Le Lac-Saint-Jean, victime de la mondialisation.

 

Le Lac-Saint-Jean et le Saguenay sont des régions-ressources typiques dont le sort est lié en grande partie à des grosses compagnies à qui nos gouvernants ont concédé pour presque rien l'exploitation des ressources. Ainsi, le Lac-Saint-Jean et les grandes rivières qui l'alimentent sont harnachés à jamais par les grands barrages hydroélectriques de la puissante Alcan et les immenses forêts, qui couvrent la majeure partie du territoire, sont concédées aux grandes papetières, 25 ans à l'avance.

Depuis quelques années, l'emploi et la population sont en chute libre dans cette région. Déjà, la mécanisation des emplois en agriculture, en forêt et en usine, ajoutée aux politiques centralisatrices de nos gouvernements, avait fait disparaître en 50 ans près de 75% des emplois. La dénatalité est venue s'ajouter, avec les résultats qu'on connaît0 taux records de chômage, exode des jeunes, baisse et vieillissement de la population, dégradation de la qualité de vie, augmentation de la dépendance et de l'exclusion sociale.

De plus, la pression exercée sur les ressources et l'environnement de la région par cette productivité accrue a contribué entre temps, à détériorer gravement le potentiel de la région0 coupes à blanc bien au-delà du 50ème parallèle, déboisement des versants des grandes rivières, haut niveau de pollution par les HAP, les furanes et les dioxines, érosion des berges du Lac, etc.

Les retombées de la mondialisation

Et voilà que la vague des fusions, concentrations et rationalisations provoquée par la mondialisation néolibérale, tant dans le privé que le public, vient porter un autre coup mortel à ces communautés déjà désorganisées par les effets de la productivité croissante des grandes entreprises. Avec ses nouvelles usines, dont celle d'Alma qu'on dit être le plus gros chantier au monde, Alcan (maintenant fusionnée avec Péchiney aura au total moins d'employés avec 4 usines qu'elle n'en avait il y a une trentaine d'année dans sa seule usine d'Arvida.

Après Alcan, Alliance et Abitibi Paper, la dernière fusion qui frappe de plein fouet la région est celle des papetières Abitibi-Consolidated et Donohue (Québecor), désormais première au monde, avec l'annonce de coupures de production et de fermetures d'usines (en plus de Chandler) qui ont toutes les chances de se situer au Saguenay-Lac-Saint-Jean où sont localisées 4 des papeteries concernées et 7 scieries, avec les concessions et travailleurs forestiers qui y sont rattachés.

Au plan des rivières, les projets de barrages refont surface, sous la forme de mini-centrales exploitées par des compagnies privées0 rivière Mistassini à Dolbeau, rivière Alex à St-Ludger-de-Milot, rivière Ashoumoushouan à St-Félicien.

À cela, il faut ajouter le virage industriel rapide qui s'opère sans l'agriculture, encouragé par l'Union des producteurs agricoles (sous la pression des producteurs de porcs dont fait partie le président Laurent Pellerin) et par le gouvernement, qui veut doubler les exportations agricoles. La coopérative NUTRINOR de Saint-Bruno vient d'annoncer un projet de production de plus de 50 000 porcs par année dans la région pour financer sa nouvelle meunerie. La concentration et même l'intégration des entreprises agricoles de plus en plus industrielles, en plus d'accentuer la dégradation de l'environnement et des paysages, contribue à son tour au démantèlement et à la diminution spectaculaire des fermes familiales (30% en 10 ans), aggravant d'autant, à moyen terme, les problèmes de dépeuplement et d'occupation du territoire.

La folie des coupures et des rationalisations déclenchées dans les services publics par l'opération du déficit zéro et de dérèglementation est venue renforcer ce mouvement qui laisse, au Lac-St-Jean comme dans les autres régions périphériques, les communautés locales en panne et en marge de la croissance économique mensongère dont font état les statistiques officielles puisqu'elle se fait de plus en plus sans les communautés locales et à leurs dépens.

Le défi du développement local

La population du Lac-St-Jean déploie pourtant une énergie et une créativité remarquables pour tenter de freiner la décroissance en créant, dans tous les secteurs et à même ses propres moyens, de nouvelles façons de tirer profit des ressources locales0 projets de forêt habitée et multifonctionnelle à Normandin, à La Dorée et à Péribonka; production organisée et mise en marché du bleuet par des groupes coopératifs; culture et mise en marché des fruits sauvages caractéristiques de la région par Les Jardins Maria Chapdelaine; productions maraîchères et laitières biologiques avec transformation locale; mise en place de produits et d'infrastructures touristiques pour mettre en valeur la grande nature de ce pays de forêt et de grandes rivières nordiques; entreprises d'économie sociale pour prendre en charge les victimes de la décroissance; dynamisme exceptionnel des organismes de soutien au développement local; création récente d'une nouvelle formation collégiale en développement local au Cegep de St-Félicien, etc.

Force est de constater cependant que, jusqu'ici, ces initiatives sont restées impuissantes à freiner de façon significative les effets dévastateurs du rouleau compresseur de la nouvelle économie néolibérale et des politiques sectorielles centralisées et centralisatrices du gouvernement, qui contribuent toutes pratiquement à vider les régions périphériques. Ces efforts populaires sont confrontés de toutes parts aux monopoles qui confisquent les ressources et le territoire d'une part, et au refus de l'État de confier aux communautés locales un pouvoir réel de gestion intégrée de leur territoire. En dehors des grands pôles de croissance et des grands ensembles, pas de salut! En dehors du marché mondial, pas de développement!

Après les Patriotes gaspésiens, verra-t-on bientôt les Patriotes du Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi, du Bas-Saint-Laurent monter à l'assaut de Montréal et mettre nos dirigeants politiques et économiques en accusation de génocide économique devant les tribunaux internationaux?