La première force organisée qui peut aider les immigrants à se faire respecter, c'est le syndicat

 


Entrevue avec Romiald Anthony



Dans le cadre du mois de l'Histoire des noirs en février, l'aut'journal a rencontré Romiald Anthony, président de la section locale 5000 des TCA-Québec. Il est aussi responsable du Comité des minorités visibles des Travailleurs canadien de l'automobile (TCA), et siège sur le Comité des droits humains du Congrès du travail du Canada (CTC). Après 16 ans de militantisme, Il ne veut pas être le Michel Chartrand des minorités visibles sans tribune, encadré seulement dans le mois de février.

AJ0 Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez mis sur pied ce Comité des minorités visibles aux TCA-Québec?

Romiald Anthony0 Le Comité des minorités visibles des TCA-Québec vise à assurer une certaine représentativité des minorités visibles dans les syndicats et les services publics. La décision de mettre sur pied un Comité permanent qui se penche sur les problèmes spécifiques d'intégration des minorités visibles sur les lieux de travail a été prise suite à un congrès des TCA-Québec. En effet, la première porte d'entrée d'une personne immigrante dans un pays, c'est le marché du travail et la première force organisée qui puisse aider ces personnes à s'intégrer et à se faire respecter, c'est le syndicat.

A.J0 Dans quels secteurs d'activité économique se retrouvent ces personnes et quelles genres de discrimination vivent-elles?

Romiald Anthony0 Elles se retrouvent majoritairement dans le textile et les services, comme dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration ou dans les petites manufactures. Il s'agit des jobs les moins payées, les plus dures et les moins organisés syndicalement. Lorsqu'une personne immigrante arrive au pays, elle prend le premier emploi qui passe, malgré son haut niveau d'instruction. C'est une question de survie.

Maintenant, il y a des formes de discrimination systémique dans des secteurs d'emplois où on ne retrouve aucune personne des minorités visibles, ici même au Québec, alors que nous représentons 6% de la population. Déjà, les statistiques du gouvernement du Québec reconnaissent, malgré les lois soi-disant progressistes d'équité en emploi, que nous sommes seulement 2% dans la fonction publique.

Pour changer les choses, la seule force que les minorités visibles peuvent utiliser pour essayer de briser ces barrières, c'est le syndicat. Nous voulons que les syndicats se décident à mettre à leur agenda politique notre problématique comme les TCA-Québec le font.

AJ0 Pourquoi les TCA-Québec ont-ils compris cette problématique?

Romiald Anthony0 Avant d'être une personne de couleur, je suis d'abord et avant tout un militant syndicaliste. Les membres de ma section locale m'ont élu pour mes compétences et mes convictions et non pour la couleur de ma peau. J'ai la chance d'appartenir aux TCA-Québec et d'avoir un directeur syndical comme Luc Desnoyers, qui croit en l'égalité des droits humains et qui nous aide beaucoup.

Il faut réussir à organiser les salariés des minorités visibles sans créer deux classes de travailleurs, car la problématique des minorités rejoint la lutte de tous les travailleurs. C'est connu, les patrons essaient de nous diviser sur notre couleur de peau. Diviser pour régner! C'est comme ça que le capital a toujours fonctionné.

Il y a du travail de sensibilisation à faire auprès des travailleurs pour ne pas qu'ils fassent le jeu du capital, leur faire comprendre que si c'est nous qui subissont en premier l'exploitation des patrons, ils viennent après. En tant que syndicaliste, ma lutte en est une pour la dignité de la classe travailleuse. Blanc ou noir, c'est ensemble qu'on est forts!

AJ0 Pour tenir compte de la réalité des salariés d'aujourd'hui et de la représentativité de la société dans la fonction publique, que faudrait-il faire?

Romiald Anthony0 Il y a déjà des mesures législatives qui ont été prises, mais ce qu'il faut, c'est de la volonté politique. Tous les syndicats, tous les partis politiques tiennent des beaux discours, qui ne sont pas traduits dans la réalité. Au cours de ces dix dernières années, nous représentons seulement 2% de la fonction publique alors que le gouvernement avait promis que nous atteindrions 6%. .Nous voulons être intégrés et considérés comme membres à part entière de la communauté québécoise et en terminer avec les ghettos.