Deboutte jusqu’au boutte

 


Téléphonistes d’Entraide diabétique



Les 43 travailleuses et travailleurs de l’Entraide diabétique de Montréal ont adhéré au Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP-FTQ), en septembre 1999, pour améliorer leurs conditions de travail et mettre fin aux abus du boss. La partie patronale refusant de négocier de bonne foi, les syndiquées, majoritairement des femmes, ont décidé de sortir en grève le 14 avril dernier. Pour toute réponse, l’employeur met la clef dans la porte le 12 juillet prochain, afin de se débarrasser du syndicat, malgré des demandes plus que raisonnables des salariées.

L'Entraide diabétique est un organisme sans but lucratif qui amasse des vêtements usagés pour financer la recherche sur le diabète. Ces vêtements sont ensuite vendus au volume pour environ 8 $ la poche au Village des Valeurs. Lors des négociations, le patron a refusé tout réajustement de salaire de ses employées, qui gagnent à peine plus que le salaire minimum (certaine téléphoniste ont quatre ans d’ancienneté et gagnent 7,15 $ de l’heure). «C’est un droit de se syndiquer pour être capable de se défendre contre les patrons qui abusent de leurs employés. On se syndique, mais l’employeur ferme l’entreprise. Il se fout carrément de nous. Les lois du travail devraient interdire de telles pratiques», déclare Louise Mongeault, présidente de l’unité syndicale.

Des conditions de travail déplorables

«Notre local de travail était trop petit et mal entretenu. On y respirait mal et on manquait de matériel pour bien faire notre job. Une fille était obligée de travailler sur une boîte de carton virée à l’envers, parce qu’il n’y avait pas suffisament de bureau», ajoute Anna Laramée, travailleuse dans l’entreprise. «Malgré tout, le patron nous disait 0 soyez productifs !» Les six camionneurs effectuaient environ 500 collectes de vêtements par jour, cinq jours par semaine... et le boss n’a toujours pas les moyens de payer décemment ses téléphonistes et ses chauffeurs de camion. Pourtant, les syndiquées ont accepté de réajuster leurs demandes selon la capacité de payer du boss, pour ne pas nuire à la cause du diabète.

Un job d’avenir ?

«Le télémarketing est un milieu de travail terriblement dur, où on exige beaucoup des gens. Si on veut faire de Montréal la plaque tournante du télémarketing, ce sera surement la plaque tournante du cheap labor. En se basant sur ce qu’on voit à l’heure actuelle, ce sont des métiers difficiles, peu payants, et sous pression. Une téléphoniste peut faire jusqu’à 400 appels par jour. Avec l’exemple qu’on a ici, quelle sera la qualité de ces emplois ?» note Manon Dubuc, conseillère syndicale du SCEP-FTQ.

Vendre de la guenille sur le dos des pauvres, ça paye !

Saviez-vous que deux organismes, la Fondation québécoise de la déficience intellectuelle (FQDI) et l’Entraide diabétique du Québec (EDQ), recueillent officiellement des vêtements et divers objets pour le compte de la multinationale américaine Village des Valeurs ? Les employés de la la Fondation de la déficience intellectuelle et de l’Entraide diabétique téléphonent chez vous pour solliciter des dons de vêtements usagés qu’ils viendront chercher par camion. Ensuite, ils seront vendus au Village des Valeurs. Mais où va l’argent ? Sûrement pas dans les poches des téléphonistes et des camionneurs.

Selon le magazine Option consommateurs de l’automne 1999, les profits ne sont pas tous versés aux organismes de charité, soit l’Association du Québec pour l’intégration sociale (AQIS) et l’Association du diabète du Québec (ADQ), toutes deux fondatrices de l’Entraide diabétique et de la Fondation de la déficience intellectuelle. En 1997, la Fondation de la déficience intellectuelle a amassé près de 3 millions de dollars et remis

300 000 $, soit moins de 10 % de ses recettes, à des œuvres de charité. Quant à l’Entraide diabétique, elle a récolté plus de 2 millions de dollars et donné 97 000 $ à l’ADQ, moins de 5 % de ses recettes. Le même magazine nous apprend que la Fondation de la déficience intellectuelle accuse un gouffre de un million de dollars dans sa comptabilité et que l’AQIS est propriétaire d’un immeuble évalué à un demi-million de dollars. La question se pose alors 0 quels sont les liens entre Village des Valeurs et ces organismes de bienfaiteurs ? Comme quoi, vendre de la guenille sur le dos des pauvres, c’est payant. Et comme le dit si bien le dicton, charité bien ordonnée commence par soi-même, surtout pour les «crosseurs».