Forum mondial de l'eau ou Foire commerciale ?

 

Sylvie Paquerot, chercheure en droit international et co-fondatrice de l'Association québécoise pour le contrat mondial de l'eau était présente à La Haye et elle nous a, dans une allocution passionnée, fait part de ses mauvaises impressions sur ce sommet. Ces quelques extraits des notes qu'elle nous a obligeamment communiquées tentent de refléter le plus fidèlement possible sa pensée. Les sous-titres sont des citations).

La nouvelle société civile internationale

Pour elle, il y a une ambiguïté de plus en plus grande sur le statut des ONG (Organismes non gouvernementaux) et de la société civile. Les multinationales se sont fort habilement emparé de ces appellations et sont omniprésentes dans les grands organismes aux côtés de la Banque mondiale, prépondérante dans ce dossier avec son vice-président, M. Serageldin (la bête noire de notre Sylvie).

Absence notable des services publics

Les entreprises publiques, l'un des principaux acteurs de la scène de l'eau dans les faits, n'avaient pas été invitées, souligne-t-elle. Les réalisations effectuées par ces entreprises n'ont donc pas été présentées, ce qui, joint au préjugé défavorable systématique envers les pays du Sud, tendait à renforcer l'exigence de partenariats public-privés (où le privé tiendrait toute la place évidemment).

Les empêcheurs d'agir en rond

Pour M. Serageldin, rapporte-t-elle, il faut éviter les débats idéologiques et agir. Ainsi se trouvait balayée la discussion sur le droit fondamental de tous à l'eau, patrimoine commun de l'humanité. Cette harmonie, planifiée à l'avance entre gouvernements, sociétés privées et beaucoup d'ONG, excluait comme fauteurs de troubles les rares contestataires de la tendance dominante.

Le contexte des Amériques et de l'intégration continentale

Mme Paquerot a observé que le Canada était aux premières loges à ce forum mondial de l'eau. À la conférence ministérielle, il s'est opposé à l'inclusion du droit fondamental et plusieurs Canadiens de poids ont endossé l'idée de l'eau bien économique . Déjà, le contexte Canada-USA à l'intérieur de l'ALENA pose de nombreux problèmes. Cette problématique particulière aux Amériques va s'amplifier lors du Sommet des Amériques à Québec en 2001 avec la proposition de l'établissement d'une ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques) et nous devons déjà nous préparer à y faire face.

Les interventions de la salle

Les interventions qui ont suivi ces deux exposés ont été d'une rare qualité. Jean Lapalme, membre de l'association québécoise Eau-Secours ! (également présent à La Haye) et André Stainier, président de l'association Les Amis de la Vallée du St-Laurent, sont intervenus ainsi qu'un groupe nouvellement formé par les cols bleus de Montréal Eaux Aguets qui tend à s'opposer à la privatisation de la distribution dans la ville.

Plusieurs points intéressants en sont ressortis. En particulier, se pose la question de savoir s'il est opportun pour les organisations de participer à de tels sommets plutôt que d'organiser des conférences parallèles. La définition de ce que l'on entend par société civile a aussi été soulevée.