Près de 13 000 membres de l'Action des patriotes gaspésiens disent non, c'est assez !

 


Faudra-t-il exproprier les habitants de la Gaspésie comme on l'a fait pour le parc national Forillon ?



Le Club de conférences du Centre d'études collégiales de Carleton recevait le 16 février dernier Gaston Langlais, le principal porte-parole de l'Action des patriotes gaspésiens. Ce mouvement a été formé suite aux fermetures de la mine de cuivre de Murdochville et de la papeterie Gaspésia de Chandler. Des Gaspésiens, jusque là calmes et dociles, se sont mis en colère et, fort de l'appui de nombreux membres, dénoncent vertement nos deux paliers de gouvernements pour avoir planifié le génocide économique de la Gaspésie.

Selon Jules Bélanger - un précieux témoin de l'histoire de la Gaspésie -, les Gaspésiens acceptent trop facilement, comme naturellement, par habitude, leur immémoriale situation de parents pauvres. Notre histoire, dit-il, montre bien que nos richesses naturelles ont toujours été exploitées au profit des autres et qu'ainsi nos gens ont à peu près toujours été réduits et maintenus dans la pénible condition de cheap labour, de servitude et de pauvreté, sinon de réel servage1. L'Action des patriotes gaspésiens entend mettre fin à cette situation. Pour ce faire, ce mouvement compte utiliser toutes les tribunes disponibles pour dénoncer, haut et fort, les injustices du passé et du présent. Et Gaston Langlais ne se gêne pas pour écorcher au passage ministres, sous-ministres et fonctionnaires, tous complices du génocide économique de la Gaspésie.

Affamer la Gaspésie pour nourrir les grands centres urbains

Depuis les années 70, dans la foulée du rapport Higgins-Raynauld-Martin commandé par Québec et financé par Ottawa, les gouvernements et les fonctionnaires ont orienté leurs décisions sur la base du raisonnement suivant 0 L'investissement dans l'économie globale du Québec, explique Gaston Langlais, passe par le renforcement de l'espace économique de Montréal. Selon cette conception, une entreprise qui s'établit à Montréal rend plus service aux Gaspésiens que si elle s'établit en Gaspésie, ajoute-t-il. Les gouvernements n'investiront pas dans le développement économique régional, car cela pourrait inciter des entreprises à venir s'installer en Gaspésie, au détriment de Montréal.

Dans les régions, poursuit Gaston Langlais, les gouvernements investissent seulement dans le secteur de la santé parce qu'il faut soigner les gens, dans le secteur de l'éducation parce que ça permet aux jeunes plus éduqués de sortir de la région et, enfin, dans le domaine des communications parce que, pour appliquer une saloperie comme le plan Higgins-Raynauld-Martin, il faut être capable de communiquer. Selon cet homme d'affaires et professeur d'administration, le but ultime, une fois ce plan machiavélique réalisé, est de réduire la Gaspésie à une population de vieillards, de malades, de gens mal éduqués et de paresseux. Mais déjà, c'est ainsi que les fonctionnaires perçoivent les Gaspésiens. Encore quelques années et ils auront raison d'eux.

Des actions pour obtenir le respect et la liberté

Pour obtenir le respect, le mouvement compte sur la reconnaissance internationale. Un dossier, dans lequel il dénonce toutes les injustices subies, sera déposé devant la Cour internationale de Genève, d'ici 6 ou 7 semaines. À partir du moment où les injustices seront reconnues, les deux paliers de gouvernement vont nous respecter et nous demander ce qui est bon pour nous. À l'heure actuelle, tout est décidé à l'extérieur de la Gaspésie. La seconde démarche consiste à intenter un recours collectif de 15 milliards $ contre les gouvernements au nom de tous les Gaspésiens. Enfin, la fin du génocide économique permettrait de freiner l'exode de la population et de retrouver la liberté de vivre en cette terre.

Pour conclure sa conférence, Gaston Langlais cite un théologien allemand 0 Le premier acte de lâcheté réside dans le silence. Au-delà de la lâcheté, le silence est un cautionnement tacite aux actions des équarrisseurs de liberté. Un nombre de plus en plus élevé de Gaspésiens se reconnaissent dans l'Action des patriotes et, ainsi, se font entendre.

Un tableau peu reluisant

En effet, la situation est dramatique. L'avenir démographique de la Gaspésie est loin d'être assuré puisque, selon l'estimation de Gaston Langlais, cette région perdra 30 % de ses habitants d'ici 15 ans. On peut imaginer aisément toutes les conséquences que cela entraînera 0 services municipaux réduits et plus coûteux, fermetures d'école, baisse des valeurs immobilières, commerces qui opèrent à perte, diminution des contrats de construction, etc.

Les impacts sur le marché du travail sont dévastateurs. Gaston Langlais évalue aux deux tiers la proportion de Gaspésiens en chômage, inactifs ou dépendants de l'aide sociale. Il s'agit là d'un gaspillage éhonté du talent gaspésien, s'indigne-t-il devant plus de 150 personnes. Et quand vient le moment d'ouvrir un poste en Gaspésie, les fonctionnaires prétendent ne pas y trouver de gens compétents. Gaston Langlais cite en exemple un cas semblable à Gaspé 0 On a donné ça à une fille de Québec qui recevait 70 000 $ par année et 400 $ par semaine en prime d'éloignement. Elle gagnait plus en prime d'éloignement que bien des professionnels en Gaspésie. Quand nous avons dénoncé cette situation dans les journaux ils ont, comme par hasard, trouvé quelqu'un de très compétent à Gaspé.

Tant que les Gaspésiens ne seront pas respectés, aucun projet structurant ne naîtra en Gaspésie. Selon l'Action des patriotes gaspésiens, les projets qui ne débloquent pas sont nombreux 0 la cimenterie de Port-Daniel, l'agrandissement de l'aéroport de Gaspé, la décentralisation des pêches, le dossier des éoliennes à Val-d'Espoir, la Gaspésia, etc.

1. Jules Bélanger, Ma Gaspésie 0 le combat d'un éducateur, Montréal, Fides, 1993, p. 61.|187| 
707|Les cadres jouent les scabs|Jacques Larue-Langlois|

À propos de la grève à Radio-Canada



À la Société Radio-Canada, ce sont les cadres qui, agissant comme scabs, accomplissaient les tâches habituellement dévolues aux techniciens, en grève du 31 décembre au 3 février dernier, assurant la production d'un certain nombre d'émissions en dépit du conflit de travail.

En agissant ainsi, ils atténuaient considérablement les effets qui auraient pu découler d'un gel complet des activités de production à la SRC. On peut croire qu'une consigne intersyndicale d'appui aux grévistes aurait eu nettement plus de mordant, à condition, bien entendu, qu'elle soit respectée par les syndicats frères de la Maison.

...et se bourrent les poches

Ce qu'il faut savoir, c'est que les petits boss en question n'ont pas accompli toutes ces tâches gratuitement, bien au contraire. Ces personnes étaient payées 48$ l'heure, en surcroît de leurs salaires de cadres, pour jouer les briseurs de grève et permettre de prolonger le conflit jusqu'à ce que les techniciens ne cèdent. Lorsque leurs fonctions de briseurs de grève devaient comporter des heures de travail de nuit, ils touchaient en outre une surprime de 15$ l'heure. Après plus d'un mois de travail supplémentaire forcé, certains de ces cadres commençaient à ressentir la fatigue mais tous semblaient très heureux de la situation, qui leur a permis de se bourrer les poches sur le dos de grévistes légitimes.

Les autres syndicats ne se prononcent pas

Quant aux réalisateurs, ils n'ont rien fait, collectivement ou même individuellement, pour appuyer leurs collègues en arrêt de travail et ont accepté de fonctionner avec des techniciens-cadres souvent peu aguerris aux techniques nouvelles. Si nous sommes tenus d'accepter ce mode de fonctionnement, déclarait à l'occasion du conflit, la présidente de l'Association des réalisateurs de télévision de Radio-Canada, Nicole Tremblay, nous n'avons en aucune façon à leur apprendre leur travail et nous fonctionnons avec eux exactement comme nous le ferions avec les techniciens membres du syndicat en grève. L'Association des réalisateurs de télévision justifie son attitude en rappelant que la loi (le Code du travail) nous oblige à rentrer au travail en dépit du piquetage d'un autre syndicat mais non pas de faire le travail des syndiqués en grève. (Nicole Tremblay)

Le précédent existait pourtant

Il y a 40 ans, le 31 décembre 1959, les réalisateurs de télévision de la même Société Radio-Canada ont déclenché une grève pour réclamer l'autorisation de signer une première convention collective. Cela se passait quatre mois après la mort de Maurice Duplessis et les historiens récents considèrent ce geste comme un moment charnière, précurseur de la Révolution tranquille. À cette époque, les techniciens, déjà membres d'un syndicat, avaient - sauf quelques exceptions têteuses - appuyé le geste des réalisateurs, refusant de franchir les piquets de grève et de rentrer au travail. Du côtoiement, sans dimension hiérarchique, des réalisateurs et des techniciens à l'extérieur des lieux de travail, sont nées des collaborations fondées sur la solidarité dont le produit télévisé ultérieurement - et donc les téléspectateurs - ont bénéficié amplement. Le sentiment, chez tous les artisans de la télévision d'alors, de mettre ensemble l'épaule à la roue fut sans doute en partie responsable des plus belles années de productions télévisuelles à Radio-Canada.

Il aurait semblé logique que les réalisateurs rendent aujourd'hui la pareille à leurs collègues techniciens. Une semblable manifestation d'appui aurait peut-être pu ultimement - qui sait ? - aider la SRC à faire face aux nouveaux défis que lui imposaient, il y a quelques semaines, le CRTC. Hélas, la belle solidarité syndicale d'antan est maintenant chose du passé. De nos jours des lois que nous ont votées des députés - lesquels, sommes-nous portés à croire, seraient plutôt dans le camp des possédants - empêchent les syndiqués de s'unir contre les patrons. Désormais, c'est chacun pour soi. L'esprit de solidarité qui a permis jadis au Québec de franchir en quelques années des pas de géant sur le plan social, semble bel et bien mort. Et il ne suffit pas de le déplorer vivement 0 il importe au contraire de tenter un retour à la solidarité intersyndicale d'antan.|187| 
708|Ni squeege, ni jeune cadre|Pierre Dubuc|Les deux photos de jeunes qui figuraient dans la double page frontispice de l'édition du 17 février du journal Voir - et que nous reproduisons à la une de ce journal - illustrent parfaitement bien la façon dont les médias ont manipulé l'image de la jeunesse lors de la préparation du Sommet du Québec et de la jeunesse. Les jeunes seraient ou squeege ou jeune cadre et les titres de Voir nous invitent à considérer les premiers comme étant la perception et les deuxièmes la réalité de la jeunesse.

Voir ne fait que participer à l'offensive médiatique entourant le Sommet de la jeunesse qui vise à remplacer l'image misérabiliste qu'on a accolé à la jeunesse au cours des dernières années par l'image plus rafraîchissante du jeune cadre. L'élite baby-boomer québécoise voit l'âge de la retraite approchée et sent le besoin de préparer la relève de la garde. Le Sommet est l'occasion fournie à des jeunes, triés sur le volet et solidement encadrés par une majorité d'aînés, de faire leurs preuves .

D'un Fonds à l'autre

Les discussions relatives au remplacement du Fonds de lutte à la pauvreté par un Fonds de lutte pour l'entreprise sont significatives du changement de cap. Dehors les exclus, vive les jeunes cadres. Il faut passer à autre chose , disait le Gros Bérard de la Banque nationale, pour justifier le remplacement d'un Fonds par l'autre.

Des jeunes cadres en puissance, on en a vu défiler devant les caméras de télévision. Habilement, ils utilisent, d'une part, les manifestations des exclus pour appuyer leurs revendications et, d'autre part, font la cour au patronat en demandant que les surplus budgétaires soient affectés à la réduction de la dette.

Ce n'est pas que la question de la dette ne soit pas importante, mais plutôt que de réclamer un moratoire ou une réforme de la fiscalité qui ferait payer les mieux nantis - ce dont ils se gardent bien - ils proposent plutôt de détourner vers le service de la dette une partie de l'argent qui devrait de toute urgence être investi dans la santé, l'éducation, les services sociaux, la culture, etc.

L'argument démographique

L'argument démographique est l'argument-massue du ces groupes et du gouvernement. À les croire, la Révolution tranquille s'expliquerait par l'importance numérique des baby-boomers et le déclin démographique présagerait d'une charge insupportable pour les jeunes d'aujourd'hui.

La force du nombre est certes une donnée importante, mais n'explique pas tout. Loin de là. On oublie que les générations qui ont précédé celle des baby-boomers étaient numériquement plus importantes au Québec.

Notre taux de natalité a déjà été un des plus élevés au monde, mais scurieusement cela ne s'est pas traduit à l'époque par l'introduction de mesures sociales progressistes. La conséquence en a plutôt été une émigration massive vers les États-Unis. Rappelons qu'au début du XXe siècle, plus d'un million de Québécois et de Québécoises ont traversé la frontière pour aller s'échiner sur les machines à textile des États de la Nouvelle-Angleterre.

De l'État-providence au néolibéralisme

La Révolution tranquille n'était pas le résultat d'un conflit de générations, mais de la lutte combinée de plusieurs forces sociales, dont au premier chef le mouvement ouvrier, et elle est incompréhensible si on ne la replace pas dans le contexte global des années d'expansion économique de l'après-guerre, les Trente Glorieuses.(voir la Chronique de l'An zéro en page 21)

De même, l'exclusion sociale, la précarité et la pauvreté ne sont pas à mettre sur le dos d'une génération, celle des baby-boomers, mais découlent d'une conjoncture économique et, surtout, d'un changement majeur de politique des classes dirigeantes des pays industrialisés à partir des années 1980.

Le recours intensif à la sous-traitance, la délocalisation des entreprises vers les pays du tiers-monde, ne sont pas le résultat d'impératifs économiques, mais de choix politiques délibérés du patronat en vue de casser le mouvement ouvrier organisé.

Celui-ci a été pris de court par cette offensive. Il n'a pas mesuré l'ampleur du tournant qui s'opérait. Il n'a pas ou peu opposé de résistance collective à cette déclaration de guerre du patronat, croyant à tort qu'il ne s'agissait que d'un mauvais moment à passer. Il a même eu recours à des mesures peu judicieuses, comme les clauses orphelin, qui ont miné la solidarité syndicale.

Certes, les jeunes ont été les plus durement touchés par cette offensive sans précédent, mais l'appauvrissement, la précarité et l'exclusion traversent les générations. Parlez-en aux travailleuses de Bell, aux travailleurs de la Celanese ou de la Gaspésia.

La classe sans nom

Le Sommet de la jeunesse n'a pas pour but d'apporter des correctifs à cette situation. Les documents officiels sont imprégnés de l'idéologie néolibérale. Le rôle de l'État est dénigré, celui de l'entreprise est glorifié. L'État est invité à se mettre au service de l'intérêt personnel de ces jeunes cadres, de ces jeunes futurs entrepreneurs dont on laisse croire que les succès individuels sont garants de la réussite collective.

Cela au moment même où l'on voit les soi-disant entrepreneurs de la génération précédente, les Chagnon et Sirois, engraissés à même les fonds publics, céder leurs entreprises à des intérêts étrangers et se retirer avec des milliards dans leurs poches.

Les jeunes du Québec doivent avoir d'autres modèles sous les yeux que le squeege ou le jeune cadre. Après tout, la grande majorité des jeunes ne sont ni squeege, ni cadres. Elles et ils étudient ou travaillent dans des usines, des magasins, des bureaux, des entreprises de service.

Cette grande majorité fera partie demain d'une classe aujourd'hui sans nom, qu'on appelait hier la classe ouvrière. Des leaders doivent, le plus rapidement possible, en émerger pour lui redonner une âme et représenter ses intérêts et celles de tous les exclus de la société.|187| 
709|Le trafic mondial des femmes et des enfants|Élaine Audet| Ce n'est pas un hasard si les deux causes principales de la prostitution à l'échelle planétaire sont aussi les thèmes de la Marche mondiale des femmes en l'an 2000, soit la pauvreté et la violence. L'appauvrissement grandissant des femmes et la violence misogyne qu'elles subissent, de l'enfance à la mort, créent des conditions sans précédent pour l'expansion de la prostitution, de la pornographie et du tourisme sexuel.

Que peut bien signifier le beau mot de liberté quand il sert à justifier la prostitution et la pornographie ? Il s'agit plutôt de libéralisation du marché des femmes dont la Hollande, qui a décriminalisé la prostitution et la drogue, constitue le fer de lance. Avec l'effondrement de l'Union soviétique, les managers de l'industrie du sexe ont mis en branle un important trafic de femmes et de fillettes, de Russie et de Pologne vers l'Allema-gne et l'Europe occidentale. Des femmes souvent mineures sont soumises à la terreur, dépouillées de leurs papiers et droguées. Lorsqu'elles reprennent conscience, elles ne savent même pas dans quelle ville elles sont. On les déplace ainsi d'un pays à l'autre comme du bétail. Comment ne pas penser à la disparition de Julie Surprenant et de tant d'autres ?

Un vocabulaire trompeur tente de cacher qu'il s'agit d'esclavage et non de liberté sexuelle. On remplace liberté par droit des femmes à l'autodétermination, prostitution par travail sexuel et industrie du sexe. Ces termes modernes occultent complètement les rapports de domination qui sont à la base même de la prostitution et le principe universel de l'inviolabilité du corps humain. Les contraintes socio-économiques qui jettent tant de femmes et de fillettes dans les bras des trafiquants sont transformées en consentement de plein gré comme s'il s'agissait d'un choix de travail comme un autre. Plus aucune trace de la convention de 1949 qui stipule que la traite des êtres humains en vue de la prostitution est incompatible avec la dignité et la valeur de la personne humaine.

L'Occident souteneur

Le tourisme sexuel provient de 54 pays occidentaux, dont le Canada, qui contrôlent la plus grande part de la marchandisation des femmes et des fillettes. Le crime organisé est fortement impliqué dans cette lucrative industrie qui rapporte, en Thaïlande seulement, 1,5 milliard de dollars par an. Les filles ont si peu de valeur que, dans un nombre grandissant de pays, elles sont victimes d'avortements sélectifs, d'infanticide et vouées à la prostitution si elles veulent survivre. La libéralisation économique augmente le nombre d'hommes d'affaires et de vacanciers qui visitent des pays où les divertissements sexuels et surtout la prostitution infantile constituent le principal attrait touristique. Les fillettes commencent à se prostituer entre 9 et 13 ans et 50% à 80% d'entre elles consomment des stupéfiants.

Récemment, le Conseil canadien de développement social révélait que le Canada était devenu l'une des destinations les plus populaires pour le tourisme sexuel. Impossible cependant d'obtenir des chiffres et des faits précis. A-t-on fait disparaître l'information ? Même si le pays s'est doté d'une législation à portée extraterritoriale permettant de poursuivre devant ses tribunaux des ressortissants canadiens qui auraient commis des actes criminels à l'étranger, il n'a encore jamais employé cette législation jusqu'à aujourd'hui.

Sans consommateurs pas de prostitution

Comme il y a un lien entre la pauvreté et la prostitution, il y en a aussi un entre la tolérance envers la pornographie et l'augmentation de la pédophilie dans les garderies et dans la société en général. Si l'industrie du sexe prospère et tue chaque année un nombre incalculable de femmes et d'enfants du sida, d'une overdose ou des mains d'un client, c'est que partout au monde, il y a une demande croissante. Et cette demande provient d'hommes de toutes les origines ethniques et de toutes les classes sociales. La seule internationale viable est aujourd'hui celle du sexe et de l'argent. C'est contre cette internationale de la déshumanisation que nous marcherons, en dénonçant la complicité de la majorité silencieuse masculine qui continue à croire que ces services lui sont dus aux dépens de la dignité, de l'intégrité et souvent de la vie des femmes et des fillettes de plus en plus jeunes que les trafiquants ont asservies à leurs fins.

Sources 0 Marie-Victoire Louis, Le corps humain mis sur le marché, Le Monde diplomatique, mars 1997 et les documents du Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle commerciale des enfants et de ECPAT (End Child Prostitution in Asian Tourism).|187| 
710|La France se donne une loi, le Québec...?|Anne-Marie Tremblay|

Représentation politique



Au Québec, tous s'entendent pour miser sur l'éducation des femmes afin d'atteindre la parité politique. Pourtant, la France a innové en adoptant, le mois dernier, une loi sévère afin d'assurer l'égalité d'accès au pouvoir entres les femmes et les hommes. Le Québec, quant à lui, n'envisage pas de se tourner vers une solution législative et ce, même si le nombre de femmes au Parlement augmente à pas de tortue.

Différents partis, différents objectifs politiques, même vision. Que ce soit au niveau libéral, péquiste ou adéquiste, tous sont d'accord pour dire que la place de la femme est primordiale mais prétendent que les mesures de discrimination positive ne sont pas utiles dans leur parti.

Les partis politiques.

Au Parti québécois, les députés sont élus par la base, par les militants et non par l'etablishment. Tout le monde est considéré comme égal. On n'a donc pas besoin de quotas. affirme Bruno Pilotte, du comité d'action politique des femmes du Parti québécois.

Du côté libéral et de l'Action Démocratique, même son de cloche. Comme le souligne Jean-Luc Benoît, attaché de presse de Mario Dumont le débat n'a même pas été soulevé au parti, même pas par les femmes parce que l'ADQ laisse une chance égale à tout le monde. En plus, le parti n'est pas d'accord avec le principe de discrimination positive.

Pourtant, l'ADQ accuse un retard important dans la représentation des femmes. Lors des dernières élections en 1998, seulement 21 femmes se sont présentées sous l'égide de l'ADQ, ce qui représente environ 20% des candidats. Dans les autres partis, la moyenne tourne plutôt autour de 30%.

Hors partis.

Du côté des opposants, on ne retrouve pas que les partis. Les femmes elles-mêmes sont peu enclines à pencher vers cette solution. S'il y avait un référendum sur la parité, c'est sûr que je voterais oui. Mais je ne crois pas que ce soit la bonne solution pour assurer la représentation des femmes0 il faut que celles-ci soient intéressées à la politique avant tout! s'exclame Chantal Rondeau, professeure de politique à l'UQÀM et chercheuse à l'Institut de recherche en études féministes (IREF).

Pour Diane Lavallée, présidente du Conseil du statut de la femme, Ça fait tellement peu de temps que les femmes sont en politique que c'est normal qu'elles n'y soient pas plus présentes. En plus, c'est encore un milieu d'hommes que plusieurs femmes trouvent odieux.

Selon elle il faut plutôt axer sur l'éducation0 le premier pas des femmes vers le salon bleu, c'est de sortir de leur maison. Le Québec a donc choisi la route de la conscientisation et de l'éducation politique plutôt que celle des obligations, comme c'est le cas actuellement en France.

Même si, pour l'instant ça n'apporte qu'un changement infinitésimal, il ne faut pas arrêter de se battre. Ce n'est que dans dix ou quinze ans que la société québécoise pourra évaluer l'impact réel des actions posées aujourd'hui. Elle ajoute que, s'il n'y a pas de changements, il faudra prendre d'autres mesures, jusqu'à ce qu'une proportion égale d'hommes et de femmes soient représentés au pouvoir. Je ne penserai pas que je vis dans un pays démocratique tant qu'il n'y aura pas 51% ou 52% de femmes au parlement. précise-t-elle.|187| 
711|Pourquoi, à travers le monde, les femmes ont-elles choisi le 8 mars pour célébrer leurs luttes ?|Simone Monet-Chartrand|Présente au Congrès international des Femmes à Moscou en 1963, j'ai appris des déléguées de divers pays que c'est pour commémorer la lutte héroïque des femmes travailleuses américaines dans l'industrie du textile et du vêtement à New York, dans le Lower East Side.

En ce jour du 8 mars 1857, elles manifestèrent publiquement par une marche dans le quartier de l'usine contre la journée de travail de douze heures, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, d'hygiène, etc. Quand elles arrivèrent dans les quartiers riches, la police à cheval fonça sur les manifestantes ; plusieurs furent arrêtées, certaines furent blessées, piétinées dans la confusion qui s'ensuivit.

La même journée, le 8 mars, mais cinquante-et-un ans plus tard, en 1908, les travailleuses américaines de l'aiguille manifestent pour les mêmes raisons 0 heures de travail, salaires, etc. Mais, en plus, elles réclament le droit de vote. Cela se passait à New York encore.

En 1910, à Copenhague au Danemark, lors du Congrès du Mouvement international des femmes socialistes, Clara Zetkin, qui a été à la tête du mouvement dès le début des années 1890, puis dirigeante du Parti socialiste allemand, fait approuver une résolution présentée par des militantes américaines, proclamant le 8 mars Journée internationale des femmes en souvenir de la violente grève du textile à New York.

Il semble qu'il y ait eu consensus pour affirmer que c'est en 1911 que la journée du 8 mars fut proclamée Journée internationale des femmes. Cette journée, m'a-t-on dit, fut célébrée avec courage en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et aux États-Unis.

Puis, en 1914, un groupe de femmes politisées, dont Clara Zetkin (1857-1933), organise une manifestation à laquelle participent un millier de femmes pour protester contre la course à la guerre en Allemagne et l'arrestation de Rosa Luxembourg, militante socialiste.

Le 8 mars au Québec

Depuis la Deuxième guerre mondiale, l'après-guerre, la crise économique et la révolution tranquille au Québec, certains groupes de femmes, dont les femmes syndiquées, ont appris à combattre et à lutter contre toute forme d'exploitation.

Ici même, les groupes les plus diversifiés de femmes fêtent maintenant et de diverses façons, surtout depuis 1974, cette Journée internationale des femmes.

À mon retour de Moscou, fin d'été 1963, j'ai observé d'un autre oeil la scène politique québécoise, ainsi que les associations et revues féministes existantes.

Sur les entrefaites, à l'occasion du 8 mars, j'ai reçu, de la Ligue des femmes du Québec, une invitation à donner une conférence sur mes réflexions suite à mes contacts avec des groupes de femmes des pays de l'Est. J'ai accepté volontiers, heureuse de rencontrer des femmes immigrantes de ces pays, certaines devenues canadiennes ainsi que de nombreuses Québécoises militantes de gauche, Blanche Gélinas, mesdames Lebrun et Dubé, ainsi que Laurette Chrétien-Sloan, Dora Rochlin et Donia Miltsein, celle-ci venue avec moi au Congrès de Moscou.

Au Québec, plus particulièrement depuis le 8 mars 1974, les femmes des comités féminins des trois centrales syndicales ((CEQ-FTQ-CSN), des organismes sociaux ou communautaires convient toutes les femmes, ménagères et travailleuses, pour fêter cette journée qui leur est dédiée et ceci dans les différentes villes de la province 0 Québec, Thetford Mines, Saint-Georges-de-Beauce, Hull, Joliette, Schefferville, Sept-Iles, Paspébiac, Val d'Or, Montréal et Haute-Rive.

De 1974 à 1990

Nous continuons de revendiquer les droits des femmes de tout âge et de tous les milieux à travers des thèmes spécifiques à chaque année. Les moyens d'action prévus sont les échanges, la discussion, les exposés socio-politiques, les pétitions, les spectacles les fêtes populaires, etc.

Ces journées sont l'occasion de rencontres pour briser l'isolement des femmes qui a trop longtemps duré. Elles ont senti le besoin de se connaître et du même coup faire l'analyse de leur condition, de ses causes, pour pouvoir diriger leurs actions futures et amener un vrai changement des mentalités, des lois et des structures sociales.

Je souhaite que le 8 mars 1990 aide à mettre en commun nos connaissances, nos techniques de travail, nos ressources, nos idées et nos projets de façon positive.

Joyeux 8 mars !

(texte paru dans l'aut'journal no. 82, mars 1990)|187| 
712|Des marelles et des petites filles|Caroline Perron|

Entrevue avec la productrice Monique Simard



L'automne dernier, Des marelles et des petites filles, documentaire choc portant sur le sort de millions de petites filles à travers le monde réalisé par Marquise Lepage, récipiendaire du prix de l'Artiste pour la paix, sortait sur nos écrans et était également présenté à la télévision de Radio-Canada. Mais, celle qui a permis que ce très beau film puisse se faire, celle qui a été là depuis le tout début, c'est la productrice Monique Simard. Changement de cap pour cette ancienne syndicaliste et présidente du Parti Québécois ? Pas tout à fait, car Monique Simard revient à ses premières préoccupations0 les femmes.

Laj0 Quel a été le point de départ pour la réalisation de ce film ?

Monique Simard0 C'est en fait une idée de la journaliste Raymonde Provencher qui travaillait à l'émission Nord-Sud. Elle travaillait beaucoup à l'international et s'était rendue compte qu'on parlait peu de la situation des petites filles dans le monde, qui se retrouvent les dernières dans la chaîne de l'exploitation. À ce moment-là, en 1993, on travaillait toutes les deux à Télé-Québec et elle m'a demandé si je connaissais un producteur qui serait intéressé par ce sujet. Je lui ai donc proposé Marcel Simard, mon mari, qui produisait des documentaires à caractère social.

Cela a pris cinq ans pour trouver les sous afin de produire le film et Marquise Lepage a été engagée en 1996 pour le réaliser. C'est moi qui avait recommandé qu'on l'embauche, car elle avait fait un très beau film sur les enfants atteints de maladies incurables qui s'appelait Un soleil entre deux nuages. Je trouvais qu'elle avait une qualité rare0 celle de faire parler les enfants.

Laj0 Qu'est-ce qui vous intéressait le plus dans une telle démarche ?

M.S.0 Je m'implique dans la question des femmes depuis longtemps et je voulais, avec ce film, rappeler aux gens que c'était loin d'être fini. Ce qui m'horripile ces dernières années, c'est de voir les titres des journaux ou des magazines qui scandent The feminism is over, la parité est enfin acquise pour les femmes, etc. Moi, je voulais dire0 Un instant! C'est loin d'être acquis pour la majorité des femmes sur la planète !

Avec ce film, je voulais donc faire une déclaration politique et le cinéma était le meilleur médium pour rejoindre un public large. La force de Des marelles c'est de laisser la parole aux fillettes. Il n'y a que des intertitres avec des statistiques pour venir démontrer que ce qu'elles disent sont les conditions de la majorité d'entre elles.

Laj0 Quelles ont été les difficultés rencontrées tout au long de la réalisation du film ?

M.S.0 Ce sont les difficultés du documentaire, parce que la réalité change tous les jours. Lorsque Marquise a fait la recherche dans les différents pays, elle a rencontré des petites filles, mais deux ans après, elles n'étaient plus là. Comme on cherchait des petites filles qui existent malheureusement à des milliers d'exemplaires, on réussissait toujours à en retrouver une autre. L'autre difficulté était de trouver des fillettes qui étaient capables de s'exprimer, car pour elles, même avec notre petite équipe, c'était littéralement Hollywood qui débarquait chez elles et c'était assez intimidant. Dieu merci, elles étaient déjà embarquées dans le processus grâce au travail exceptionnel des recherchistes dans chaque pays, qui avaient fait les premiers contacts avec les petites. Concrètement, ce qui a été le plus difficile lors du tournage, c'est avec les petites prostituées en Thaïlande. D'ailleurs, je trouve que ça parait dans le film. Ce sont des enfants cassées, détruites et ça, on a trouvé ça très dur.

Laj0 Comment les petites filles réagissaient-elles pendant le tournage ?

M.S.0 C'est ça qui peut sembler paradoxal. Moi qui pensais qu'en côtoyant la misère, ce serait moralement déprimant, mais c'est le contraire 0 ces petites filles sont tellement adorables, courageuses et vivantes que l'on ne vivait pas ça comme un malheur. Ça aussi c'est bien transmis dans le film.

Il y a cependant quelque chose de commun que j'ai pu observer chez toutes ces petites filles0 leur joie de vivre. Celle des familles nombreuses, de la solidarité, de l'amour malgré la pauvreté et la misère. Je trouve qu'ici, cela n'est pas présent, il y a une blessure causée par l'exclusion de la société qui crée une grande solitude chez les enfants. On ne sentait pas cette solitude chez les fillettes que nous avons rencontrées.

Pendant le tournage, il y avait chez la plupart des petites une excitation folle d'être le centre d'attraction. Ça bouleversait leur vie et, en même temps, c'était très dur, car elles donnaient tout ce qu'elles avaient à donner. Ensuite, nous remballions nos caméras et nous avions un beau film. Moi, maintenant, j'essaie de les aider, par exemple en restant en contact avec elles, en envoyant des sous pour leur éducation, etc.

C'est clair, que le film ne changera pas le sort de toutes les petites filles; c'est un instrument de sensibilisation qui dit, qui témoigne de quelque chose. Il reste qu'il y a neuf fillettes qui ont participé, qui ont tout donné, et pour moi, il faut que ça puisse faire une différence dans leur vie personnelle.

Laj0 Est-ce que vous trouvez que les gouvernements se ferment les yeux sur le sort réservé aux petites filles dans le monde ? Par exemple, on pense aux touristes occidentaux, dont les Canadiens, qui pratiquent le tourisme sexuel avec des mineures en Thaïlande ou en République Dominicaine, etc.

M.S.0 Je crois que les gouvernements pourraient facilement faire comme en Allemagne par exemple, où on réglemente et on émet des sanctions aux consommateurs pris sur le fait. C'est encore malheureusement un autre effet négatif de la mondialisation. En Asie, par exemple, la population subit un véritable terrorisme économique, une pauvreté extrême, ce qui a forcé des millions de petites filles à se prostituer dans les rues. Il faut que les gens prennent conscience que la décision qu'on prend à l'OMC n'est pas une décision en l'air, neutre, sans conséquence. Au contraire, ça touche les enfants et surtout les fillettes qui devront travailler.

J'aimerais bien que le Canada, qui fait très bien son travail dans le domaine des mines antipersonnel, soit aussi le leader mondial dans le domaine de la lutte contre la prostitution infantile. Il faut qu'il soit conséquent 0 tu ne peux pas d'un coté désapprouver une situation et de l'autre, continuer comme si de rien n'était en appuyant des mesures qui vont accentuer l'abus sexuel et le travail forcé des enfants.

Laj0 Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté ou vous a appris ?

M.S. Moi, je le dis très franchement, participer à ce film a été une expérience très enrichissante du début à la fin, puisqu'elle arrivait à un moment important de ma vie. Découvrir ces petites filles-là, ça m'a aidé à remettre en perspective ce qui est important dans la vie, mes propres valeurs. Ça m'a permis de revenir à mes engagements fondamentaux à l'égard des femmes, des filles.

C'est pourquoi je suis très contente de travailler sur un nouveau projet de film qui s'intitule pour le moment 0  Ce que les femmes proposent dans le monde. En ce moment, je suis en train d'écrire un texte sur les femmes au Sénégal qui ont mené une lutte extraordinaire contre l'excision. Pour moi, c'est une suite à l'épisode bouleversant des Marelles, pour dire que les Africaines sont en train de prendre ça en main. Je trouve ça important qu'il y ait une cohérence politique avec des Marelles.

Des Marelles et des petites filles sera présenté le 8 mars prochain, à la Cinémathèque québécoise à 19h30.

Québécoises absentes

Laj0 Pourquoi avoir enlevé les témoignages des petites filles québécoises ? Il y a pourtant au Québec et au Canada, de la pauvreté, de la violence, de l'abus chez les enfants.

M.S.0 Nous ne voulions pas comparer des situations majoritaires avec des situations minoritaires. Les petites filles que nous avions choisies vivent des situations habituelles, majoritaires. Par exemple au Burkina Faso, quatre fillettes sur cinq sont excisées. En Inde, trois petites filles sur cinq commencent à travailler à 10 ans, etc. C'est vrai qu'ici, il y a des situations effrayantes, mais elles demeurent minoritaires.

Ici, ce que nous avons trouvé le plus bouleversant, ce sont les chiffres sur les agressions sexuelles0 84 % des abus sexuels sont commis sur des filles de moins de 18 ans et le tiers de ces agressions sont commises sur des fillettes de moins de six ans. C'est pourquoi nous avons trouvé important de le mettre en intertitre à la fin du film, car c'est encore un grave problème de société.|187| 
713|Le logement social, un besoin fondamental|Anne-Marie de la Sablonière|Le FRAPRU (Front d'action populaire en réaménagement urbain) revendique depuis 1998 auprès du gouvernement du Québec le financement de 8 000 nouveaux logements sociaux par année. Le volet québécois de la Marche mondiale des femmes en l'an 2000 porte maintenant cette revendication.

Au Québec, selon les données du recensement de 1996, 42% des ménages locataires consacraient plus de 30% de leur revenu au logement et alors que 22% en consacrait plus de la moitié.

Lorsque c'est une femme qui est le principal soutien financier, un ménage sur deux utilise plus de 30% de son revenu pour payer son logement et le loyer représente plus de 50% des dépenses.

On peut tenter d'expliquer la situation par plusieurs facteurs. D'abord, le revenu des femmes est en moyenne inférieur à celui des hommes ( 23 385$ comparativement à 30 950$). Aussi, les revenus n'ont pas suivi l'augmentation des prix des loyers. Par exemple, selon le FRAPRU, dans les années quatre-vingt, le revenu moyen des ménages locataires augmentait de 30% et les loyers de 62%. Cette inadéquation force le FRAPRU et la Marche des femmes, en plus de travailler à l'augmentation des revenus des femmes, à exiger le financement de plus de logements sociaux.

Les avantages du logement social

Qu'ils soient sous la forme de HLM, de coopératives d'habitation ou d'OSBL (organisme sans but lucratif d'habitation), les logements sociaux permettent aux ménages de ne pas consacrer plus de 25% de leur revenu pour se loger. De plus, le logement social est pour les femmes un pas vers l'implication. Les femmes ont voix au chapitre par rapport à la gestion de leur logement et peuvent ainsi avoir un meilleur contrôle sur leur milieu de vie.

Formation

La situation du logement est différente d'une région à l'autre et il y a beaucoup d'informations à donner pour s'approprier la revendication. Lucie Poirier, une des organisatrices du FRAPRU, fait la tournée sur cette revendication. Dans un premier temps, une conférence de presse est organisée sur la situation du logement dans cette région. Ensuite, les organisateurs et organisatrices du FRAPRU donnent une formation spécifique sur la revendication et les besoins de logements sociaux dans cette région.|187| 
714|Les femmes se donnent une voix en environnement|Nathalie Marois| Le 5 février dernier se tenait à Montréal l'assemblée de fondation du Réseau des femmes en environnement (RQFE). Une centaine de femmes issues des milieux syndical, universitaire, environnemental, gouvernemental, communautaire et de simples citoyennes concernées par le lien entre la santé des femmes et l'environnement y ont pris part.

Le réseau vise à donner un espace et une voix aux femmes préoccupées par la santé environnementale et à améliorer leur capacité d'agir sur des enjeux encore trop mal connus. À en juger par la participation et l'enthousiasme des personnes présentes, cette initiative répond à un besoin manifeste chez les femmes d'être mieux informées sur ces questions.

Plus de 500 produits chimiques qui n'existaient pas au début du siècle sont aujourd'hui présents dans le corps humain. De toute évidence, la contamination chimique a des incidences sur la santé des femmes. Des études ont confirmé le lien entre l'exposition à certains contaminants et le cancer du sein, qui progresse de 1% par année. Cependant, beaucoup reste à faire notamment en matière d'information et de recherche scientifique sur la question de l'exposition environnementale et la santé des femmes.

De l'avis de Donna Mergler, conférencière invitée et professeure titulaire au département des Sciences biologiques de l'Université du Québec à Montréal, les travailleuses sont généralement exclues des études sur l'exposition aux contaminants en milieu de travail, notamment parce qu'elles forment un groupe plus difficile à étudier pour des raisons biologiques (ménopause) et socio-économiques (emplois précaires).

Bloquer l'action des hormones

Les perturbateurs endocriniens ont été peu étudiés jusqu'à maintenant. Mais, leurs effets à long terme sur la santé des femmes seraient très dommageables. Comme le nom l'indique, les substances chimiques regroupées sous ce terme ont pour effet d'empêcher la production ou de bloquer l'action des hormones. Répandues dans l'environnement, ces substances, dont certaines sont reconnues cancérigènes, sont transmissibles de la mère à l'enfant lors de la gestation et de l'allaitement. Le stade foetal est la période où l'être humain est le plus susceptible d'être contaminé par des produits chimiques affirme Elizabeth May, conférencière invitée et directrice de Sierra Club Canada.

À peine mis sur pied, le RQFE a déjà élaboré des priorités d'action pour l'année en cours. Il faut dire qu'en matière de santé comme dans d'autres domaines, les femmes ont encore beaucoup de pain sur la planche. Toutefois, tous les espoirs sont permis à en juger par le dynamisme et le professionnalisme des membres qui composent ce nouveau réseau. Longue vie à celui-ci!|187| 
715|Le miroir aux alouettes|Paul Rose|

À propos de Sortie de secours de Jean-François Lisée



Le livre de Jean-François Lisée n'est que la dernière manifestation en liste des tergiversations des directions successives du PQ sur la question nationale. Depuis 1976, le scénario est toujours le même 0 rapetissage des objectifs, report des échéances, fuite en avant sur le fond.

C'est toujours la même logique, qu'on pense à l'obsession du bon gouvernement , à l'étapisme de Claude Morin, à l'affirmation nationale, à la stratégie des minis-référendums (sur la main d'œuvre, droit de veto, immigration, etc.), à l'association avec ou sans trait d'union puis au partenariat, au maintien du dollar canadien, à la dissociation entre la social-démocratie et la souveraineté, puis à l'abandon radical de la souveraineté, à l'obsession du déficit zéro et au plongeon dans le vide de la dépendance tout azimut au néolibéralisme.

Bref la démarche réductionniste de la Sortie de secours n'est pas nouvelle. L'analyse défaitiste du sentiment populaire non plus ! Invariablement jamais ces types d'analyse ne prennent en compte les causes de la baisse de la ferveur populaire. On s'en tient au simple constat.

Le peuple comme objet

Même les outils de mesures, les sondages commandés directement et indirectement à la firme Léger et Léger (qui décidément mérite de plus en plus sa double appellation !) sont construits pour s'en tenir à la réalité produite et non pas à ce qui la produit.

Comme si tout cela était arrangé avec les gars des vues ! Comme si, finalement, les commanditaires des sondages n'étaient pas intéressés à connaître le fond de toute l'histoire. L'histoire du peuple au présent s'entend. Une démarche scientifique devenue inacceptable pour ces technocrates du pouvoir qui, dans toutes leurs stratégies, font au départ abstraction systématique du peuple. Le peuple du Québec n'est plus un sujet mais un simple objet qu'on peut manipuler à volonté.

Parce que toute recherche réelle sur le sentiment populaire, au-delà du simple constat, doit faire appel et reposer sur la confiance au peuple. Parce que la seule stratégie valable aux yeux de l'Histoire avec un grand H, et cela est vrai autant pour le Québec qu'ailleurs, passe par la mobilisation du peuple. Et non par des tactiques brumeuses où celui-ci est systématiquement écarté et, avec mépris, réduit à toute fin pratique, au statut de cruche à remplir.

Le peuple confiné au rôle de spectateur

Comment ces constats primaires des Lisée et consorts peuvent et pouvaient-ils en être autrement ? Alors que précisément ce peuple archi-sondé n'a jamais, depuis la prise du pouvoir par le PQ en 1976, été mis réellement à contribution dans la lutte contre l'oppression nationale ! Il a été systématiquement écarté et confiné au simple rôle de spectateur. De plus, les élus du Parti québécois, un parti qui a pourtant déjà eu plus de 300 000 membres (soit le 10e de la pop active, ce qui n'est pas rien), n'ont jamais manifesté le leadership que le peuple électeur était en doit d'attendre d'eux, à savoir, mettre de l'avant un projet véritablement libérateur de la nation québécoise.

D'ailleurs, comment pouvaient-ils élaborer un tel projet tout en se déconnectant du peuple et en se réfugiant dans les tours d'ivoire administratives réconfortantes et commodes du bon gouvernement ? Ils auraient voulu ralentir et remettre aux calandres grecques tout le processus de libération populaire qu'ils n'auraient pas fait mieux.

Un projet rapetissé, bâclé

Quel cynisme que d'invoquer, à coup de sondages maison, de stratégies, de thèses et de livres superficiels, la baisse d'appui à un projet vidé de toute dimension émancipatrice !

Le résultat, on ne le voit que trop bien aujourd'hui 0 le gouvernement Bouchard est en passe de devenir l'un des pires régimes qu'ait connu le Québec contemporain aux plans social, environnemental et, fatalement, national. Que restera-t-il des années péquistes 0 une loi 101 qu'il a largement contribué lui-même à rapetisser et à peine 60 jours de référendum menés, à chaque occasion, au rythme de vulgaires campagnes électorales écourtées, bâclées à coup de slogans technocratiques creux sans véritable espace de débat populaire. Finalement un projet de société bien pâle par rapport à celui véhiculé par la Révolution tranquille, ce qui n'est pas peu dire compte tenu des espoirs et des attentes soulevées dans les années et les mois qui ont précédé la première prise de pouvoir du PQ !

Que les stratèges à répétition du PQ continuent de mesurer dans leur miroir aux alouettes l'effet de leur propre génie du rapetissage et du rétrécissement du peuple, ils ne trompent personne qu'eux-mêmes.

L'autre débat

Pendant que les péquistes discutent des thèses de Lisée, des débats émancipateurs et libérateurs commencent à se mener sur le terrain même de l'indépendance par la souveraineté populaire au Québec. De la protestation contre l'OMC à Montréal au contre sommet de la jeunesse à Québec, les droits fondamentaux des peuples sont plus pertinents que jamais.

Et notamment, comme le souligne en première page le dernier numéro du Monde diplomatique, sont dramatiquement à l'ordre du jour depuis Seattle, les droits collectifs au développement des peuples, à la paix, à une nature préservée et à l'information , la taxation du revenu du capital , la suppression des paradis fiscaux , les poursuites contre la criminalité financière , la taxation des transactions spéculatives sur les marchés de changes , l'abolition du secret bancaire l'annulation en grande partie des dettes publiques , la promotion et le développement des économies autocentrées , la consolidation des pouvoirs élus et démocratiques visant à contrer les OMC, FMI, OCDE, Banque Mondiale et autres pouvoirs informels (non élus) qui pilotent de fait la terre , investissements massifs dans les écoles, les logements et la santé .

Toutes ces mesures, on me permettra en passant de le mentionner bien modestement, figurent déjà dans le programme du PDS depuis plusieurs congrès. Elles ont été qualifiées dans certains milieux, il y a peu de temps encore, d'irréalistes et d'extrémistes…|187| 
716|Sommes-nous trop taxés ?|Sylvain Charron| L'argument de la baisse d'impôt pour relancer l'économie est la toute dernière trouvaille des ténors de la droite pour influencer l'opinion publique dans le débat actuel sur la distribution des surplus budgétaires réalisés par le gouvernement du Québec. Après avoir pratiqué des coupures draconiennes dans les programmes sociaux (santé et éducation), dans le but d'éliminer le déficit du gouvernement, ils passent à la deuxième étape de leur plan d'action, soit la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Dans les années 1970, on parlait d'impôt à payer, aujourd'hui on parle de fardeau fiscal. Nous parlons par exemple de fardeau fiscal comme si les impôts n'étaient reliés à aucun avantage. Nous n'utiliserions certainement pas le même raisonnement concernant le prix d'une automobile ou d'une chaîne stéréo. Souvent, le débat public sur la fiscalité renforce cette distinction.

Les images des médias, comme celle qui consiste à calculer la journée de libération de l'impôt , contribuent à nous donner l'impression que les impôts que nous payons n'ont rien à voir avec les avantages que nous procurent les services publics.

Les coupures de taxes, la réduction du déficit et la nécessité de maintenir les services publics sont souvent l'occasion de débats, comme si ces sujets n'avaient absolument rien en commun les uns avec les autres. Il n'est pas surprenant que les sondages d'opinion publique révèlent qu'un grand nombre de gens appuient à la fois des réductions d'impôts et des augmentations des niveaux de service dans tous les principaux domaines de dépenses publiques.

Sommes-nous les plus taxés ?

On ne cesse de nous répéter que les Canadiens sont les plus taxés du monde industrialisé. On nous répète ad nauseam que notre pays est le plus taxé des 29 pays de l'OCDE et du G7. Et ce discours alarmiste, croyez moi, ne vient plus seulement des riches et du milieu affairiste, il est aussi alimenté ardemment par nos gouvernements. Analysons la situation canadienne à l'aide du tableau 10

Nous constatons qu'à partir des statistiques gouvernementales compilées par l'Organisation de coopération et de développement économiques que les recettes fiscales en pourcentages du PIB (mesure de notre rendement économique) sont de 36,8% au Canada comparativement à 42,4% pour l'Union européenne et 37,7% pour la moyenne des pays de l'OCDE. Seuls les États-Unis perçoivent moins d'impôt en pourcentage du PIB, mais cela ne signifie par pour autant que leur revenu disponible après impôt est plus élevé que le revenu des Canadiens, comme nous le verrons dans le tableau 2.

Le tableau démontre, de plus, que l'impôt sur le revenu des particuliers est le plus élevé du groupe. Comparativement aux États-Unis, l'écart est de 3,8% ( 13,9% contre 10,1%). Le Canada repose cependant plus sur les taxes de vente (9,1 contre 4,9). On omet d'ajouter dans le débat actuel que les taxes de vente sont des taxes régressives, c'est-à-dire qu'elles ne tiennent aucunement compte de la capacité de payer de chaque contribuable.

De plus, la TPS qui a remplacé en 1991 l'ancienne taxe de vente fédérale est une taxe sur la valeur ajoutée qui repose presque entièrement sur le dos des contribuables, contrairement à l'ancienne taxe de vente fédérale qui était en partie assumée par les entreprises.

À la lecture du tableau, on constate qu'il n'existe aucune relation entre les taux d'imposition et le revenu disponible moyen après impôt. En effet, même si le Canada a un taux d'imposition de beaucoup supérieur à la Nouvelle-Zélande (54.1% comparativement à 33% pour le taux supérieur et 46,1% comparativement à 33% pour la taux inférieur ) le revenu disponible des Canadiens se compare avantageusement à celui des Néo-Zélandais.

La même comparaison avec les États-Unis donne un avantage aux Canadiens en termes de revenu disponible et ce malgré le fait que les taux d'imposition américains sont de beaucoup inférieurs aux taux canadiens. Tout tableau qui conclurait à de telles incongruités serait discrédité d'entrée de jeu par le milieu affairiste. Mais une telle remise en question devient difficile, voire quasi impossible lorsque les résultats proviennent d'un organisme comme l'OCDE.

De tels résultats méritent assurément des éclaircissements. L'écart s'explique par les nombreuses déductions et crédits d'impôt dont peuvent bénéficier les contribuables qui font en sorte que l'impôt sur le revenu payé réellement diffère considérablement de celui qu'ils auraient payé s'il avait été calculé à l'aide du revenu total. Grâce à des déductions telles que les contributions aux REÉR et RPA, l'exemption de 25% sur les gains en capital, l'exonération de 500 000 $ des gains en capital réalisés sur la vente d'actions de petites entreprises, les cotisations professionnelles, les frais de garde d'enfants ou encore la déduction des frais financiers payés pour gagner un revenu de placement, les contribuables peuvent considérablement réduire leur revenu total. Ainsi, les déductions et les crédits d'impôt au Canada sont parmi les plus généreux des pays de l'OCDE.

Le salaire des patrons américains

Dans son édition de février, le Journal de l'International Association of Machinists and Aerospace Workers (IMA) qui

présente les disparités entre les salaires des pdg américains et les travailleurs moyens des États-Unis.

Durant la minute que vous prendra la lecture de cet article, le pdg de General Electric, Jack Welch, Jr. aura additionné 670 $ à son compte en banque. Jack Welch est le sixième pdg le mieux payé aux États-Unis, soit près de 84 millions $ par année. Cela revient à 40 223 $ (US) de l'heure, plus que la moyenne du salaire annuel des ouvriers de GE.

Entre 1980 et 1998, le salaire des pdg a connu une augmentation de 1 596 %, alors que le salaire des ouvriers, considérant le taux d'inflation, a diminué de 9,5 %.

Les trois pdg les mieux payés des États-Unis, Bill Gates en tête de liste, ont une valeur nette de 156 milliards $, ce qui représente plus que tout le produit national brut des 43 nations les plus pauvres du monde.

Si le salaire minimum avait augmenté dans la même proportion que celui des pdg, les ouvriers les plus mal payés gagneraient aujourd'hui 22,08 $/heure. Le salaire moyen des ouvriers des manufactures américaines serait de 110 399 $/année et, si la tendance se maintenait, il serait de 542 968 $/année en 2004

Dans les faits, le salaire moyen des pdg des grandes entreprises américaines est de 10 millions $ par année alors que celui du président des États-Unis est 200 000 $ et la moyenne des travailleurs est de 25 298 $, une disproportion de 419 %.

Cet article provient du L'itinérant électronique, un très intéressant site internet syndical québécois 0 http0//www.itinerant.qc.ca/chronique.html.|187| 
717|On manque de millionnaires !|Pierre Dubuc|Selon Statistiques-Canada, le Québec est pauvre en millionnaires. En effet, alors que l'Ontario, avec 38% de la population, totalise 48% des 200 000 millionnaires au Canada, le Québec n'en dénombre que 14% avec 25% de la population. Dans les autres régions du pays, le nombre de millionnaires équivaut sensiblement au pourcentage de la population.

On comprend l'ardeur des associations patronales à réclamer des baisses d'impôts et l'empressement du ministre Landry à répondre à leurs attentes. Ils veulent rattraper notre retard sur l'Ontario ! Il ne faudrait toutefois pas s'attendre à ce que ceux qui deviendront millionnaires par suite d'un coup de pouce fiscal expriment leur reconnaissance. Un sondage Angus Reid, mené auprès de 250 millionnaires, révèle que 81% d'entre eux affirment être les seuls responsables de leur réussite.|187| 
718|Piger c'est voler|Pierre Klépock|

Fonds de pension à la STCUM



La direction de la STCUM a décidé de suspendre, de façon arbitraire, sa cotisation au régime de retraite des 2 000 employés d'entretien. Elle souhaite utiliser les surplus de la caisse, évalués à 98 millions $, pour réduire sa masse salariale et régler ses problèmes financiers causés par le désengagement de l'État et des municipalités. Cette caisse a été mise sur pied pour nous assurer une retraite dans la dignité , nous a déclaré le président du syndicat du transport (CSN), Gaetan Châteauneuf, rencontré en février dernier.

A.J0 Pourquoi l'employeur ne veut plus contribuer à votre caisse de retraite?

Gaetan Châteauneuf0 Chaque automne, notre employeur vote son budget et cette année il a prévu une réduction de la masse salariale de 23 millions de dollars. Pour atteindre son objectif, il veut cesser de cotiser à la caisse de retraite. En janvier, le boss a donc décidé, de façon unilatérale, d'arrêter de cotiser. Pourtant, il est prévu dans notre convention collective qu'il doit verser sa cotisation à notre fonds de pension. Pour utiliser les surplus, il doit y avoir une entente écrite avec le syndicat, ce qu'il n'a pas fait. Cet argent nous appartient, cela fait partie de nos conditions de travail, de notre convention collective.

A.J0 Que pensez-vous des médias qui disent que vous prenez la population en otage avec vos moyens de pression?

Gaetan Châteauneuf0 Nos membres n'ont pas accepté cette coupure, ils étaient en colère. Il y a eu un ralentissement du travail mais il a été largement amplifié par l'employeur, pour réussir à faire intervenir le Conseil des services essentiels. La STCUM a ouvert les hostilités et nous devrions accepter en disant merci boss! Lorsque ce sont les employés qui ne respectent pas la convention collective, le patronat agit assez vite!

Nous ne sommes pas comme ceux qui nous dénoncent. C'est facile de nous faire porter le chapeau, mais ceux qui nous accusent gagnent trois fois nos salaires, se promènent en Mercedes et ne prennent jamais le transport en commun. Des drôlement bien nantis. Nous, tout ce que nous avons, c'est notre caisse de retraite et notre salaire.

Quand des travailleurs luttent pour leurs droits, le patronat se fait aller le clapet, pas dans l'intérêt des usagers, mais dans l'intérêt de ses propres poches. Que font-ils pour les usagers? Ils demandent des baisses d'impôts, la construction d'un pont payant, la privatisation du transport en commun ou encore l'arrêt de subventions au réseau public.

A.J0 Peut-on exercer le droit de grève dans le transport en commun?

Gaetan Chateauneuf0 Le Conseil des services essentiels a été mis en place, à toute fin pratique, pour abolir le droit de grève dans les services publics. Nous faisons des petits moyens de pression et le Conseil intervient. C'est inconcevable de limiter ainsi le droit de grève. L'employeur peut tout faire même si nous ripostons. C'est tellement encadré que ça ne veut plus rien dire. Nous avons toujours dénoncé le Conseil qui a des pouvoirs d'ordonnance énormes basés sur des preuves très limitées. Il est là pour venir en aide aux employeurs et c'est exactement ce qui s'est passé avec l'ordonnance qu'il a rendu, permettant ainsi à la STCUM de ne pas cotiser à notre caisse et de mettre l'argent dans un compte de banque. Il aurait pu dire au boss de respecter la convention collective.

A.J0 Que pensez-vous de la construction d'un pont pour désengorger la circulation au détriment du transport en commun?

Gaetan Châteauneuf0 Cet argent devrait être mis dans le transport en commun pour désengorger la circulation. Le gouvernement, au début des années 90, s'est désengagé du transport en commun et il a refilé la facture aux municipalités qui, depuis essaient à leur tour de la redonner aux usagers et aux travailleurs. Ce n'est pas de cette façon que l'on va régler nos problèmes. Si, à l'heure de pointe, nous étions capables d'avoir de bons services de transport en commun, ça serait beaucoup plus efficace. L'autobus et le métro, moins polluants, sont une solution logique pour le désengorgement et l'environnement.

Les centrales devraient investir dans l'aut'journal

A.J0 Devrait-on avoir une presse syndicale de masse?

Gaetan Châteauneuf0 L'aut'journal est un outil important avec une couverture syndicale assez grande. Mais tant et aussi longtemps que les grandes centrales n'investiront pas dans l'aut'journal, il restera marginal et le débat social ne se fera pas. Actuellement, c'est l'idéologie néolibérale qui est prédominante dans les grands médias.|187| 
719|Sans émerveillement, il n'est pas d'architecture possible|Michel Lapierre| Il est symptomatique qu'on éprouve de l'embarras à simplement prononcer le mot patrimoine. Du tombeau introuvable de Champlain jusqu'à la poutine, le mal est certainement très profond. Il y a quinze ans déjà, j'ai tenté d'y échapper. Je me suis intéressé à ce qu'on appelle le patrimoine, à celui de l'île de Montréal en particulier, pas même en empruntant le chemin tout naturel de l'histoire, mais bel et bien le sentier lumineux de la littérature...

Comme notre littérature avait connu son essor trop tardivement, j'ai rêvé à un Hawthorne québécois qui aurait hanté nos vieilles maisons. J'ai voulu, assez sottement je dois dire, donner, par cette évocation américaine, de la grandeur concrète à notre XIXe siècle et, à travers lui, au XVIIIe siècle, voire au XVIIe, afin de rendre plus humain le Régime français, désincarné sous le poids de l'auréole. Dans cette recréation esthétique de notre piteuse histoire, j'avais au moins le souci, à l'exemple de Ferron, de faire passer les Patriotes et les Rouges avant Dollard des Ormeaux.

Un nombre fabuleux de Ti-jos-connaissants

Et puis il faut dire que Melville plaçait Hawthorne presque au rang de Shakespeare pour montrer qu'une littérature américaine, tout à fait distincte de la littérature anglaise, venait de naître avec lui... Un Hawthorne québécois était donc le modèle idéal, le père rêvé de notre imaginaire; car Papineau, le père réel, écrivait atrocement mal. Et des maisons merveilleuses, au charme colonial envoûtant, apparaissaient derrière la figure de Hawthorne 0 sa maison natale de la rue de l'Union, à Salem, The Old Manse et The Wayside, à Concord, sans oublier The House of the Seven Gables, rue Turner, à Salem, encore et toujours...

Mais, au fond, tout cela n'était qu'illusion. Je n'ai rencontré ni Hawthorne, ni les Patriotes, ni les Rouges, mais un nombre fabuleux de ti-jos-connaissants. J'étais à Montréal, et non pas à Salem. Je n'avais guère devant moi que les tableaux admirables de Marc-Aurèle Fortin pour rêver à une architecture de l'imaginaire, que l'ombre de nos arbres rendait unique. Je n'avais pas encore lu le savant ouvrage de Paul-Louis Martin, À la façon du temps présent 0 trois siècles d'architecture populaire au Québec.

L'influence de la patate

À vrai dire, je n'avais pas encore réfléchi à l'influence de la patate sur la construction de nos maisons. Quand on mangeait surtout du pain avec sa viande, on laissait sécher les grains de blé au grenier, nous raconte Paul-Louis Martin. Lorsque la patate, tubercule des Lumières, aliment démocratique par excellence, fit son apparition, le blé perdit de son importance. Au XIXe siècle, on aménagea des chambres au grenier, on perça des lucarnes et la cave se développa pour conserver les fameuses patates à l'humidité. Tout cela est fort instructif, comme l'évolution de la cabane de colon, l'essor de la grande maison rurale traditionnelle, l'avènement des galeries, l'influence américaine, en particulier le remplacement de la lourde et complexe charpente d'inspiration française par l'ossature légère (le Balloon frame, le succès des catalogues de modèles architecturaux et le triomphe de la standardisation).

Martin fait preuve d'un réel talent pédagogique en élaborant l'histoire du patrimoine domiciliaire. Mais il me touche uniquement lorsqu'il cite Fernand Préfontaine, bien qu'il le fasse sans aucune conviction. En fait, il ne nous révèle même pas l'identité de cet inconnu, qui a eu le génie de poser le vrai problème.

Fernand Préfontaine et l'importance de notre architecture populaire

Fernand Préfontaine a été le premier, chez nous, à croire très profondément, que l'architecture était un art et que notre architecture populaire, oeuvre d'illettrés, aurait dû être, à l'encontre des influences française et américaine, l'unique source de notre inspiration moderne de bâtisseurs. Avenue Wood, à Westmount, ce jeune homme, indépendant de fortune, réunissait, entre 1917 et 1919, des amis, comme Robert de Roquebrune, Léo-Pol Morin et Jean-Aubert Loranger, pour y parler de littérature et d'art contemporain, sans dogmatisme et surtout sans moralisme. Ce qui était déjà, au Québec, toute une révolution.

Le vernis aristocratique du dilettante, architecte de formation, cachait une identité très québécoise. Fils de Raymond Préfontaine (financier, maire de Montréal, ministre de la Marine et des Pêcheries sous Laurier), petit-fils du sénateur Jean-Baptiste Rolland (le célèbre papetier), Fernand Préfontaine plaçait très haut Ozias Leduc, l'incarnation même du génie populaire. Il en fera l'éloge dans Le Nigog, revue de littérature et d'art, qu'il fondera, en janvier 1918, avec Roquebrune et Morin. Pour ce myope, grand, sceptique et doux, qui n'imposait jamais ses vues et ne craignait guère la contradiction, toute chose était éphémère. Dans l'atmosphère de parfaite liberté que Préfontaine cultivait avec bonhomie, Leduc, le primitif de Saint-Hilaire, pouvait facilement, dans les pages du Nigog, cotoyer Apollinaire, Copeau, Wilde, Cézanne, Debussy, Ravel et Stravinsky. Quel dommage que la revue n'ait duré qu'un an !

Mais pourquoi... un bungalow californien ou un palais espagnol ?

Mais pourquoi, écrivait Préfontaine en 1918, lorsqu'on construit une habitation particulière, fait-on un bungalow californien ou un palais espagnol ? quand il existe déjà un art architectural canadien qui ne demande qu'à être développé. Conscient de l'évolution des formes, l'admirateur d'Ernest Cormier pouvait même se payer le luxe de rêver à quelque chose de plus subtil et de plus profond que le Colonial Revival, qui avait déjà marqué les États-Unis.

Mais nul n'était mieux placé que lui pour savoir que notre bourgeoisie, si restreinte et, au fond, si modeste, ne pouvait rivaliser avec la bourgeoisie américaine. Les bienfaiteurs importants étaient rares et ils ne donnaient guère qu'à l'Église. Nos sociétés d'histoire n'existaient presque pas; l'enseignement de l'architecture était déficient. Et qui donc parlait de mise en valeur du patrimoine?

Tout n'est peut-être pas perdu

Paul-Louis Martin nous dirait sans doute que la situation a beaucoup changé. Je veux bien le croire. Mais il me répugne de souscrire à sa conception extrêmement utilitaire de l'architecture. Notre professeur ne rêve jamais, il constate. Martin nous met en garde contre l'émotion des artistes, que ce soit celle de Krieghoff ou celle de Massicotte. Lorsqu'il traite de la raison culturelle en architecture , il s'agit pour lui, en clair, de rêveries de poètes, étrangers à l'évolution socio-économique. Paul-Louis Martin peut donc calmement conclure son livre en présentant la standardisation comme l'inévitable triomphe de l'esprit, et bannir le paradoxe de notre existence.

Selon lui, la vision que les écrivains et les artistes ont de l'architecture est un leurre 0 ... la construction d'une image, la fabrication d'un mythe, écrit-il, n'échappent-elles pas par essence à la totale vérité des choses? Martin fait sienne cette terrifiante assertion de Joseph Melançon, professeur de l'université Laval 0 L'écrivain est un mauvais banquier de la mémoire; il ne manque jamais de soustraire des choses à son profit. Mettre ainsi en cause l'humanité tout entière, en préférant l'illusion de l'exactitude à la nécessité de la profondeur, il fallait y penser ! Pourtant, la standardisation elle-même relève de l'imaginaire. Norman Rockwell et Andy Warhol ne se sont pas trompés.

L'imbrication de l'histoire, de la littérature, de l'art et de la vie nationale, à laquelle ont rêvé plusieurs d'entre nous, ne s'est certes pas accomplie. Tout reste compartimenté pour notre plus grand malheur. Même en architecture. Le patrimoine industriel, le patrimoine religieux, le patrimoine du Golden Square Mile... Pourquoi pas le patrimoine québécois, tout naturellement ? Et comme la standardisation, tant prisée par Paul-Louis Martin, fait déjà partie de nos rêves, tout n'est peut-être pas perdu. La standardisation se transfigure d'elle-même. Elvis Gratton n'aura pas à venir à notre secours !

Paul-Louis Martin, À la façon du temps présent 0 trois siècles d'architecture populaire au Québec, P.U.L., 1999.

Le Nigog, réimpression, Comeau et Nadeau, 1998.|187| 
720|Il ne reste plus qu'un million d'analphabètes|Jean-Claude Germain| Avant d'habiter un pays, on habite une langue, et plus on possède de mots pour y revendiquer sa place, plus on a de chances d'y occuper tout son espace. La propriété des mots est d'engendrer les réalités, de modeler les passions et d'aiguiser les plaisirs.

Qu'on comprenne bien ! Le plaisir des mots n'a rien à voir avec le fantasme récurrent de ceux et celles qui s'ennuient de l'ancien temps, où ledit plaisir se résumait, pour eux, au pouvoir univoque de donner des dictées, des copies, des retenues et des coups de règle.

Strappe, martinet ou sangle ?

J'ai connu un de ces apôtres de la pédagogie musclée qui corrigeait l'anglicisme, le correcteur à la main, en marquant d'un souvenez-vous, la faute et la correction. Ceci n'est pas une strappe ! Aieyolle ! Ceci est un martinet ! Aieeeeyyyoille !

Lequel d'entre nous n'aurait pas alors rêvé de lui gâcher son plaisir, en le corrigeant, sur le champ, d'un revers cinglant. Cela n'est pas un martinet ! Slappe ! Cela est une sangle ! Rrresslapppe ! Quel bonheur cela aurait été que les mots viennent au moment précis où on avait besoin d'eux, plutôt qu'un peu plus tard, une fois rendu dans l'escalier, comme c'est habituellement le cas.

Prendre plaisir aux mots, c'est prendre plaisir tout court, c'est-à-dire, prendre tout le jouir du moment où le mot, et le désir du mot, coïncident. Euréka ! J'ai trouvé le mot que je cherchais ! Et ce qui est vrai, individuellement, l'est également collectivement.

Au Québec, par exemple, jusqu'à la révolution sexuelle de la fin des années soixante, la baise n'occupait pas tout son espace et tout son sens. Baiser, dans la Belle Province, signifiait donner un bec sec. Pour le donner humide, il fallait recourir au french kiss d'une autre langue, et, pour désigner la prise de connaissance biblique, on faisait appel à des approximations descriptives, empruntées au vocabulaire technique, des fourreurs, des bottiers, et des boulés, réputés pour planter les piquets de clôture d'un seul coup.

Contenir la Sainte Trinité

À cette époque d'unanimité, la réalité était dominée par la Sainte Trinité. Nous avions un choix de trois en tout. Trois sortes de vins à la Commission des liqueurs 0 du rouge, du blanc et du rosé. Trois sortes de péchés en chaire 0 le blasphème, l'intempérance et la luxure ; trois catégories de péchés que les prédicateurs traduisaient plus familièrement par la sacrure, la champlure et la créature. Pendant la retraite du carême des hommes, on laissait tomber les fioritures pour aller droit au fait 0 les péchés secs, les péchés mouillés et les péchés poilus.

C'est uniquement à partir du moment où on va faire l'amour plutôt que faire son devoir que la notion du plaisir partagé s'est imposée comme le but et la raison d'être de l'euréka amoureux.

Le plaisir ne respecte qu'une seule intolérance 0 sa pratique ne tolère pas l'à-peu-près. Pour atteindre l'euréka, il faut s'ajuster et l'ajustement ne relève pas d'une quelconque rectitude morale mais du toucher et du parler juste. Le vocabulaire n'est pas une luxuriance, un luxe ou un excédent budgétaire de dictionnaire, c'est une richesse collective et un art de vivre que l'écriture et la lecture ont pour fonction de conserver et de transmettre.

Il ne faudrait pas croire que le plaisir ne procède que des mots ; mais c'est par les mots qu'on l'affine, qu'on le raffine, qu'on l'augmente, qu'on le diversifie, qu'on le multiplie, et qu'on a fait fructifier l'héritage de ceux qui ont pris sur eux de nous précéder, sans attendre leurs diplômes, pour nous défendre, nous nourrir, nous loger, nous soigner, nous chérir et nous protéger du froid.

Les analphabètes nous ont portés sur leur dos

Ce n'est absolument pas exagéré d'affirmer qu'au Québec, nous devons tout, ou presque, à nos ancêtres analphabètes et illettrés. C'est eux qui ont arpenté le continent, couru les bois, trappé, chassé, abattu les arbres, construit les maisons, défriché, dessouché, hersé, ensemencé les champs, engrangé le foin, épluché le blé d'Inde, fait boucherie, des conserves, de la tire, des bougies, cousu, tissé, forgé, cloué et pratiqué tous les métiers que le Bonyeu a inventés pour nous empêcher d'avoir des mauvaises pensées dans la morte saison. Sans oublier la centaine d'heures par semaine, pour faire tourner la révolution industrielle dans les shoppes, les facteries et les manufactures.

Puis, le soir venu, c'est encore les mêmes illettrés qui ont trouvé le temps de nous faire rêver avec les mots et les métaphores de leurs contes, tout en zigonnant sur un crincrin, qui n'avait peut-être pas appartenu à Stradivarius, mais qui avait assez de vif-argent dans le nerf des cordes, pour faire swinguer la baquaisse dans le coin de la boîte-à-bois, comme jamais Paganini aurait même pensé à le faire.

Pour tout dire simplement, les analphabètes nous ont portagé sur leur dos jusqu'à l'aube de la présente révolution technologique. Fait qu'on leur en doit une coche aux illettrés !

C'est la raison pour laquelle aujourd'hui, comme individu et comme collectivité, nous avons une dette de culture à rembourser à ceux et celles que le gouvernement de Jean Lesage a exclu de la Révolution tranquille, en les reléguant au statut humiliant de non-instruits.

Si l'analphabétisme est une honte, la plus honteuse est d'abord celle de ceux qui feignent d'avoir oublié que nous en sommes tous issus. Certains en sont sortis plus tôt que d'autres, bien sûr, tout comme certaines collectivités avec moins de retard que d'autres.

L'approche révolutionnaire et l'approche conservatrice

En 1643, un an après la fondation de Montréal, Boston adoptait une législation qui rendait l'instruction des enfants obligatoire, sous peine d'amende pour les parents. La conséquence en a été que la Révolution américaine sera la seule dans l'histoire dont la grande majorité des citoyens pourra lire sa propre Déclaration d'Indépendance.

Au Québec, nous avons emprunté une approche moins révolutionnaire et plus conservatrice, voire même ultra conservatrice, puisqu'on attendra jusqu'en 1943 pour adopter une législation similaire, malgré l'opposition farouche de l'Église qui, tout en se réservant la formation des élites dans ses collèges classiques, se refuse à ce qu'on étende les bienfaits de l'éducation à l'ensemble de la population.

Sans perdre de vue notre retard de 300 ans, si on fait le bilan du chemin parcouru depuis 1943, et surtout en accéléré depuis la fin des années soixante, il faut modestement parler d'un miracle culturel québécois.

Comment expliquer autrement l'incroyable succession qui va de l'affirmation créatrice des peintres à la prise de parole des poètes, l'éclosion de la chanson, l'apparition des cinéastes, l'émergence d'une dramaturgie, l'invention d'un théâtre pour enfant, l'explosion de la danse, de la musique contemporaine et de la musique actuelle, jusqu'à l'arrivée surprise du dernier venu, qui est né coiffé, le cirque ?

Dans tous les domaines de la culture québécoise, la créativité se renouvelle en permanence depuis 30 ans et rien n'indique qu'un épuisement de la ressource soit prévisible. Ainsi lorsqu'on apprend par le journal qu'IL Y A ENCORE UN MILLION D'ANALPHA-BÈTES AU QUÉBEC, il ne faut pas y lire un constat d'échec. Aucun pays moderne n'est parvenu à alphabétiser une population en un demi-siècle. Il faut prendre le diagnostic pour ce qu'il est 0 un rapport d'étape. IL NE RESTE PLUS QU'UN MILLION D'ANAL-PHABÈTES À ALPHABÉTISER !

L'analphabétisme n'est pas uniquement un problème personnel. C'est un défi collectif et une responsabilité sociale, qui n'a été pleinement assumée, jusqu'à maintenant, que par le bénévolat des organismes communautaires. Au moment où le ministère de l'Éducation s'apprête à faire disparaître les analphabètes dans le fourre-tout anonyme de la formation continue, on se doit de rappeler que, dans une démocratie, assurer à chaque citoyen et citoyenne la pleine compréhension de sa société et de sa culture est un des devoirs prioritaires de l'État.

Et dans le cas présent, c'est plus qu'un devoir, c'est une dette d'honneur. L'alphabétisation, n'en déplaise à monsieur Lesage, ne relève pas de la compassion charitable des nantis pour les démunis, c'est un dividende culturel auquel les analphabètes ont droit. Il ne faudrait tout de même pas oublier que, sans la richesse de la culture populaire qu'ils nous ont léguée, il n'y aurait pas de miracle culturel québécois.

Les gauchers de la lecture

Les analphabètes sont à la lecture ce que les gauchers sont à l'écriture. Quand j'étais jeune, j'avais l'impression que tout le monde était droitier. Aujourd'hui, il me semble qu'en plus d'être une femme, la moitié du monde est gauchère ou gaucher.

Écrite de la main gauche, c'est tout simplement une autre façon d'écrire. Pourtant pendant des siècles et dans toutes les langues, les mots qu'on a associé à la gauche sont synonymes de gaucherie, de mauvaise humeur quand on se lève du pied gauche, de maladresse, de disgrâce, d'embarras, de gêne, de timidité, de fausseté et lorsque la gauche fait senestre, elle devient une catastrophe naturelle, autrement dit un sinistre.

Encore aujourd'hui, les Brahmanes se torchent exclusivement de la gauche. Les Musulmans, pour qui les animaux sont impurs, réservent la main de l'impureté pour flatter les chiens. Néanmoins, nous avons vu disparaître ce préjugé de notre vivant, du moins en Occident.

Il n'y a pas qu'une seule façon d'écrire. Il y en a au moins deux. Et il en est de même pour la lecture. Il existe au moins sept façons différentes d'apprendre à lire. Il suffit de trouver la bonne 0 c'est pas plus compliqué que ça, l'alphabétisation !|187| 
721|Les nouveaux enjeux du monde actuel|Jacques Pelletier|

Les livres et la vie



Si l'on devait se fier aux intellectuels occidentaux qui sévissent des deux côtés de l'Atlantique, le socialisme serait mort avec la chute du mur de Berlin et la décomposition de l'empire soviétique. Cette mort ouvrirait par ailleurs une nouvelle période caractérisée par la fin de l'histoire et la disparition des idéologies. Le capitalisme libéral qui représentait jusque-là une alternative au socialisme réel , serait devenu du coup l'horizon politique indépassable de l'époque.

Cette analyse apparemment justifiée par la dislocation du Bloc que formaient les ex-pays de l'Est, repose sur une prémisse fragile, à savoir que ces pays incarnaient un communisme authentique. Or, rien n'est moins sûr, et les militants de gauche, non alignés sur Moscou ou Pékin, avaient signalé depuis longtemps, bien avant que les idéologues du capitalisme ne s'en aperçoivent, que ces sociétés n'étaient pas socialistes ou ne l'étaient, au mieux, que minimalement.

Michel Barrillon le rappelle fort opportunément dans un petit livre publié récemment pour réfuter la nouvelle vulgate élaborée par les intellectuels libéraux (1). Reprise avec complaisance et diffusée largement par les médias, cette vulgate est devenue un lieu commun du discours politique, une sorte de vérité incontournable, relevant cependant davantage de la foi que d'un exercice de raison.

Car ce qu'une analyse critique sérieuse de la véritable nature des ex-pays de l'Est fait ressortir, c'est qu'il s'agissait de régimes bureaucratiques, dirigés par une classe dominante d'apparatchiks et de technocrates, qui incarnaient un socialisme qui avait peu à voir avec l'entreprise d'émancipation conçue par Marx. Michel Barrillon prétend même que ces pays ne pratiquaient rien d'autre qu'un capitalisme d'État et qu'ils représentaient donc une forme despotique de capitalisme. Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, ils auraient ainsi été davantage des frères jumeaux que de véritables adversaires.

La thèse de Barrillon est contestable, bien entendu. Elle relève d'une conception idéaliste, utopiste du socialisme, qu'on n'est pas obligé de partager. Mais elle a le mérite d'appeler à une réflexion approfondie à la fois sur la vraie nature des ex-pays de l'Est et sur le triomphe apparent du libéralisme. Elle rappelle aussi que le monde demeure à transformer et que le capitalisme, actuellement dominant, ne saurait représenter un modèle civilisationnel dont on devrait s'accommoder jusqu'à la fin des temps.

Les nouvelles formes de guerre

Si l'effondrement des pays de l'Est n'annonce pas la mort du socialisme, il implique toutefois une nouvelle redistribution des cartes au niveau international. Il signale que la Guerre froide est bel et bien terminée faute de combattants et il inaugure une nouvelle période marquée par la domination quasi totale des États-Unis sur l'ensemble de la planète, aussi bien sur le plan militaire que sur le plan économique.

Cet effondrement ouvrirait ainsi une époque caractérisée par la mondialisation des échanges et des rapports internationaux établis sur de nouvelles bases, libérés de la logique sécuritaire des rivalités interétatiques fondées sur les égoïsmes nationaux. Le nouvel ordre mondial ne s'appuierait plus sur un équilibre de forces antagonistes mais sur de nouvelles règles communément partagées qu'une ONU régénérée aurait pour mission de faire respecter au nom d'un droit inédit d'ingérence légitimé par des motifs humanitaires. Dans cette optique, il n'y aurait désormais plus d'autres formes d'affrontement que la guerre éthique commandée par le souci du bien commun de l'humanité tout entière.

Invoqué récemment pour justifier l'intervention militaire occidentale en Serbie, cet idéal, fort louable sur le plan des principes, n'est peut-être pas totalement désintéressé dans la pratique. La guerre éthique , conçue comme une mission sacrée, n'obéit pas toujours à des motifs parfaitement purs, elle peut aussi servir, consciemment ou pas selon les cas, les intérêts géopolitiques bien réels. Daniel Bensaïd le fait bien voir dans un livre publié récemment à propos du Kosovo. (2)

À première vue, l'intervention occidentale dans ce conflit apparaissait pleinement justifiée. Le Kosovo était bel et bien devenu, dans les dernières années, une société dominée par les Serbes qui n'hésitaient pas à recourir à la purification ethnique pour conforter leur politique d'asservissement de cette communauté. Il était par conséquent tout à fait légitime de s'opposer à cette politique. Mais était-il nécessaire de le faire par la voie militaire et sous la couverture idéologique du droit d'ingérence et de la guerre éthique ?

C'est à cette question qu'essaie de répondre Daniel Bensaïd. Faisant voir avec beaucoup d'à-propos que l'humanitarisme de l'Occident sous hégémonie américaine est fort sélectif, qu'il se manifestant surtout lorsque ses intérêts sont en jeu, l'auteur rappelle que ce conflit n'a pas été pris en charge par l'autorité internationale que devrait représenter l'ONU, mais bel et bien par l'OTAN. Or cette organisation aurait vu là une occasion en or pour consolider sa suprématie militaire sur le continent européen.

Cela ne signifie pas que les impératifs géopolitiques auraient été les seuls facteurs déterminant cette intervention. Les préoccupations humanitaires y ont eu aussi leur part sans doute, à tout le moins chez certains alliés plus réticents à l'égard des Américains, mais elles n'étaient pas seules à opérer, si bien que la guerre éthique , comme le note avec justesse Bensaïd, en recouvrait une autre, aux motifs beaucoup plus prosaïques.

On sait également aujourd'hui que cette intervention s'est soldée par des résultats désastreux à la fois pour le Kosovo et pour la Serbie et qu'il aurait été possible - et préférable - d'adopter une autre politique fondée sur la poursuite des négociations entre les parties. On a préféré faire autrement au nom d'un droit à l'ingérence , souhaitable en tant qu'idéal, mais qui ne deviendra vraiment légitime que lorsqu'il sera pris en charge par un organisme international disposant de l'autorité nécessaire pour l'exercer à l'abri des intérêts nationaux, quels qu'ils soient.

Or, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on n'en n'est pas encore là. La guerre éthique , tout à fait honorable sur le plan des principes, ne s'impose pas encore comme un impératif catégorique. Et tant et aussi longtemps qu'un ordre mondial vraiment juste ne sera pas établi, il faudra s'interroger sur le bien-fondé des interventions militaires qui s'autorisent le droit d'ingérence au nom de l'éthique et mesurer si leurs prétentions sont bien fondées. L'exemple du Kosovo, à ce titre, est de nature à susciter notre vigilance.

1. Michel Barrillon, D'un mensonge déconcertant à l'autre, Marseille, Agone, Comeau et Nadeau Éditeurs, 1999 (Coll. Contre-feux).

2. Daniel Bensaïd, Contes et légendes de la guerre éthique, Paris, éditions Textuel, 1999 (Coll. La Discorde)

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722|Comment l'État-Providence est né de la Grande Crise|Pierre Dubuc|L'an 2000, l'An zéro, période charnière entre deux siècles, le XXe siècle qu'on vient d'enterrer et le XXIe dont les experts nous disent qu'il ne commence qu'en 2001 ! Occasion rêvée pour faire le bilan du siècle passé, en tirer des leçons et jeter les bases d'un projet pour le siècle à venir. Avec, comme outil principal, le livre d'Éric J. Hobsbawm, L'Âge des extrêmes, Le court XXe siècle, 1914-1991. Tel est l'objet de cette chronique.

Dans son ouvrage L'Âge des extrêmes, l'historien Eric J. Hobsbawm décrit admirablement bien l'impact considérable qua eu la crise des années 30 sur l'histoire du XXe siècle. Sans cette crise, écrit-il, il n'y aurait certainement pas eu de Hitler ni de Roosevelt et le système soviétique n'aurait très probablement pas été considéré comme un rival économique sérieux susceptible de remplacer le capitalisme mondial (...). En un mot, le monde de la seconde moitié du XXe siècle est incompréhensible si l'on n'a pas une idée claire de l'impact de la banqueroute économique . Un cataclysme d'une telle ampleur est-il encore imaginable ? Quelles en seraient les conséquences ?

Nombre d'auteurs critiquent aujourd'hui le néolibéralisme, c'est-à-dire l'idéologie selon laquelle il faut renoncer à toute planification économique, démanteler l'État-Providence et laisser aux forces du marché le soin de répartir la richesse entre les individus et les nations. Ils démontrent que cela conduit à une polarisation extrême de la richesse qui peut être illustrée par le fait que les 200 personnes les plus riches du globe contrôlent des actifs dont la valeur est supérieure au revenu de deux milliards de personnes et que, sur les 100 plus importantes économies du monde, 51 sont des corporations.

Les tenants du néolibéralisme se rient de ces critiques en pointant du doigt la hausse phénoménale des marchés boursiers. Cependant, la possibilité d'un krach est de plus en plus souvent évoquée. La Grande Crise a détruit le libéralisme économique pour un demi-siècle , écrit Hobsbawm et on peut se demander si une nouvelle Grande Crise ne viendra pas à bout du néolibéralisme.

Priorité à la politique sur l'économie

Hobsbawm souligne que la Grande Crise vit la Grande-Bretagne abandonner le libre-échange qui avait été l'élément central de l'identité économique britannique depuis 1840 et que les États dressèrent des barrières toujours plus hautes afin de protéger leurs marchés nationaux et leurs devises, si bien que le commerce mondial chuta de 60% de 1929 à 1932. On savait bien que le démantèlement du système international de commerce ne mènerait à rien, mais on ne savait pas quelle était l'alternative.

La solution découla plus de considérations politiques qu'économiques. Des millions de personnes, réduites au chômage et à la mendicité en l'absence de toute aide étatique, se radicalisant politiquement, tant à gauche qu'à droite (comme c'était le cas en Allemagne avec la montée du fascisme), obligèrent les gouvernements à privilégier des considérations sociales aux dépens des considérations économiques dans l'élaboration de leur politique.

Priorité fut accordée à la lutte contre le chômage, en se rendant à l'argument de l'économiste John Maynard Keynes selon lequel les revenus d'une population active en plein emploi auraient un effet des plus stimulants sur une économie déprimée, mais surtout parce qu'on jugeait le chômage massif politiquement et socialement explosif.

L'exemple de l'URSS

Les chômeurs du monde entier avaient devant les yeux l'exemple de l'Union soviétique engagée, avec ses nouveaux plans quinquennaux, dans une industrialisation massive et ultra rapide et, qui plus est, sans chômage. Entre 1929 et 1940, sa production industrielle fut au moins multipliée par trois, alors que la production industrielle américaine baissa d'un tiers environ de 1929 à 1931.

Quel était le secret du système soviétique dont les économies capitalistes pourraient tirer parti ? La réponse était la planification économique. Même les nazis plagièrent l'idée, rappelle Hobsbawm, et Hitler lança en 1933 son Plan quadriennal.

Après-guerre 0 la crise qui n'eut pas lieu

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la situation politique était encore plus explosive qu'avant son déclenchement. L'Union soviétique était auréolée de sa victoire contre le fascisme et le camp socialiste s'était élargi à plusieurs pays d'Europe de l'Est, avant de couvrir un tiers de la surface du globe en 1949 avec le triomphe de la Révolution chinoise.

D'autre part, les autres pays européens n'étaient que des champs de ruine et, nous dit Hobsbawm, la plupart des observateurs s'attendaient à une grave crise économique par analogie à ce qui s'était passé après la Première Guerre mondiale. Washington craignait que les populations affamées, désespérées et radicalisées adhérent aux organisations communistes déjà fortes suite au rôle qu'elles avaient joué dans la Résistance. Hobsbawm raconte que le président du Conseil français (socialiste) se rendit à Washington pour prévenir que, sans aide économique, le gouvernement risquait de tomber au profit des communistes.

L'aide économique arriva sous forme du Plan Marshall et, d'autre part, les États-Unis mirent en place leur politique d'endiguement (containment) à l'endroit de l'URSS, ce qui marqua le début de la Guerre froide.

Pour contrer le radicalisme appréhendé de leurs populations, les gouvernements occidentaux adoptèrent une série de mesures sociales, donnant ainsi naissance à ce qu'on appela plus tard l'État-Providence, et aux idées de planification économique. Après tout, n'avait-on pas mené la guerre avec une économie dirigée ?

Les Trente Glorieuses

La répétition de la Grande Crise ne se produisit pas. En lieu et place, nous avons eu trois décennies de prospérité économique comme jamais l'humanité n'en avait connue. Hobsbawm souligne que les causes de ces Trente Glorieuses, comme les appelèrent les Français, ne sont pas encore bien cernées.

Évidemment, l'interventionnisme étatique n'est pas étranger aux grandes réussites économiques car celles-ci sont des histoires d'industrialisation soutenue, supervisée, dirigée, parfois planifiée et gérée par l'État. Mais une si longue période de prospérité s'explique également par la domination économique des États-Unis et les politiques stratégiques adoptées par Washington. Dominant outrageusement le monde en 1950, avec 60% de l'équipement productif de tous les pays capitalistes avancés, les États-Unis, pour des considérations de Guerre froide, décidèrent de favoriser la croissance économique aussi rapide que possible de leurs futurs concurrents, principalement le Japon et l'Allemagne afin de contrer la Chine et l'URSS.

En politique intérieure, les Trente Glorieuses furent le résultat d'un mélange keynésien bien particulier de croissance économique dans une économie capitaliste fondée sur la consommation de masse et d'une force de travail jouissant du plein emploi, de mieux en mieux payée et protégée.

Hobsbawm souligne avec raison que ce mélange était une construction politique qui reposait sur un consensus entre la gauche et la droite, à l'exclusion de l'extrême-droite, éliminée de la scène politique par la Deuxième Guerre mondiale, et de l'extrême-gauche communiste marginalisée par la Guerre froide avec la chasse aux sorcières qui fut déclenchée dans les pays capitalistes. Cette politique reposait également sur un consensus tacite ou explicite du patronat et des organisations syndicales pour contenir les revendications salariales dans des limites raisonnables . À cela s'ajoutaient des avantages croissants d'un État-Providence auquel, à la fin des années 1970, six États avancés consacraient plus de 60% de leurs dépenses publiques.

L'échec des mesures keynésiennes

Mais l'Âge d'or prit bientôt fin. Le poids de l'économie mondiale s'étant déplacé vers le Japon et l'Europe, les États-Unis allant en s'endettant (pour financer la guerre au Viet-Nam, la course aux armements et les réformes de la Grande Société de L.B. Johnson), le dollar américain, clef de voûte de l'économie mondiale, s'affaiblissait. La convertibilité du dollar en or fut abandonnée en 1971 et avec elle la stabilité du système international des paiements.

D'autre part, profitant de la faiblesse relative des États-Unis embourbés au Viet-Nam, les pays du Tiers Monde augmentèrent le prix de leurs matières premières. L'exemple le plus spectaculaire fut l'augmentation astronomique du prix du pétrole par l'OPEP en 1973.

Dans les pays capitalistes, l'inflation résultant de l'augmentation du prix des matières premières, poussa les travailleurs à demander l'indexation de leurs salaires, ce qui, à son tour, alimenta l'inflation. Parallèlement à l'inflation, le chômage progressait de façon constante et on se trouva devant un nouveau phénomène, la stagflation, combinaison de stagnation et d'inflation. Les gouvernements tentèrent d'intervenir par un gel des salaires et des profits, comme le fit le gouvernement Trudeau en 1976, mais les mesures keynésiennes traditionnelles étaient inefficaces, ne réussissant qu'à augmenter l'endettement des gouvernements.

Devant cet échec, une autre solution s'imposa 0 le néolibéralisme.|187| 
723|La paix en panne en Irlande|Comité Québec-Irlande| A peine deux mois après l'accord historique qui a vu deux membres du Parti républicain de l'Irlande du Nord, le Sinn Fein, nommés à l'exécutif de la nouvelle assemblée législative du nord de l'Irlande, le processus de paix risque d'éclater.

Grâce à une campagne du parti unioniste (droite) de David Trimble pour saboter les réformes contenues dans l'accord du Vendredi saint de 1998 et la lâcheté du gouvernement britannique qui a cédé aux menaces unionistes, la nouvelle assemblée est suspendue et l'Irlande du Nord se retrouve, encore une fois, gouvernée de Londres.

Signé en 1998 par tous les partis politiques d'Irlande du Nord ainsi que par les gouvernements britannique et irlandais, l'accord du Vendredi Saint envisage une assemblée multipartite, une réforme importante de la police sectaire (le RUC—à 95% protestant/unioniste), et des liens plus étroits entre l'Irlande et l'Irlande du Nord.

L'encre n'était pas encore sèche que les unionistes commençaient à réclamer que l'IRA rende les armes avant que les réformes soient mises en place. Pourtant, l'accord prévoyait le désarmement de tous les groupes paramilitaires en mai 2000 seulement.

Les faits

Pendant dix-huit mois, Trimble et son parti ont étiré le processus en longueur, espérant ainsi arracher des concessions du gouvernement britannique et au mouvement républicain irlandais.

En décembre 1999, les unionistes étaient enfin d'accord, sous la pression énorme des gouvernements britannique et américain, pour prendre leurs sièges et ainsi faire fonctionner l'assemblée d'Irlande du Nord. Néanmoins, toujours dans l'espoir d'empêcher l'entrée du Sinn Fein au gouvernement, Trimble a menacé de démissionner avec ses députés si l'IRA ne rendait pas les armes en février 2000.

L'IRA, dans un geste de bonne foi, a même nommé un représentant pour négocier avec le comité du général canadien, John de Chastelain, qui surveille le désarmement des groupes paramilitaires. Mais l'IRA insiste pour que la question des armes ait lieu dans un contexte de démilitarisation de toute la société nord-irlandaise.

Il faudrait alors que les nouvelles institutions démocratiques commencent à fonctionner, que la présence militaire de l'armée britannique soit retirée, et que les paramilitaires loyalistes, responsables des meurtres de 800 nationalistes irlandais civils depuis 1969, rendent aussi leurs armes.

Pour sa part, le Sinn Fein a expliqué que le parti n'est pas responsable pour l'IRA. Il est donc malhonnête d'essayer de l'exclure de l'assemblée parce que l'IRA n'a pas rendu les armes.

Londres cède aux pressions unionistes

Début février, de Chastelain a fait son premier rapport sur le désarmement en disant que l'IRA n'avait pas encore commencé le processus de désarmement. Avant que le document ne soit publié, Trimble a encore menacé de démissionner. Quelques jours après, le gouvernement britannique s'est dépêché de faire passer une loi pour rétablir le contrôle britannique sur la région. Le secrétaire d'État pour l'Irlande du nord, Peter Mandelson, a cédé aux pressions unionistes même si l'IRA venait de soumettre, selon de Chastelain, des propositions importantes.

Dégoûté par ce mépris pour la démocratie, le leader du Sinn Fein, Gerry Adams, songe à quitter le parti, prétextant qu'il ne sera pas le bouc émissaire dans l'échec du processus de paix. Quant à l'IRA, elle retire son représentant du comité du général de Chastelain ainsi que ses dernières propositions sur la question des armes.

Il est clair que le parti unioniste de Trimble ne s'intéresse aucunement aux réformes contenues dans l'accord du Vendredi saint. Il n'accepte pas que l'heure de l'hégémonie protestante en Irlande du Nord soit enfin finie. Il veut maintenir le statut quo et refuse carrément d'envisager l'égalité de la communauté nationaliste. Cet entêtement risque de provoquer une nouvelle flambée de violence dans la région.

Un appel du Sinn Fein

Le Sinn Fein lance un appel international pour appuyer une paix avec justice en Irlande du Nord et pour faire pression sur les unionistes et le gouvernement britannique pour que l'accord du Vendredi Saint soit respecté.|187| 
724|Révolution en Équateur|Pierre Dubuc| Nos journaux ont réduit l'événement à un coup d'État vite relégué aux entrefilets, mais c'est une véritable révolution qui s'est produite en Équateur, avec dualité des pouvoirs, passage d'une partie de l'armée aux côtés des insurgés. Condamnée par les États-Unis, trahie par le haut commandement militaire, n'ayant pas réussi à rallier la principale ville du pays, Guayaquil, la révolution menée par les Indiens a échoué. Mais cette révolution et l'appui que lui a donné Hugo Chavez, président de la nouvelle République bolivarienne du Vénézuela, hantent les nuits des élites latino-américaines

Tout au long de l'année 1999, le mouvement populaire a grondé au rythme du volcan en éruption près de Quito. Le pays est en banqueroute, incapable de rembourser sa dette de 13 milliards $. Plus de 700 entreprises, parmi les plus importantes, ont mis le cadenas sur la porte, jetant 250 000 personnes sur le pavé dans ce pays de 12 millions d'habitants. Dix-huit banques sur 42 ont fermé et les banquiers se sont enfuis du pays avec 1,2 milliard $ des épargnes de la population. Le sucre, la monnaie nationale, a perdu 67% de sa valeur, dont 20% au cours du mois de janvier.

En désespoir de cause, le président Jamil Mahuad a décidé de remplacer la monnaie nationale par le dollar américain, même s'il avait lui-même déclaré une semaine auparavant que la dollarisation de l'économie jetterait le pays dans l'abîme . En fait, c'est exactement ce qui s'est passé.

Des Parlements populaires

Pendant que les partis de droite appuyaient l'initiative de Mahuad, les mouvements sociaux, les partis de gauche et surtout le mouvement autochtone traçaient la voie révolutionnaire en appelant à la destitution du président, à la dissolution de l'Assemblée législative et de la Cour suprême.

En même temps, sous l'initiative du mouvement autochtone, dans les 21 provinces du pays, étaient mises en place les structures d'un gouvernement parallèle, avec la création des Parle-ments populaires où les citoyens étaient invités à débattre des moyens devant être mis en oeuvre pour venir à bout de la crise et à discuter du type d'économie qu'ils désiraient. Tous ces parlements populaires ont envoyé à Quito plus de 1 000 délégués pour siéger au Parlement des peuples de l'Équateur qui s'est ouvert le 11 janvier. À l'ordre du jour, des débats sur un nouveau type de démocratie, un nouveau modèle économique et une nouvelle éthique de gouvernement.

Une junte de salut national

Le 21 janvier, le mouvement populaire passe à l'action et s'empare du Congrès national, de la Cour Suprême et entoure la Banque centrale. Surprise! Des militaires, dont deux cents officiers de niveau intermédiaire, se joignent aux insurgés. Nous ne pouvons, disent-ils, braquer nos fusils sur nos frères pour protéger les politiciens corrompus . À travers le pays, le mouvement autochtone s'empare des gouvernements provinciaux et des municipalités.

À Quito, les insurgés mettent en place un nouveau Parlement populaire dans l'édifice du Congrès et nomment une junte de salut national sous la direction principalement de Antonia Vargas, le président de la Confédération des Nationalités autochtones de l'Équateur, et du Colonel Lucio Gutierrez, jeune officier des forces armées.

Puis, vers 17 heures, les insurgés se mettent en route vers le Palais national pour y déloger le président Jamil Mahuad. Le haut-commandement militaire avertit Mahuad qu'il ne pourra plus assurer sa sécurité. Il abandonne le siège du gouvernement et la junte prend possession du Palais national.

Double coup de théâtre

À 19 heures, le chef du des forces armées, le Général Carlos Mendoza, arrive au Palais national et entame des discussions secrètes avec les chefs de la Rébellion. Au même moment, des milliers de manifestants envahissent la plaza devant le Palais national pour apporter leur soutien au nouveau parlement Populaire.

Peu avant minuit, premier coup de théâtre 0 le Colonel Guttierrez annonce que sa mission est accomplie et qu'il cède sa place, au sein de la junte, au Général Mendoza. Ce dernier annonce alors la formation d'un triumvirat civil-militaire, composé de lui-même, de Antonio Vargas, le représentant du mouvement autochtone, et de Carlos Solorzano, un ancien président de la Cour suprême.

À trois heures du matin, alors que la foule s'est dispersée, nouveau coup de théâtre 0 le général Mendoza annonce cette fois qu'il se retire du triumvirat et qu'il confie le pouvoir au vice-président Noboa. L'insurrection est terminée. La répression s'enclenche. Au petit matin, les officiers militaires qui avaient appuyé le coup sont arrêtés et jetés en prison. Les leaders autochtones ont pris le chemin de la clandestinité. Ce même matin, le Congrès équatorien se réunit en session spéciale, non pas à Quito la capitale, mais à Guayaquil, une ville côtière, et légitime la nomination de Noboa à la présidence.

Pressions américaines

Que s'est-il donc passé ? Dans ses déclarations à la presse, Mendoza reconnaît qu'il a volontairement trompé les insurgés et qu'il n'avait aucune intention de permettre à la junte de gouverner. Il admet également avoir été en contact constant avec le Départe-ment d'État américain. Soulignons que le général Mendoza a reçu sa formation militaire à la base de Lakeland en Floride et à celle de Fort Rucker en Alabama.

Les États-Unis et tous les pays environnants (à l'exception du Vénézuela), ont condamné en termes énergiques l'insurrection, rabaissée évidemment au rang d'un vulgaire coup d'État, en menaçant l'Équateur d'un boycott économique et politique similaire à l'embargo contre Cuba.

Quant à Antonio Vargas, le président de la Confédration autochtone, il a déclaré 0 Nous avons été trahis par des généraux et des amiraux. Mais notre lutte n'est pas terminée et nous reviendrons plus forts lorsque nous nous serons à nouveau mobilisés.

Les causes de l'échec

La description des événements démontre qu'il s'agissait bel et bien d'une véritable révolution et non d'un vulgaire coup d'État. L'insurrection s'est produite à cause de l'extraordinaire mobilisation et du leadership décidé du mouvement autochtone. Les Indiens, concentrés surtout dans la Cordillère des Andes, forment le tiers de la population. C'était là la force de la révolution, mais sa faiblesse vient de son incapacité à s'étendre à la région côtière plus industrialisée et à la principale ville du pays, Guayaquil.

Cependant, la cause principale de l'échec réside dans l'intervention musclée des États-Unis. Un petit pays de 12 millions d'habitants ne peut actuellement penser tenir tête à la superpuissance américaine, le rapport de forces étant par trop défavorable. Mais la situation pourrait être différente si l'empire américain était affaibli par un krach économique et que la flamme révolutionnaire s'étendait aux autres pays de la région.

Déjà, comme l'ont souligné plusieurs commentateurs, le soulèvement d'une partie de l'armée en Équateur, après l'exemple du Vénézuela où des militaires progressistes (avec à leur tête Hugo Chavez) ont pris le pouvoir, est le signe d'un changement profond au sein des forces armées latino-américaines.

Sources 0 Un reportage au jour le jour des événements de Jennifer N. Collins publié sur le site de Zmagazine et des articles de la presse internationale.|187| 
725|Le prix d'une femme|Élaine Audet|

D'une lune à l'autre



Le récent jugement de la Cour suprême sur les danses à $10 restera dans les mémoires comme la légitimation infâme de la mise en marché des femmes. Les tenanciers de bars ont désormais les coudées franches pour maximiser ce marché lucratif, la Cour cautionnant le droit inné des hommes de réduire les femmes à de simples objets de plaisir ou de profit.

On peut mesurer les valeurs de notre société par le degré d'indignation exprimé récemment au Québec. La révolte face à l'octroi fédéral de subventions aux clubs de hockey, à même les surplus de nos impôts, alors que les Urgences débordent et que les malades du cancer doivent aller se faire soigner aux États-Unis, vient en premier lieu. Suit le jugement de la Cour suprême sur la clarté de la question référendaire et de la majorité. En troisième lieu, viennent les protestations vite apaisées contre le jugement cautionnant les danses à $10. Il y a tout lieu de s'interroger sur le type de démocratie qui existe au Canada quand le pouvoir judiciaire prétend dicter ses règles de conduite à l'Assemblée nationale démocratiquement élue au Québec et estime que la prostitution au rabais est socialement tolérable.

Deux femmes sur les trois juges majoritaires, la juge en chef Beverly McLaughlin et Louise Arbour, ont donné raison aux tenanciers de bars. Pourquoi faudrait-il s'en étonner ? Ces femmes font partie de la classe dominante et veulent d'entrée de jeu montrer qu'elles sont, comme les hommes au pouvoir, résolues à en défendre leurs intérêts, avant ceux de leur sexe. L'industrie du divertissement – sport ou sexe – voit à ce que les laissés pour compte du néolibéralisme puissent se “ divertir ” à prix modiques en oubliant de contester le système.

L'imposture du consentement mutuel

On veut nous faire avaler que les danseuses seront avantagées par la libéralisation du commerce sexuel et que la violence masculine s'en verra diminuée. Des études sérieuses ont pourtant démontré que plus on dégrade les femmes, plus les hommes se sentent autorisés à abuser d'elles et à les violenter en se drapant hypocritement dans la notion de consentement mutuel (1). Il est pourtant facile d'imaginer, comme des danseuses l'ont dit dans les médias, qu'aucune d'entre elles n'envisage ce travail sordide de gaieté de cœur.

Il faut être vraiment crétin pour s'imaginer qu'elles ne sont pas dégoûtées de voir des ivrognes vaseux se masturber devant elles, de se faire tripoter par tout un chacun, de se déhancher nue pendant des heures et des heures sous la chaleur des projecteurs ou d'être obligées d'accepter toutes les exigences des clients, si elles ne veulent pas se retrouver dans la rue. Personne ne semble se préoccuper de leur sécurité dans ce milieu dominé par la soif de profit des tenanciers et les fantasmes exacerbés des clients. La vie d'une femme ne vaut pas cher par les temps qui courent.

Des femmes-tables

Pour avoir une idée juste du niveau de mépris et d'exploitation des femmes, il faut voir le film québécois, Le Dernier souffle, qui montre dans un bar des femmes nues à quatre pattes que les clients peuvent tripoter à volonté et dont le dos sert de table pour poser leurs consommations. Personne ne semble s'inquiéter des valeurs et des comportements qu'une telle transformation des femmes en simples objets induisent chez les jeunes, soit le sexisme et la misogynie chez les garçons et le manque d'estime de soi de la part des filles.

Qui a intérêt à nous faire croire qu'il est naturel ou nécessaire pour la stabilité sociale de traiter un autre être humain comme une simple marchandise ? On invoque l'incontrôlable instinct sexuel masculin, la testostérone, pour justifier la prostitution et la pornographie comme exutoire soft. Dans les pays musulmans, les intégristes forcent les femmes à dissimuler sous le tchador leur corps et jusqu'au moindre cheveu sinon les hommes pourraient avoir envie de leur sauter dessus. Personnellement, j'ai toujours appris que seuls les animaux sont incapables de contrôler leurs instincts. Peut-être est-il temps de réviser nos notions de biologie.

(1) Laura Lederer et al, L'envers de la nuit, Montréal, Remue-ménage, 1983.|186| 
726|Plus d'entente avec Coke à l'UQÀM|Anne-Marie Tremblay|

Les étudiants triomphent



Le conseil d'administration de l'UQÀM a décidé, le 12 janvier dernier, de rompre les négociations avec Coca-Cola sur l'entente d'exclusivité qui devait s'étendre sur 10 ans. Les manifestations et la mobilisation des étudiants ont pesé lourd dans la balance.

Un contrat de fidélisation

Le contrat que l'UQÀM s'apprêtait à signer avec Coke était d'une durée de 10 ans. La compagnie déboursait 500 000 $ par année, soit 0,25% du budget de l'UQÀM afin d'avoir l'exclusivité sur les boissons non-alcoolisées. La multinationale comptait augmenter ses ventes de 130%. Si l'objectif de vente n'était pas atteint après dix ans, aux termes du contrat, Coca-Cola bénéficiait gratuitement d'une prolongation de contrat de deux ans. Le nombre de machines distributrices devait tripler et les prix augmenter.

Lors de l'annonce de l'entente de fidélisation entre Coca-Cola et l'UQÀM, la rectrice Mme Paule Leduc, avait bien spécifié qu'elle tiendrait compte de l'avis des étudiantEs lors de sa décision finale. Pourtant, malgré le fait que la majorité des étudiantEs et des syndicats de l'UQÀM se soient prononcés contre l'entente, la rectrice a tout de même donné, le 19 octobre dernier, mandat à son conseil d'administration de négocier avec Coke, soulevant ainsi un tollé.

Des actions

Plusieurs actions ont été prises afin de dénoncer le mercantilisme américain que symbolise Coke. Trois actions majeures ont été entreprises, souligne Daniel Vigneault, responsable général de l'AGEsshalcUQAM (Association générale des secteurs sciences humaines, arts, lettres et communication) ce qui a fini par faire plier la rectrice.

Premièrement, une levée de cours a été décrétée les 23 et 24 novembre par les étudiantEs de sociologie, d'histoire et de politique. Au cours de la deuxième journée, les étudiantEs de sociologie, de politique et d'histoire ont décidé de manifester leur mécontentement à l'extérieur des murs de l'UQÀM. Ils ont d'abord bloqué les rues Saint-Denis et Sainte-Catherine, brandissant de longues guirlandes constituées de canettes de Coca-Cola. Ils ont ensuite manifesté dans les rues du centre-ville. Revenus à leur point de départ, un comité d'accueil comme on sait en réserver à ceux qui contestent, les attendait de pied ferme, matraque à la main.

Collusion avec les policiers

Malgré la proximité des portes de l'UQÀM, les étudiants n'ont pu s'y réfugier. En effet, comme par magie, les portes de l'université se sont verrouillées lors de l'arrivé de l'anti-émeute. Cette manifestation pacifique s'est soldée par 66 arrestations. Les manifestantEs comparaîtront au début de l'été afin de décider si des charges seront retenues contre eux pour avoir troublé la paix et pour attroupement illégal.

Ce sont ces arrestations et la manière cavalière dont l'UQÀM a traité cette affaire qui a mis le feu aux poudres souligne Daniel Vigneault. Les étudiantEs ont commencé à se poser de sérieuses questions par rapport à toute cette affaire. Deux autres manifestations ont donc eu lieu pour réclamer la fin de la négociation avec Coke et la démission de la rectrice Paule Leduc. Face à ces pressions, la rectrice a décidé de reculer.

Bien, sûr, il y a des étudiantEs qui sont en désaccord avec ce recul, explique Daniel Vigneault. Certains viennent chialer aux portes de l'Asso parce qu'ils trouvent qu'on a craché pour rien sur l'argent de Coca-Cola. Mais le financement, surtout versé en bourses, était vraiment minime pour la majorité des étudiantEs. De plus, on a réussi à prouver que, la mobilisation, ça donne des résultats. Mettre de la pression, ça marche si on ne lâche pas son bout et ce, même devant une multinationale multimillionnaire comme Coca-Cola! s'exclame Daniel Vigneault.

La morale de cette histoire0 l'UQÀM, en reculant à cause de la mobilisation de ses étudiantEs fera peut-être jurisprudence en la matière. Plusieurs autres campus universitaires et collégiaux se sont fait passer sous le nez des ententes avec lesquelles ils n'étaient pas d'accord. Espérons que, maintenant, ils sauront qu'unis, il peuvent avoir du poids et de l'influence sur les décisions prises et qui les concernent en tout premier lieu.