La femme alibi

 

Propos d'une physicienne sur la situation de la femme de science

Lucie Gauthier

Carte Blanche, 2000

Déplorer le trop petit nombre de femmes en politique est de bon ton, mais leur rôle subalterne dans le monde des sciences fait encore moins de vagues chez les scientifiques que dans le grand public. Lucie Gauthier aborde le problème dans un excellent petit livre témoignage où elle retrace les étapes de son parcours dans cet univers exclusivement masculin.

Docteure en physique théorique dès 1973, elle est sans doute la première physicienne québécoise à avoir exercé sa profession, comme elle le précise, jusqu'à la retraite. Dans les circonstances, c'est un exploit. , en illustrant elle-même ses livres. Après avoir vécu, dans la trentaine, l'époque de la discrimination totale, je me suis retrouvée, au début de la quarantaine, dans celle de la femme alibi.

Pendant toute sa carrière à Hydro-Québec, la fonction de Lucie Gauthier aura été de donner bonne figure à un groupe de chercheurs dont elle est exclue malgré ses compétences. On ne demande pas à la femme de science de faire de la science, mais de la vendre et de remplir des tâches de vulgarisation scientifique, d'organisation de congrès et de relations publiques.

La situation est-elle près de changer ? Sûrement pas sans des mesures incitatives. La physicienne se souvient que certains collègues lui ont rendu le climat moins hostile. En partageant le repas du midi avec moi, note-t-elle avec ironie. On est à des années-lumière du couple Joliot-Curie. (J.C.G.)