Le point avec Henri Massé

 


Front commun, code du travail, partenariat



L'aut'journal a rencontré Henri Massé, président de la FTQ depuis novembre 1998, afin de prendre le pouls de la plus grande centrale syndicale au Québec. Représentant près d'un demi-million de membres, la FTQ travaille pour le plein emploi, une plus grande justice sociale et la démocratie économique. Pour la réalisation de son projet de société, elle croit que le Québec doit devenir un pays indépendant.

A.J0 Pensez-vous que le Front commun est important pour la défense des droits sociaux ?

Henri Massé0 Les services publics sont un pilier important pour la société québécoise. Mais, depuis des années, dans le secteur public, nous n'avons jamais négocié sur nos propres bases mais sur la base des orientations gouvernementales et des demandes patronales. Grâce aux contributions d'environ 7 milliards des employés de l'État, le Québec a atteint l'équilibre budgétaire et il doit réinvestir ses surplus dans les services sociaux. L'ensemble du Front commun doit avoir un mandat de grève fort pour traverser cette négociation. L'amélioration des conditions de travail des salariéEs de l'État a des conséquences directes sur la qualité des services donnés à la population.

A.J0 Comme dans plusieurs pays européens, devrions-nous avoir un droit de grève garanti et protégé par nos chartes des droits et libertés?

Henri Massé0 Absolument, quand les gouvernements fédéral et provincial ont institué leur charte, la FTQ a demandé que le droit de négociation et de grève y soit inscrit. On s'est ramassé avec des chartes axées sur les droits individuels, mais très peu sur les droits collectifs. Maintenant, les lois du travail sont tellement rigides que dans le secteur public le droit de grève n'existe pas.

Pour nous, la santé et la sécurité de la population passent en premier, mais on a une loi des services essentiels tellement exagérée qu'on passe des heures devant le Conseil des services essentiels aussitôt que l'employeur se plaint. On a vu le Premier ministre Bouchard se demander0 combien de temps vais-je tolérer une grève légale ? Quand un gouvernement décide de se donner raison, il y arrive avec un arsenal répressif. Sans droit de grève, on ne peut améliorer nos conditions de travail.

A.J0 Avec la réforme du code du travail, serait-il important d'avoir des mesures pour prévenir les fermetures d'usines?

Henri Massé0 Nous avons essayé de resserrer la loi sur les fermetures d'entreprises. À la FTQ, on croit qu'on devrait avoir une loi plus sévère pour contrer les fermetures sauvages car si on prend, par exemple, le cas de l'usine Gaspésia, c'est scandaleux, c'est un véritable génocide économique. Ça prend des délais de licenciement plus longs, des raisons économiques beaucoup plus sérieuses comme dans ce cas-ci. Quand on se compare à l'Europe, on est très en retard sur ce plan, mais dans le contexte nord-américain et de mondialisation économique, il est difficile d'améliorer les lois actuelles.

A.J0 Le Fonds de solidarité est un bon outil collectif pour maintenir et créer de l'emploi. Pensez-vous qu'il devrait devenir majoritaire dans les entreprises, se diriger vers un contrôle ouvrier, pour avoir une certaine influence sur l'économie?

Henri Massé0 Le Fonds de solidarité est encore trop jeune pour penser à cette chose-là. Même si on a trois milliards d'actifs, il y a encore beaucoup d'endroits au Québec où investir pour développer l'emploi et je ne pense pas qu'il s'agit d'être majoritaire dans les entreprises pour influencer l'économie. On investit quelques fois dans des dossiers où des employeurs continuent de se comporter de façon antisyndicale. Mais la FTQ ne fait pas de quartier à une telle entreprise, même si le Fonds y est un investisseur minoritaire. À long terme, on peut avoir une certaine influence, comme par exemple le modèle coopératif, qui n'est pas le modèle majoritaire dans la société, mais qui influence une partie du développement économique. Les syndicats doivent être combatifs et en même temps présents dans le développement économique.

A.J0 Si on trace le bilan des 15 dernières années du partenariat, est-ce que la FTQ devrait se diriger vers un syndicalisme de combat?

Henri Massé0 Il y a 2 000 syndicats à la FTQ, certains ont fait des expériences de partenariat qui ont très bien réussi, d'autres qui ont très mal réussi et d'autres qui ne veulent rien savoir du partenariat. La FTQ n'est pas monolithique et l'autonomie des sections locales est respectée. Est-ce que négocier nos conditions de travail avec les patrons, c'est se compromettre? Un syndicat de base qui est assez solide pour affronter son employeur peut influencer les décisions du boss. Certains universitaires disent que la FTQ est pour le partenariat et que ce n'est pas bon. Ils devraient venir dans nos rangs et voir la réalité. C'est pas toujours comique ces affaires-là ! L'important pour nous, c'est avant tout d'être présent aux tables de négociations.