Nous sommes libres... en autant que le permettent les lois anglaises !

 

Dans la Proclamation Royale de 1763 par laquelle la Nouvelle-France était cédée à l'Angleterre, il est écrit que les droits des francophones sont reconnus en autant que le permettent les lois anglaises .

Depuis, l'élasticité de notre dépendance dépend des vicissitudes de l'histoire et de la géopolitique. Après la Conquête, le rapport démographique défavorable à la puissance coloniale - 3 500 soldats pour maintenir assujettie une population de 65 000 francophones - et surtout l'imminence de la Révolution américaine obligent l'Angleterre aux concessions (libertés religieuses, droit civil) inscrites dans l'Acte de Québec (1774) qui, d'autre part, rétablissait le Québec dans ses anciennes frontières en y réintégrant le Golfe Saint-Laurent et la région des Grands Lacs.

Au détour, toujours l'armée

Cela n'a cependant pas empêché le conquérant de réprimer toute velléité d'indépendance, au besoin par la force armée 0 d'abord en 1837-1838 lors du soulèvement des Patriotes, puis au lendemain de la Confédération lorsque se profile au Manitoba, avec les Métis de Louis Riel, la perspective de la création d'une deuxième province francophone.

En 1918, la troupe est dépêchée au Québec pour mater le mouvement contre la conscription, qui trouve ses racines dans la lutte contre le Règlement 17 en Ontario qui imposait aux francophones l'anglais comme langue d'enseignement. Enfin, en 1970, le Parlement canadien adopte la Loi des mesures de guerre pour écraser le mouvement populaire d'une révolution de moins en moins tranquille .

Toujours des règles démocratiques claires

Entre deux interventions armées, le conquérant modifie les règles démocratiques au gré des besoins. En 1791, on accorde un parlement séparé aux loyalistes pour empêcher leur soumission à la majorité francophone mais, en 1840, le reversement démographique fait découvrir aux anglos le Rep by Pop . Ils nous imposent l'Acte d'Union, avec en primes les dettes du Haut-Canada.

Avec la Confédération de 1867, notre statut minoritaire est définitivement scellé, sans que la population soit consultée. En fait, les minces droits qui nous sont reconnus ne l'ont été, une nouvelle fois, uniquement à cause de la menace annexionniste américaine. Furieux de l'appui de la Grande-Bretagne aux forces sudistes lors de la Guerre de Sécession (1861-1865), les Yankees envisagent, comme le déclare le New York Herald en février 1863 l'annexion du Canada paisiblement si possible, de force si nécessaire .

Ils peuvent compter sur l'appui des marchands anglophones de Montréal qui, après avoir incendié le Parlement en 1842 pour protester contre un projet de loi indemnisant les Patriotes, réclament maintenant l'annexion aux États-Unis. Le gouverneur général Lord Elgin plaide alors en faveur de la mise au rancart temporaire des recommandations assimilatrices de Lord Durham en disant 0 Le sentiment de nationalité canadien-français... peut encore, si l'on sait l'utiliser, fournir la meilleure sauvegarde qui reste contre l'annexion aux États-Unis .

L'heure de vérité a sonné

Après avoir tenté sans succès de nous enfoncer dans la gorge le rapatriement de la Constitution en 1982, le gouvernement canadien nous offre pour le nouveau millénaire une camisole de force référendaire. Tant qu'ils pensaient que nous ne pouvions gagner, les fédéralistes nous ont laissé voter. Mais, sachant n'avoir gagné en 1995 que par la tricherie, en manipulant les lois d'immigration comme cela vient d'être prouvé, ils ne veulent pas un troisième référendum.

L'heure de vérité a sonné. Maintenant que la classe d'affaires canadienne a complété son intégration à la bourgeoisie américaine à la faveur du libre échange, il n'y a pas plus, comme en 1774 ou en 1867, de motifs justifiant de nouvelles concessions au Québec.

Plus besoin de faire croire que le Canada est issu d'un soi-disant pacte entre deux nations, entre deux peuples fondateurs . Notre réalité historique éclate au grand jour 0 nous sommes un peuple conquis.

Notre destin sera désormais tributaire d'une question et d'une majorité claires - comme le stipule la loi C-20 - définies par la Chambre des communes en tenant compte de l'avis des partis d'opposition à Québec (c'est-à-dire essentiellement de la minorité anglophone), de l'avis des autres provinces et autres territoires, du Sénat et de tout autre avis qu'elle estime pertinent !

Ça ne peut être plus clair ! Nous sommes libres... en autant que le permettent les lois anglaises !