La société civile était au rendez-vous

 

Il est maintenant réconfortant de voir que chacune des conférences internationales, où politiciens et lobbyistes des multinationales tentent de régenter et d'organiser le monde à notre place, sont accompagnées d'importantes manifestations où la société civile fait entendre sa voix.

La conférence de Montréal sur la biosécurité n'a pas fait exception. Biotech Action Montréal, GRIP UQAM, Greenpeace international et le Conseil des Canadiens ont organisé un forum d'une journée et une manifestation publique pour dénoncer la libéralisation du commerce des OGM.

Il y a eu des conférences toute la journée à l'UQAM (dont une par Arnaud Apoteker, auteur de Du poisson dans les fraises), une manifestation s'est déroulée dans la rue malgré un froid sibérien et la soirée a été occupée par trois orateurs 0 Maud Barlow présidente du Conseil des Canadiens, Chee Hoke Ling du Third World Network et Jeremy Rifkin, le tout animé d'une façon très humoristique par Daniel Pinard.

Maud Barlow et la mobilisation.

Dans une brève intervention, Maud Barlow a prédit que, bientôt, tous les aliments seront fabriqués par quelques grandes compagnies qui fourniront également les semences, mettant ainsi fin à la tradition millénaire de la conservation des graines pour les récoltes futures. Déjà, McDo et Coca Cola ont envahit le monde et pire encore, là où les paysans ont été chassés de leur terres pour s'agglomérer dans des villes où l'eau manque, comme au Mexique, Barlow a pu voir des bébé nourris avec des biberons emplis de Coca Cola.

Elle appelle donc à la constitution d'un mouvement international puissant. Nous devons montrer notre force 0 jamais plus de conférences derrière des portes closes, dit-elle.

Chee Hoke Ling et la conservation de la diversité

L'Asie du Sud-Est est devenue, selon elle, un vaste champ d'expérimentation pour les OGM. Résultat 0 beaucoup de variétés de riz et, à Bali, des pommes de terre qui avaient une valeur religieuse et culturelle se sont perdues parce que les sols ont été compactés par la machinerie lourde.

Le danger de dissémination de gènes douteux est considérable Si vous avez un véhicule défectueux, dit-elle, vous pouvez toujours le rappeler alors qu'un gène perdu dans la nature ne peut pas l'être.

Elle demande un protocole sur la biosécurité très complet et très hermétique, incluant les produits pharmaceutiques ainsi qu'une responsabilité légale pour les nuisances possibles.

Jeremy Rifkins. Apocalypse now ?

L'orateur, auteur de 15 livres, dont les deux derniers, Le siècle BioTech et La fin du travail, publiés chez Boréal, dresse un tableau assez effrayant des conséquences possibles de la généralisation du génie génétique.

Déjà, la transgression de la barrière des espèces est une aventure périlleuse (gène de luciole inséré dans le code génétique d'une souris pour la rendre luminescente), mais la création d'animaux chimères et le clonage à partir de gènes humains sont porteurs de conséquences encore plus imprévisibles.

Il s'insurge aussi contre le brevetage du vivant. Ainsi, l'ex-traction d'un gène deviendrait, comme dans le milieu pharmaceutique, une invention avec un brevet pour 20 ans. Il y a déjà une recherche intensive de gènes qui se fait dans le monde entier et les pays d'où on les extrait réclament une compensation. Jeremy Rifkins va jusqu'à prédire une guerre pour les gènes .

Quant aux semences modifiées, elles restent la propriété du fournisseur (tel Monsanto) qui loue de l'ADN à un fermier pour une saison.

Pour lui, tout cela est illégal. Ces gènes n'appartiennent à personne, ils sont le fonds commun de l'humanité.

Autre exemple 0 une plante dotée d'un gène à propriétés herbicides va provoquer la croissance d'herbes résistantes. De même, les plantes résistantes aux insectes vont tuer indistinctement les insectes nuisibles et ceux qui sont utiles. Chaque cellule d'un grain de maïs transgénique devient une usine qui va produire des toxines insecticides 24 heures par jour. Conclusion 0 il faut bannir les OGM jusqu'à ce qu'on en sache davantage sur leurs effets (si jamais cela est possible).

Enfin, l'orateur termine sur une bien curieuse réflexion concernant la modification du génome humain. D'après lui, cela pourrait conduire à une forme d'eugénisme, la pire des aberrations. On pourrait alors sélectionner les candidats à un poste selon leurs prédispositions génétiques. Que dirait l'enfant à ses parents qui n'auraient pu lui payer un bon génome?

Tout cela doit conduire, selon Jeremy Rifkin, à une législation très sévère et à des débats approfondis. D'autant plus qu'il existe des alternatives valables telles que la culture organique, il faut toujours choisir la voie qui garde le contact avec la nature.

Des informations qui laissent songeurs et qui invitent à suivre ces dossiers de près.