La chronique de l'An zéro

 


Une nouvelle chronique



À la faveur de leur revue de fin d'année, la plupart des médias se sont empressés de tourner la page sur le XXe siècle en célébrant le triomphe du capitalisme et l'enterrement du communisme. Nous sommes donc invités à entrer dans le XXIe siècle comme si la fin du XXe marquait la fin de l'Histoire.

Mais, avant de tourner définitivement la page, on peut se demander 0 Quel est l'avenir prévisible du capitalisme qui se grise aujourd'hui de bulles financières comme d'un champagne du Nouvel An ? Y a-t-il encore un espoir pour la classe ouvrière ou pour les petites nations opprimées comme le Québec en cette ère néolibérale ? Un projet libérateur est-il toujours possible pour les milliards d'opprimés de la planète ?

Une controverse utile

Impossible de répondre à ces questions sans interroger l'expérience des générations qui nous ont précédés. Aussi, avant d'entrer de plein pied dans le XXIe siècle, profitons de la controverse existante sur le début du millénaire et, tout en admettant que le XXe siècle soit bel et bien terminé, situons le début du XXIe siècle en l'an 2001.

Cela nous donne un an, l'An zéro, pour faire le bilan du passé et commencer à jeter les bases d'un projet pour le XXIe siècle. Tel sera le contenu de la chronique de l'An zéro, comme dans le monde de l'édition, on publie un numéro zéro avant de lancer une revue, un journal.

L'Âge des extrêmes comme fil conducteur

Pour cette réflexion sur le siècle passé, nous allons nous servir, comme outil principal, du livre d'Eric Hobsbawm, L'âge des extrêmes, Le court XXe siècle, 1914-1991.

Ce livre, publié à l'origine en Grande-Bretagne en 1994 et traduit dans plusieurs langues, a été systématiquement boycotté par les éditeurs français qui ne le trouvaient pas au goût du jour à cause des l'approche marxiste de l'auteur, jusqu'à ce que le Monde diplomatique décide de le traduire et de l'éditer. L'ouvrage est présentement disponible dans plusieurs bonnes librairies à Montréal.

En prenant l'Âge des extrêmes comme fil conducteur, mais en nous référant également à d'autres ouvrages, nous allons au gré des mois aborder différents sujets comme 0 Une crise générale du capitalisme est-elle possible ? Peut-on encore parler d'un rôle historique pour la classe ouvrière ? Quelle est aujourd'hui la voie de l'émancipation des nations opprimées ? Quelles leçons tirer de l'expérience des pays socialistes ?

Bien que nous situant dans une perspective globale et mondiale, nous examinerons à chaque fois que cela sera possible les répercussions de tel ou tel phénomène analysé sur la situation au Québec.

Pour combattre le pessimisme ambiant

Le projet peut sembler prétentieux, mais l'approche qui nous anime est, au contraire, fort humble. 0Il part du constat suivant. Il y a un siècle, les militantes et les militants socialistes abordaient l'avenir avec optimisme. Galvanisés par leurs idéaux, ils rêvaient d'un monde meilleur qui semblait à portée de main.

Cent ans plus tard, nous entrons dans un nouveau millénaire sans véritable projet libérateur. Partout à travers le monde, la gauche est sur la défensive, écrasée par le rouleau compresseur du néolibéralisme, c'est-à-dire le capitalisme dans ses nouveaux habits, taillés à même la dépouille des systèmes socialistes.

La suprématie idéologique du capitalisme est telle que, aujourd'hui, la grande majorité des forces de gauche acceptent la transcendance du marché et prônent tout au plus un retour aux mesures keynésiennes, à des réformes pour civiliser le capital.

Le pouvoir des transnationales qui écrasent, exploitent et oppriment des milliards de personnes à travers le monde est à peine remis en question. Les forces de gauche demandent tout au plus une voix au chapitre, comme le reflétait le principal slogan des opposants à Seattle, No Globalization without Representation , qui n'est qu'une adaptation d'un slogan de la Révolution américaine No Taxation without Representation .

Il y a un siècle, les représentants conscients des exploités revendiquaient le renversement de l'ordre établi, l'expropriation des expropriateurs et l'avènement d'une société contrôlée par les producteurs eux-mêmes, axée sur la satisfaction des besoins matériels et culturels de la majorité de la population.

Aujourd'hui, les mêmes forces obscurantistes qui dominaient le monde dominent toujours. Elles ont ravagé la planète à un point tel qu'on peut évoquer la perspective de la fin de l'Histoire par suite de désastres écologiques qui planent au-dessus de nos têtes.

Peut-on se contenter d'y opposer la taxe Tobin ou la réforme de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) ?

Dans notre prochain numéro 0 À quand le prochain krach ?