégique de ce dernier. Le rôle que le mouvement syndical a toujours joué dans la conquête des droits sociaux est maintenant négligé. Il s'agit de trouver des solutions afin de récupérer notre indépendance syndicale vis-à-vis du gouvernement en place.

A.J 0 Pour quelles raisons, le Forum s'intéresse-t-il aux luttes syndicales en Ontario et aux États-Unis?

Jean-Pierre Daubois 0 Nous croyons appropriés que les syndicalistes du Québec discutent et tracent un bilan des Days of Action en Ontario, où les syndicats du privé s'impliquaient dans les batailles pour la défense des droits sociaux en alliance avec les syndicats des services publics et les groupes populaires. Il nous parait important aussi de parler de la grève victorieuse contre le temps partiel chez le transporteur UPS ainsi que de la recomposition du mouvement syndical aux États-Unis, notamment chez les Teamsters. En invitant Buzz Hargrove des TCA et Jane Slaughter du journal syndical Labor Notes, nous espérons développer, avec le Forum, des stratégies d'oppositions aux politiques néolibérales.|184| 
788|Les lois du travail 0 une lutte à organiser|Jacques Desmarais|

Dans le secteur privé



Le gouvernement dit non aux camionneurs qui manifestent pour obtenir que le Code du travail leur soit applicable. Débordée par le cafouillage à Emploi-Québec, la ministre du Travail reporte à plus tard des amendements annoncés au Code du travail. Débordée par les protestations des regroupements de jeunes qui exigent l'abolition réelle des clauses orphelins, la même ministre demande un temps de réflexion et reporte à plus tard sa réponse. Il n'y a pas que les travailleurs du secteur public qui se font dire non ces temps-ci. Sans parler du refus de toute hausse du salaire minimum à l'automne.

Les camionneurs ont cru à la bonne foi du gouvernement qui avait confié à un Groupe de travail le mandat de faire des recommandations suite à leur mouvement de protestation en 1998. Malgré des propositions claires du Rapport Bernier de leur reconnaître le droit à la syndicalisation, le Premier Ministre répond qu'il ne va pas amender le Code du travail à la pièce.

Les demandes sont simples et raisonnables 0 la reconnaissance du statut de travailleur autonome en tant que camionneurs-propriétaires, une forme de pluralisme syndical, le droit à la négociation collective et un mode approprié de regroupement d'employeurs aux fins de négociations collectives au sein de secteurs et de sous-secteurs appropriés. Plutôt que de chercher des solutions, le gouvernement recourt à l'injonction la plus répressive, notamment à l'endroit de la liberté fondamentale d'expression, et accepte enfin de créer un forum pour continuer la discussion, pour gagner du temps.

Les patrons décideront

Suite à l'élection du Parti Québécois, en mars 1999, la nouvelle ministre du Travail a annoncé une réforme en profondeur des principales lois du travail et ce, au cours des prochains mois. Étaient nommément visées des modifications au Code du travail relativement au travail autonome, à la sous-traitance et au processus d'accréditation. Des normes du travail nouvelles devaient régir la question des clauses orphelins et les licenciements collectifs.

Depuis, les membres syndicaux et patronaux du Conseil consultatif du travail et de la main d'oeuvre à qui la ministre a demandé un avis n'ont évidemment pas réussi à s'entendre sur quoi que ce soit. Le Premier Ministre a récemment indiqué qu'à défaut d'accord entre syndicats et patrons, il n'était pas question d'amender le Code du travail. Le message est clair. Ce sont en fait les patrons qui décideront s'il y aura des amendements aux lois du travail.

Des revendications simples et raisonnables

Les revendications syndicales quant aux lois du travail sont simples et raisonnables. Les nouvelles conditions économiques sont accompagnées d'une transformation des statuts d'emploi. Pour éviter l'application des lois du travail, on voit apparaître des faux travailleurs autonomes, des entrepreneurs très dépendants. Afin de leur reconnaître des droits équivalents à ceux des salariés, les lois québécoises du travail pourraient s'inspirer des lois canadiennes - eh oui! - et les considérer comme des salariés.

L'article 45

Depuis 38 ans, le Code du travail protège la convention collective de travail lorsqu'un employeur vend ou cède la totalité ou une partie de l'entreprise à un autre employeur en obligeant ce nouvel employeur à respecter la convention collective. Par toutes sortes de procédés ingénieux, de nombreux employeurs arrivent à éviter l'application de ce maintenant fameux article 45 du Code du travail. Les syndicats veulent boucher les trous. Les patrons eux veulent réduire la protection déjà inscrite dans le code. L'impasse est totale.

Négociation regroupée, négociation sectorielle

Le régime d'accréditation syndicale au Québec, comme partout en Amérique du Nord, oblige l'employeur d'une entreprise à négocier une convention collective avec le syndicat représentatif. L'accréditation est accordée pour une seule entreprise ou un seul établissement, jamais pour un ensemble d'employeurs. Négocier établissement par établissement fait parfois en sorte qu'aucun rapport de force ne sera possible. Négocier une convention collective pour chaque établissement de Macdonald's est un casse-gueule. Cela est d'autant plus difficile quand l'entreprise a moins de 40-50 salariés, une situation abondamment répandue au Québec.

Parfois les syndicats s'organisent pour faire échec à cet éparpillement des forces. Dans les hôtels, dans le transport scolaire ou ambulancier, dans les garderies, les syndicats se coordonnent pour faire un front uni face aux multiples employeurs. Le Code du travail devrait permettre qu'une telle formule soit imposée à un ensemble d'employeurs lorsque les syndicats démontrent une volonté réelle des salariés de se syndiquer selon ce mode de négociation regroupée, de négociation sectorielle. Les patrons sont absolument opposés à une telle contrainte. L'impasse est totale.

Licenciements collectifs

Chaque semaine, les journaux rapportent un nouveau lot de licenciements. Restructuration, changement technologique, transformation organisationnelle, rationalisation (sic), peu importe l'appellation des motifs, des travailleurs sont licenciés en masse. Quelle protection ont-ils?

Là où il y a un syndicat et une convention collective, la protection est bien limitée 0 au Québec, l'ordre de licenciement par ancienneté et l'indemnité de départ sont les pratiques les plus répandues; parfois, on trouve des programmes de recyclage, des dispositions assurant le maintien du salaire dans le nouveau poste ou des mesures de partage du travail.

Pour les autres, les non-syndiqués du secteur privé, la seule protection légale est l'obligation pour l'employeur de donner un préavis de licenciement ou, à défaut de préavis, une indemnité minimale équivalente à la durée du préavis requis par la Loi des normes du travail. Absolument rien d'autre n'est garanti. La loi créant l'obligation de préavis a été adopté en 1969. Depuis, rien. Les licenciements collectifs sont les parents pauvres des législations du travail.

Quand verra-t-on pour l'ensemble des travailleurs une protection adéquate, l'obligation pour l'employeur de donner un vrai préavis, de négocier les mesures de contraction de l'emploi, de recyclage, bref un plan social qui pense aux travailleurs plutôt qu'au seul capital de l'employeur. Pour l'instant, un tel projet paraît utopique à moins que les conditions de sa réalisation soient réunies.

Comment s'organiser

Comment créer ces conditions? Comment se fait-il que ces revendications simples et raisonnables dans une société développée n'aboutissent pas? Qu'est-ce qui amène le gouvernement à faire la sourde oreille, même lorsque la revendication est accompagnée d'actions bien visibles? Y a-t-il trop de revendications? Fait-on fausse route en s'adressant principalement au gouvernement? Doit-on compter en priorité sur la lutte autour de la négociation dans l'entreprise? Bref, comment s'organiser pour faire progresser ces conditions de travail?

Il est temps de faire le point, de se demander comment construire un rapport de force qui fera progresser les conditions de travail plutôt que d'attendre que les choses changent d'elles-mêmes. La rencontre organisée par le Forum intersyndical veut être une occasion pour les militantes et les militants d'échanger librement et de confronter leur réflexion sur ces enjeux. C'est une invitation.|184| 
789|Patrons et gouvernement s'en foutent|Jacques Larue-Langlois|

Le travail estropie, empoisonne et tue



Au Québec, entre 150 et 200 personnes meurent annuellement au travail. Selon le Bureau international du travail (BIT), un million de travailleurs meurent chaque année des suites d'accidents de travail ou de maladies professionnelles. Des 300 000 qui en réchappent, 35 % seulement sont indemnisés après que le système ait fait son travail d'épuration des causes.

Ces statistiques, résultat du travail de Roch Banville, sont reproduites dans un livre intitulé La peau des autres, qui vient de paraître chez Lanctôt Éditeur. L'auteur, médecin spécialisé depuis quinze ans dans les cas d'accidents de travail et de maladies professionnelles rappelle, avant tout que, contrairement au criminel de droit commun, le travailleur accidenté porte, lui, le fardeau de la preuve dans la poursuite qu'il intente à son employeur. Ce dernier, plutôt que de dépenser des fortunes en avocats et en frais de Cour, devrait se poser la vraie question 0 En coûte-t-il plus cher de payer pour des morts ou des éclopés que de mettre en marche des moyens de prévention efficaces ? Même du point de vue borné des patrons, selon lesquels la vie et la santé d'un travailleur ne valent que tant qu'il rapporte, la réponse est évidente.

Tel n'est cependant pas l'avis du gouvernement québécois. En effet, la loi 42, votée par le parlement à la fin de l'année 1979, constitue, toujours selon le docteur Banville, la pierre angulaire de la politique de diminution des coûts à la Commission de santé et sécurité au travail (CSST). De l'aveu même du ministre Raynald Fréchette, cette loi visait à réduire le coût global des indemnisations pour les employeurs. Le problème c'est qu'elle le fait en piègeant les victimes d'accidents du travail dans un inextricable labyrinthe. Il en résulte qu'il est aujourd'hui encore aussi difficile de lutter contre la bureaucratie de la CSST que contre le crime organisé .

Des jugements fruits d'une longue fréquentation

Le docteur Roch Banville a fréquenté les patrons et les syndicats depuis des années. Il a accompagné des centaines de travailleurs à des tribunaux de la CSST dont le rituel arrogant ne peut qu'humilier la victime et l'amener à se sentir même coupable d'en être là. C'est à partir de cette durable expérience qu'il peut fonder les jugements plutôt durs qu'il profère à l'endroit de la Commission.

Pour lui, la CSST est avant tout la compagnie d'assurance des employeurs et ne cesse d'abaisser le taux moyen de cotisation des entreprises. Ainsi, ce taux est passé de 2,47 $ par 100 $ de masse salariale en 1998, à 2,22 $ en 1999. En avril dernier, la ministre du Travail, Diane Lemieux, entreprenait par ailleurs de nouvelles démarches en vue d'abaisser les indemnités accordées aux travailleurs accidentés, les portant de 90 % à 85 % du salaire net. Cette initiative découle du rapport du comité sur la déréglementation, dirigé par Bernard Lemaire, pdg de la papetière Cascades. Le docteur Banville ne peut qu'en conclure 0 nous constatons que la mentalité et l'attitude des gens de pouvoir, qu'il soient de l'État, de la religion, de l'argent, de la justice, de la presse ou même du savoir, sont les mêmes 0 considérer les manoeuvres comme chair de production .

On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que la situation ne change guère depuis des siècles en ce qui a trait au sort réservé aux gagne-petit. Ainsi, si Jean de La Fontaine pouvait affirmer, en 1668 0 Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir , le protecteur du citoyen du Québec, Daniel Jacoby, était en mesure de conclure, en 1998 0 Que le travailleur ait tort ou raison, l'exercice d'un recours lui assure d'être lésé .

La peau des autres, Roch Banville, Lanctôt Editeur, Montréal octobre 1999.|184| 
790|Bombardier-town|Paul Rose| Vous franchissez les grilles de Bombardier à Valcourt, vous n'êtes plus chez vous. Vous n'êtes plus au Québec. Même pas dans les cantons de l'Est. Vous sombrez dans un état second, dans un État dans l'État, avec ses propres lois qui n'en sont pas et qui tournent toutes autour d'une même marotte 0 gare à celui ou celle qui, dans ce fief, oserait un jour ne pas penser comme le grand boss, le roi Laurent Beaudoin dit de Valcourt.

Et celui-ci a bien raison d'être sur ses gardes depuis qu'il a détrôné son beau-père, l'industriel Armand Bombardier, au cœur des années soixante. Toute cette affaire demeure encore nébuleuse aujourd'hui, tout comme la mise à l'écart des enfants de l'inventeur de la motoneige, tous réduits à des rôles de figuration. Ce qui reste d'arrière-goût de cette période grise c'est une peur bleue (couleur maudite et que Laurent réserve aux chiennes revêtues par ses gardes chiourmes les plus haïs de la shop), peur bleue, donc, que ce parvenu éprouve devant tout ce qui pourrait un jour contester son pouvoir absolu et creuser une fissure dans son royaume rougeâtre...

Nus mais libres

Alain Fournier et François Massicotte l'ont bien vu, eux qui, en 1969, ont tenté de faire entrer le syndicat pour protéger les employés de la compagnie Bombardier . Ils ont été congédiés, comme une centaine d'autres cette année là, et François Massicotte a été attaché et traîné flambant nu dans les rues de la ville par les bleus à Beaudoin un soir de décembre, près du point de congélation.

René Pratte, citoyen résistant de Valcourt, que j'ai rencontré récemment, l'a appris dans toutes les fibres de son corps, lui aussi. Encore alerte et combatif malgré ses 70 ans bien sonnés, il a été congédié de Bombardier à l'été 1971, parce que peintre-membre du Comité de bonne entente (devenu depuis le bidon Comité de relation de travail), il avait osé y dénoncer, en présence du directeur de l'usine (Larry Cloutier), une situation dangereuse pour sa santé et celle de ses confrères, à savoir des pistolets à peinture défectueux depuis six mois. Situation qui avait entraîné à ce jour l'intoxication de plusieurs travailleurs et l'hospitalisation du peintre Proulx pour des lésions permanentes au cerveau.

Suite à son congédiement, René Pratte, issu d'une vieille famille de Valcourt proche du célèbre inventeur, rencontre Beaudoin lequel lui demande dix jours de réflexion . Non seulement la décision est maintenue, mais le voisin Beaudoin , menaçant, avertit son ex-employé d'y penser à deux fois avant de faire des entre-vues avec les mé-dias . L'année suivante, le gérant du personnel (Paul Rajotte) se voyait à son tour remercié de ses services après avoir signé une lettre de recommandation à l'endroit de René Pratte !

En mai 1974, au cœur d'une autre tentative de syndicalisation, à la filiale sœur de l'Estrie (Kingsburry), La Tribune, faisant le lien avec le mouvement ouvrier, titre 0 Tentative d'enlèvement du président de Bombardier ? . Le point d'interrogation est important puisque cette rumeur d'une prétendue opération d'un commando syndical, qui s'avéra non fondé par la suite, est lancée alors même que Laurent Beaudoin est hors du Québec...

Au total, à Valcourt seulement, depuis l'arrivée du roi Beaudoin, plusieurs centaines d'employés de Bombardier ont été congédiés sous des motifs-étiquettes évasifs ( insubordination , indiscipline , désobéissance , non satisfaisant ne rencontre pas les normes ) comme en fait foi un document de la compagnie comprenant une liste partielle d'une cinquantaine de congédiés entre le 4 janvier et le 31 août 1969 (voir encadré).

Une ville-compagnie

Et l'histoire se continue aujourd'hui 0 congédiements à répétition, interdiction sur la propriété de la compagnie de parler de syndicat pendant les heures de travail, périodes de repas et de pauses comprises, dès deux heures d'arrêt autorisé ici et là pour des manifestations antisyndicales spontanées dans les rues de Valcourt...

Pourquoi ? Parce que Valcourt, pour l'usurpateur roi Beaudoin, ça dépasse la simple valeur de symbole. C'est le lieu qui lui permet d'assurer sa névrotique légitimité Bombardier.

À la limite, passe toujours que les firmes avalées à vil prix avec l'aide des libéraux (Ste-Anne-de-la-Pocatière, Canadair, etc.) soient ou deviennent syndiquées. Ce qui importe c'est que son château fort, Valcourt, et sa proximité, demeurent entières sous son contrôle absolu. Ses arrières assurés, Laurent Beaudouin a donc pu se développer une crédibilité Bombardier accrue, multipliant ses liens avec les rouges d'Ottawa et de Québec et se servant de leurs contacts d'affaires, tant au Canada qu'à l'extérieur (Irlande, Brésil, Mexique, USA). Pour arriver à cette reconnaissance bombardienne, la grenouille envieuse n'avait tragiquement d'autre choix que de grossir, grossir, grossir.

Au prix même du l'éclatement du tout Valcourt, au prix de sa transformation en première ville-compagnie forteresse version québécoise avec les mêmes fondements esclavagistes raffinés qui, en des temps qu'on croyait à jamais révolus, avait été le lot des compagnies étrangères de Noranda en Abitibi, de Robin en Gaspésie et de Prince au Saguenay.|184| 
791|Les COFI 0 prochaines victimes du couperet ?|Luc Charlebois| Le gouvernement du Québec songe à fermer les Centres d'orientation et de formation des immigrants (COFI). Nous sommes en droit de nous poser des questions sur les véritables intentions du gouvernement dans ce dossier. Luc Perron, le président du Syndicat des professeurs de l'État du Québec (SPEQ) nous explique les intentions véritables du gouvernement.

“ Ce sont des technocrates qui ne connaissent rien au milieu qui ont imaginé un tel scénario. C'est ainsi que M. Perron décrit les instigateurs du plan de fermeture, qui se pourléchent les babines à l'idée des économies qu'entraînerait la fermeture des COFI. Ils se disent, comme par enchantement, que notre clientèle pourrait s'intégrer au réseau régulier d'enseignement (commissions scolaires, cégeps et universités) ! Évidemment, ils n'ont pas tenu compte du fait que ces gens ne vivaient pas les mêmes problématiques que les autres étudiants de ces institutions. Actuellement, des tentatives sont menées dans des cégeps et des universités et les résultats sont peu concluants.

Ce qui n'est pas étonnant sachant que la clientèle des COFI est composée de nouveaux arrivants au Québec qui ne parlent pas un mot de français au début des cours. Ils sont dirigés vers les COFI pour les apprentissages de base, axés sur l'oral surtout, et s'ils le désirent, ils poursuivent leur apprentissage du français dans les commissions scolaires, celles-ci se chargeant principalement du volet écrit. Il est aussi à noter que, contre toute logique, le gouvernement se prépare à donner le volet écrit aux cégeps et aux universités, rendant encore plus précaire la situation des professeurs de francisation (écrite) dans les commissions scolaires.

Une simple récupération d'argent ?

Il est malheureusement à redouter que la véritable raison de ce triste projet soit économique plutôt que pédagogique. En comparant les conditions de travail des professeurs du SPEQ et celles des professeurs de l'éducation des adultes à la CEQ, on s'aperçoit que, pour la même tâche effectuée dans une commission scolaire, les enseignants aux adultes gagnent environ 25 % de moins que leur collègues du SPEQ, même s'il n'y a pas de différence entre les tables salariales des professeurs de la CEQ et ceux du SPEQ.

À l'éducation des adultes, il faut totaliser 800 heures d'enseignement (peu importe la répartition heures/semaine) dans un contrat pour être considéré temps plein 100 % de tâche. Dans les COFI, par contre, les professeurs occasionnels sont considérés à temps plein lorsqu'ils enseignent 20 heures/semaine, peu importe le nombre total de semaines travaillées à l'intérieur du contrat.

Nos fameux technocrates s'y connaissent peu en pédagogie, mais ils savent compter. Ils ont constaté que le programme enseigné dans les COFI avait une durée standard totalisant 600 heures d'enseignement. En le faisant faire en sous-traitance dans les commissions scolaires, ils paient l'enseignant à 75 % d'un salaire temps plein parce que l'on calcule son salaire sur une base de 800 heures (600/800 = 0,75), même si ce dernier donne 20 heures de cours/semaine comme son collègue du COFI. Donc une récupération de 25 % pour le gouvernement, la passe quoi !

Quelques explications

Perron nous explique en partie pourquoi le transfert des activité des COFI dans les commissions scolaires ne s'est pas encore fait 0 Notre convention collective dit clairement que les professeurs permanents transférés ou cédés à une autre institution doivent conserver leur statut et les avantages auxquels ils avaient droit dans les COFI. C'est une obligation de la part du gouvernement. Du coup, les technocrates ont dû comprendre que la récupération salariale projetée se faisait évacuer par cette clause... Sauf que la moyenne d'âge étant élevée chez les professeurs des COFI, il se pourrait très bien que le gouvernement n'attende que les nombreux départs à la retraite qui se profilent pour réaliser son projet. En effet, il n'aura qu'à ne pas remplacer les professeurs permanents qui partiront à la retraite pour faire appel à la sous-traitance des commissions scolaires au fur et à mesure que les départs se confirmeront...