La démocratie en marche

 

Les pétrolières empochent

En cinq mois, les trois grandes pétrolières actives au Québec ont doublé leur marge de profit sur le raffinage de l’essence. Alors qu’elles prélevaient 4,5 cents le litre en janvier dernier, elles empochaient 9,5 cents le litre en mai. Esso, Pétro Canada et Shell sont ainsi responsables de 70 % de la hausse du pétrole à la pompe.

En fait, les profits des entreprises en question ont, de leur propre aveu, augmenté respectivement de 116, 111 et 92 %, durant le premier trimestre de cette année, par rapport à la même période l’an dernier. Pour s’excuser de cette augmentation pour le moins phénoménale des profits, un porte-parole de l’Association des raffineurs de pétrole canadiens rappelait que ce taux de croissance reste, selon lui, inférieur à celui des grandes banques, laissant entendre que si les banques sont autorisées à fourrer le monde, pourquoi pas les marchands de pétrole ? Au fait, quel a été le pourcentage d’augmentation du revenu des travailleurs au cours des, disons... cinq dernières années ?

Un total de 36,6 % du prix d’un litre d’essence vendu à Montréal revient en taxe aux deux paliers de gouvernement impliqués. Québec touche 22 cents et Ottawa 14,6 cents sur un litre payé 75,9 cents à la pompe. Une augmentation aussi importante profite aussi aux gouvernements, qui ne font rien pour l’empêcher.

On se vend, mais pas à n’importe qui

Nouvelle manifestation de soumission du colonisé québécois aux intérêts du colonisateur 0 la famille Chagnon ne consentira à vendre Vidéotron qu’aux Anglais et à personne d’autre. C’est en effet ce qu’implique la récente déclaration du président de l’entreprise, Claude Chagnon. Ce dernier affirme que même si la Caisse de dépôt parvenait à bloquer la transaction qu’il tente de négocier avec Rogers Communications, «elle ne pourrait tout de même pas nous forcer à vendre cette entreprise que ma famille et moi avons bâtie depuis 35 ans, à Québécor ou à qui que ce soit d’autre.»

Les patrons criminels en prison

Lorsqu’un travailleur est blessé ou tué dans un accident de travail par suite de négligence de la part de l’employeur, ce dernier doit en être tenu criminellement responsable et les dirigeants de l’entreprise soumis aux mêmes peines que les individus reconnus coupables de faire du mal à autrui. Tel est l’avis de 65 % des Canadiens, exprimé dans un sondage effectué du 26 mai au 6 juin dernier auprès de mille personnes par la maison Pollara, pour le compte des Métallurgistes unis d’Amérique, qui représentent 190 000 travailleurs, affiliés au Congrès du travail du Canada.

85 % des personnes interrogées conseilleraient à leur député d’approuver un amendement au code criminel visant à permettre d’imposer des amendes et des peines d’emprisonnement aux dirigeants d’une entreprise reconnue criminellement responsable de la mort ou de blessures subies par un employé dans l’exercice de son travail. Et justement, la chef néo-démocrate Alexa McDonough et le député conservateur Peter McKay se sont unis pour soumettre au Comité permanent de la Justice, à Ottawa, des modifications au code criminel afin d’y introduire cette notion d’imputabilité à l’endroit des employeurs négligeants ou imprudents. Tous deux représentent des comtés de Nouvelle-Écosse, province où 26 travailleurs ont été tués, il y a huit ans, dans la mine de Westray. Les familles des victimes demeurent, à ce jour, dans l’impossibilité de tenir les dirigeants de la mine responsables.

Le parapublic fait de bonnes affaires

La Caisse de dépôt et de placement du Québec investit 150 millions de dollars pour regrouper ses 1 000 employés de Montréal dans un édifice de 600 000 pieds carrés sur 13 étages, qui sera construit près du Palais des congrès. En fait, l’immeuble à bureaux coûtera 102 millions de dollars, mais on y adjoindra un stationnement souterrain de 1200 places. Beaucoup d’argent... et qui rapportera sans doute davantage encore, puisque la Caisse de dépôt a pour fonction de faire fructifier l’économie.

Mais quelle économie ? Celle des nantis qui s’échangent des immeubles à coups de centaines de millions de dollars pendant qu’à quelques pâtés de maison de ce haut-lieu du grenouillage financier, des milliers de citoyens sont mal logés ou pas logés du tout, et qu’on tergiverse sur la possibilité de peut-être, hypothétiquement, prendre des initiatives positives en vue de leur bien-être, comme le dirait tout politicien.

Or, la Caisse de dépôt et de placement est un organisme parapublic, c’est-à-dire dont le financement provient autant du secteur public que privé, sans dépendre d’aucun ministère particulier. Ce statut lui permet d’échapper au contrôle ministériel, un mécanisme pourtant essentiel au bon fonctionnement de la démocratie. Qui va toucher les profits des nombreux immeubles que la Caisse entend mettre en vente prochainement ? Certainement pas les mal logés et les sans-abri.

La paille et la poutre

«Je suis sidéré par la réaction de cet homme... qui n’écoute personne, qui n’entend pas la voix de la raison... Il y a un blocage psychologique, je dirais même pathologique. C’est très grave 0 aucune discussion, aucune porte ouverte pour des négociations, aucune manifestation de souplesse ou d’ouverture... Cette réaction doit nous plonger dans une réflexion profonde sur la capacité de cet homme d’assumer ses fonctions.»

Ces propos du premier ministre québécois, Lucien Bouchard, à l’endroit de son homologue fédéral, Jean Chrétien, sont tout à fait justifiables en l’occurrence. Mais au fond, ne pourraient-ils pas s’appliquer à la majorité des politichiens et politichiennes participant à nos structures dites démocratiques ? Par exemple, ne conviennent-elles pas parfaitement mot à mot à l’attitude de Lucien Bouchard lui-même face aux autorités municipales et aux citoyens des municipalités qu’un projet de loi de son gouvernement tente de regrouper contre leur gré ?