Le retour de Sartre

 

Durant un quart de siècle, de l'après-guerre à la fin des années 1960, Jean-Paul Sartre a incarné la figure de l'intellectuel total engagé dans de multiples luttes en faveur des défavorisés et des exploités de l'ensemble de la planète. Éclipsé par la montée des structuralistes et des nouveaux philosophes durant les années 1970, il avait connu une sorte de purgatoire au cours des deux dernières décennies où l'on semblait bien l'avoir oublié.

Or, voici que vingt ans après sa mort, il retrouve une seconde vie. Ironiquement, c'est à travers la plume d'un de ceux qui l'avaient enterré naguère, Bernard-Henri Lévy, intellectuel médiatique aussi frivole que narcissique, qu'il est relancé dans un essai échevelé porté aux nues par une bruyante campagne publicitaire.

La thèse centrale du livre de Lévy ne tient pas la route. Elle oppose à un premier bon Sartre, anti-humaniste de La nausée, un second méchant Sartre, humaniste et par suite partisan des totalitarismes de gauche, hypothèse qui ne prend pas en compte la profonde unité de l'oeuvre et de la trajectoire de l'écrivain-philosophe par-delà ses ruptures apparentes. Cela dit, le livre contient quelques passages plus pertinents sur certains aspects de cette énorme entreprise, notamment sur Les chemins de la liberté, et qui donnent envie de relire ces gros romans.

Pour mettre en perspective l'interprétation souvent fantaisiste de Lévy, on aura intérêt à lire l'essai récent, plus austère, de Marc Petit, La cause de Sartre (P.U.F., 2000) et la biographie toujours éclairante d'Annie Cohen Solal, Sartre 1905-1980, (Gallimard, 1985, maintenant en folio).

Le Siècle de Sartre

Bernard-Henry Lévy

Grasset - 2000