Plus d'entente avec Coke à l'UQÀM

 


Les étudiants triomphent



Le conseil d'administration de l'UQÀM a décidé, le 12 janvier dernier, de rompre les négociations avec Coca-Cola sur l'entente d'exclusivité qui devait s'étendre sur 10 ans. Les manifestations et la mobilisation des étudiants ont pesé lourd dans la balance.

Un contrat de fidélisation

Le contrat que l'UQÀM s'apprêtait à signer avec Coke était d'une durée de 10 ans. La compagnie déboursait 500 000 $ par année, soit 0,25% du budget de l'UQÀM afin d'avoir l'exclusivité sur les boissons non-alcoolisées. La multinationale comptait augmenter ses ventes de 130%. Si l'objectif de vente n'était pas atteint après dix ans, aux termes du contrat, Coca-Cola bénéficiait gratuitement d'une prolongation de contrat de deux ans. Le nombre de machines distributrices devait tripler et les prix augmenter.

Lors de l'annonce de l'entente de fidélisation entre Coca-Cola et l'UQÀM, la rectrice Mme Paule Leduc, avait bien spécifié qu'elle tiendrait compte de l'avis des étudiantEs lors de sa décision finale. Pourtant, malgré le fait que la majorité des étudiantEs et des syndicats de l'UQÀM se soient prononcés contre l'entente, la rectrice a tout de même donné, le 19 octobre dernier, mandat à son conseil d'administration de négocier avec Coke, soulevant ainsi un tollé.

Des actions

Plusieurs actions ont été prises afin de dénoncer le mercantilisme américain que symbolise Coke. Trois actions majeures ont été entreprises, souligne Daniel Vigneault, responsable général de l'AGEsshalcUQAM (Association générale des secteurs sciences humaines, arts, lettres et communication) ce qui a fini par faire plier la rectrice.

Premièrement, une levée de cours a été décrétée les 23 et 24 novembre par les étudiantEs de sociologie, d'histoire et de politique. Au cours de la deuxième journée, les étudiantEs de sociologie, de politique et d'histoire ont décidé de manifester leur mécontentement à l'extérieur des murs de l'UQÀM. Ils ont d'abord bloqué les rues Saint-Denis et Sainte-Catherine, brandissant de longues guirlandes constituées de canettes de Coca-Cola. Ils ont ensuite manifesté dans les rues du centre-ville. Revenus à leur point de départ, un comité d'accueil comme on sait en réserver à ceux qui contestent, les attendait de pied ferme, matraque à la main.

Collusion avec les policiers

Malgré la proximité des portes de l'UQÀM, les étudiants n'ont pu s'y réfugier. En effet, comme par magie, les portes de l'université se sont verrouillées lors de l'arrivé de l'anti-émeute. Cette manifestation pacifique s'est soldée par 66 arrestations. Les manifestantEs comparaîtront au début de l'été afin de décider si des charges seront retenues contre eux pour avoir troublé la paix et pour attroupement illégal.

Ce sont ces arrestations et la manière cavalière dont l'UQÀM a traité cette affaire qui a mis le feu aux poudres souligne Daniel Vigneault. Les étudiantEs ont commencé à se poser de sérieuses questions par rapport à toute cette affaire. Deux autres manifestations ont donc eu lieu pour réclamer la fin de la négociation avec Coke et la démission de la rectrice Paule Leduc. Face à ces pressions, la rectrice a décidé de reculer.

Bien, sûr, il y a des étudiantEs qui sont en désaccord avec ce recul, explique Daniel Vigneault. Certains viennent chialer aux portes de l'Asso parce qu'ils trouvent qu'on a craché pour rien sur l'argent de Coca-Cola. Mais le financement, surtout versé en bourses, était vraiment minime pour la majorité des étudiantEs. De plus, on a réussi à prouver que, la mobilisation, ça donne des résultats. Mettre de la pression, ça marche si on ne lâche pas son bout et ce, même devant une multinationale multimillionnaire comme Coca-Cola! s'exclame Daniel Vigneault.

La morale de cette histoire0 l'UQÀM, en reculant à cause de la mobilisation de ses étudiantEs fera peut-être jurisprudence en la matière. Plusieurs autres campus universitaires et collégiaux se sont fait passer sous le nez des ententes avec lesquelles ils n'étaient pas d'accord. Espérons que, maintenant, ils sauront qu'unis, il peuvent avoir du poids et de l'influence sur les décisions prises et qui les concernent en tout premier lieu.|186| 
727|Louise Beaudouin|Pierre Dubuc|

La têteuse du mois



Nous inaugurons, avec le millénaire, un nouveau concours pour nommer le têteux ou la têteuse du mois. Vous êtes invités, cherEs lecteurs et lectrices, à y participer en soumettant par courriel, fax ou par la poste vos candidatEs tout en motivant votre choix avec un très court texte.

Un comité spécial secret nommé par l'aut' journal choisira, en toute objectivité, parmi les candidatures soumises, le têteux ou la têteuse du mois. À chaque mois, un tirage sera effectué parmi tous ceux et celles qui auront participé et le ou la gagnantE recevra le Manifeste pour un revenu de citoyenneté et Pour réduire le déficit démocratique0 le scrutin proportionnel, deux publications de l'aut'journal.

La gagnante

Notre première récipiendaire est nulle autre que Louise Beaudouin, la ministre responsable de la Commission de toponymie, pour sa déclaration en faveur du retour à la dénomination originale du pont Papineau-Leblanc. La ministre a alors déclaré, selon La Presse du 15 janvier, L'ancien sénateur Rizzuto mérite beaucoup mieux.

Mieux que le pont Papineau-Leblanc? Le pont Jacques-Cartier peut-être? Ou encore le pont Champlain? Mais sûrement pas le pont Victoria, les Anglais n'aimeraient pas ça!

En 2e place

Était également en nomination ce mois-ci, le pdg du Festival du film du Monde, Serge Losique, pour sa déclaration appuyant la nomination de Roger D. Landry sur le jury du FFM. Je veux rendre hommage au public de Montréal, le plus raffiné du monde, et Roger sera le représentant du public sur ce jury . (La Presse, 22/01/00). Comme nous sommes les meilleurs raffinés, nous allons sans doute accepter l'augmentation des prix que Losique semble nous préparer et qui de mieux que l'inventeur de Youppi pour nous représenter! Vive le Temps des Bouffons!

Troisième sur le podium

On ne pouvait évidemment pas passer sous silence tous les journalistes sportifs, et au premier chef Réjean Tremblay, qui ont appuyé le plan Manley de subventions aux équipes de hockey professionnel.|186| 
728| J'espère que les jeunes tomberont en amour avec ce couple – Luc Picard|Pierre Dubuc|

Entrevue avec Luc Picard



Attrapé au vol entre deux journées de tournage du film sur les Patriotes de Falardeau, le comédien Luc Picard nous parle de ses attentes sur la série Chartrand et Simonne, du personnage Chartrand, de la jeunesse et de ses projets.

Je souhaite, nous dit Luc Picard, que la série ait un impact, particulièrement chez les jeunes. J'espère que les jeunes tomberont en amour avec le couple Michel et Simonne . Bien entendu, Luc voudrait qu'ils retiennent la leçon d'histoire et de politique, mais encore plus la leçon de vie de ce couple engagé. Qu'on réalise, dit-il, qu'avec peu de moyens, en travaillant avec les autres, on peut faire bouger des choses.

Luc Picard porte un regard très critique sur les décennies 1980 et 1990. On a abdiqué individuellement. On a perdu le sens de la communauté. Ce fut le “Me, Myself and I”. On a perdu la notion de savoir combien il était utile, mais également stimulant de s'impliquer. J'espère que la série redonnera le goût de s'impliquer, de faire sa part, de prendre partie.

À partir du moment, poursuit-il, où tu prends tes responsabilités dans la société, vient avec cela un certain pouvoir. Nous ne sommes pas toujours obligés de nous prendre pour des victimes, on peut aussi s'impliquer . C'est, selon lui, un des messages forts de la série.

Chartrand a un talent pour la vie

Qu'est-ce que Luc Picard a découvert sur Michel Chartrand en préparant et réalisant la série ? Peut-être pas énormément de choses au plan politique, parce que Luc est féru d'histoire et de politique. J'ignorais cependant, reconnaît-il, l'association entre Chartrand et Drapeau au cours des années 1950 .

Au plan humain, enchaîne-t-il, j'ai pleinement réalisé son amour de la poésie, de la musique, son sens artistique. Plus encore son amour de la vie. Il résume bien le personnage en disant 0 Je dirais que Michel a un talent pour la vie.

Il ajoute qu'il a été impressionné par l'être politique. C'est un être politique à temps plein. Il voit toute la vie sous un œil politique, toujours dans le contexte du bien commun .

Comment expliquer que Michel Chartrand, à 83 ans, soit une référence incontournable ? Picard répond 0 C'est sûr que c'est un personnage coloré, populaire, un orateur habile. Mais c'est surtout parce que ses convictions ne se sont jamais démenties. Il n'a jamais ramolli. Il n'est pas devenu blasé, ne s'est pas désintéressé de la société. Il est toujours un lutteur aussi acharné. Les gens finissent par respecter un tel engagement. Ça les impressionne .

Enfin, une série télévisée politique

Luc attend beaucoup de la série. Avec un peu de chance, un million 500 mille personnes vont regarder cela, c'est beaucoup, ça peut avoir un impact . Jusqu'ici les critiques des journalistes qui ont visionné la série sont bonnes mais, prudent, Luc attend le jugement du public.

Il souligne avec raison qu'on fait rarement de séries politiques à la télévision. On fait des films politiques, mais il y a peu de monde qui vont les voir. Une série télévisée, c'est différent .

Peut-on s'attendre à une suite à Chartrand et Simonne qui traiterait des années 1960 et 1970. À Radio-Canada, on aurait laissé entendre qu'on aimerait un autre point de vue sur ces années . Luc avoue ne pas connaître les raisons profondes du peu d'intérêt manifesté par la société d'État canadienne. Politiques ? Économiques ?

Est-ce parce qu'ils ne veulent pas se rendre jusqu'aux événements d'Octobre 70 ? Octobre, j'ai remarqué, c'est toujours délicat. lance-t-il. Ou peut-être ne veulent-ils plus de séries coûteuses, maintenant qu'ils se sont rendus compte qu'ils pouvaient aller chercher des cotes d'écoute avec des séries peu chères, tournées vite ?

En attendant, Luc se consacre au cinéma. Il tourne présentement dans le film sur les Patriotes de Falardeau, avec lequel il a déjà tourné Octobre. Par la suite, un autre projet de film l'attend. Un bon scénario, dit-il. Ça se passe dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve au cours des années 1940-1950. Ça s'appelle La femme qui boit. Un film de Bernard Emond.

Au cinéma, au théâtre, Luc aime choisir des projets à contenu social mais, dit-il 0 Ça reste peu de choses. Je devrais me botter le cul et m'impliquer encore plus dans la société .

À n'en pas douter, la série Chartrand et Simonne aura un impact social.

La moue de Chartrand

Bien que son souvenir le plus lointain de Michel Chartrand en soit l'imitation qu'en faisaient les Cyniques, la prestation que Luc Picard donne de Chartrand est aux antipodes de l'imitation, de l'avis de tous ceux qui ont visionné la série. Comment avoir pu rendre crédible un personnage connu en évitant le piège de la caricature ?

Luc Picard en donne d'abord le crédit aux conditions de tournage. Le scénario était bon. J'étais bien entouré avec Alain Chartrand et Hélène Cailher et nous avions le temps de bien faire les choses. De plus, ajoute-t-il, comme j'ai tendance à croire aux mêmes choses que Michel, ça aide !

Malgré tout, il reconnaît qu'il n'est pas facile pour un acteur de personnifier quelqu'un de connu. Bien sûr, il a consulté des documents d'archives, lu sur son personnage, mais, confie-t-il, le souper que j'ai pris en sa compagnie a été plus important que toutes les cassettes visionnées .

C'est là que j'ai saisi le genre d'énergie qui l'animait, son bouillonnement intérieur . Pour lui, là était l'essentiel. Il faut d'abord le ressentir de l'intérieur. Une fois que tu peux pénétrer dans cet état, cet espace, le reste est plus facile. Pour les discours, l'intonation, c'est comme parler avec un accent étranger, l'accent marseillais, par exemple. Il ne faut pas que tu t'arrêtes à chaque mot. Il faut que tu te laisses aller sans penser à l'exécution .

Cependant, pour que le personnage soit crédible, il fallait bien s'approprier certaines de ses mimiques caractéristiques. Luc me parle d'une d'entre elles que tous ceux qui fréquentent Michel Chartrand reconnaîtront facilement 0 J'ai remarqué que Michel faisait souvent la moue avec sa bouche, tout en regardant vers le sol. Il t'écoute, souvent ne te laisse pas finir, et là il explose. J'ai pogné ça lors du souper que nous avons pris ensemble.