Le colza transgénique canadien contamine l’Europe

 


Vol au-dessus d’un champ de colza



En avril dernier un laboratoire de contrôle allemand découvrait, par hasard, qu’un lot de semences de colza contenait un petit pourcentage de graines génétiquement modifiées (OGM). Ce fait, relativement banal, allait relancer toute la polémique sur la biotechnologie agricole et ses impacts possibles sur l’environnement et la santé humaine.

Rappelons brièvement les faits. L’enquête effectuée après cette découverte devait révéler que ces semences «contaminées» provenaient de la société anglo-néerlandaise Advanta. Importées du Canada, elles avaient été produites par l’Alberta en 1998. Alors que l’Europe interdit la culture du colza transgénique, quatre pays étaient affectés. Selon le quotidien français Le Monde1, près de 15 000 hectares avaient été ensemencés avec ces graines 0 13 500 en Grande-Bretagne, 600 en France, 400 en Allemagne et quelques dizaines en Suède.

C’est ce dernier pays qui devait réagir le premier et ordonner l’arrachage de ces plants. La France suivit après une confrontation entre la ministre de l’Environnement Dominique Voynet (Parti Vert) et le ministre de l’Agriculture Jean Glavany (Socialiste), réfractaire au début. Les Allemands et les Anglais n’ont pas jugé cette destruction nécessaire.

La prudence européenne et le mercantilisme américain

L’Europe, championne du «principe de précaution» en ce domaine, a pu constater à cette occasion l’urgence de la mise en place d’une réglementation précise et de contrôles systématiques. Le caractère purement accidentel de la découverte de ces semences OGM en dit long sur la présence très probable de nombreuses autres contaminations. Par contre la population, échaudée par les problèmes de la vache folle et du poulet à la dioxine, réagit toujours fortement.

En Amérique et notamment au Canada, par contre, c’est avec une quasi indifférence que nous consommons ces produits dont 60% de nos aliments renferment des traces. La réglementation y est pratiquement inexistante ou inefficace et l’on comprend facilement pourquoi. Il y a un conflit d’intérêts évident entre santé publique et commerce international. Au Canada, 60 % du colza produit est transgénique. Des centaines de milliers d’hectares produisent la fameuse huile de canola (CANadian Oil Low in erucid Acid). Comment s’étonner que les graines exportées soient mélangées, quand la réglementation ne requiert qu’une distance de 800 mètres entre les champs de colza normal et ceux de colza transgénique.

Et notre santé dans tout ça ?

Pourquoi ces manipulations ? Si l’on prend l’exemple du colza Roundup Ready de Monsanto, il s’agit d’insérer dans le code génétique de la plante un gène étranger lui conférant une résistance à un herbicide spécifique, le Round Up dans ce cas précis. Il suffira ensuite d’un seul épandage de ce produit pour éliminer les mauvaises herbes, facilitant ainsi le travail des agriculteurs.

Le problème pour l’environnement est que le colza ainsi traité peut transmettre cette résistance à des espèces voisines comme la moutarde sauvage, créant ainsi des super mauvaises herbes qu’il sera ensuite difficile de détruire.

En ce qui concerne notre santé, lorsque l’on sait que les vecteurs utilisés lors de l’insertion d’un gène étranger dans une molécule d’ADN sont souvent des virus comme le VMCF (virus de la mosaïque du choux-fleur) apparenté à celui de l’hépatite B et au VIH, et que les marqueurs qui servent à identifier les réussites sont des facteurs de résistance aux antibiotiques, on peut se faire du souci. A-t-on déjà oublié la mutation du virus de la grippe (dite espagnole) qui avait fait plus de 25 millions de morts en 1918 ?

Et comme, face à ces risques potentiels, en plus de l’augmentation déjà constatée des allergies, le colza ainsi modifié aurait, selon certaines études, un rendement de 20 % inférieur au colza naturel, on peut se demander sérieusement si le jeu en vaut la chandelle.

Une nouvelle facétie de Monsanto

Cette géante de l'agro-alimentaire poursuit un fermier de la Saskatchewan pour avoir ensemencé, sans en payer les droits, ses champs avec ce même colza transgénique qui vient d'ameuter l'Europe (voir l'article ci-contre).

De son côté, Percy Schmeiser, l'agriculteur incriminé, poursuit la compagnie pour avoir contaminé ses champs et y avoir pénétré sans son autorisation.

Le fermier aurait été dénoncé par ses voisins, dit Monsanto, en omettant de préciser qu'elle a elle-même encouragé cette odieuse pratique, en plus d'engager des Pinkerton pour surveiller les campagnes.

On se souviendra bien sûr que cette vertueuse multinationale a fabriqué, lors de la guerre du Vietnam, l'Agent Orange, défoliant de triste mémoire, dont de très nombreux Vietnamiens (et quelques GI) subissent encore les effets.

Dans le cas présent, compte tenu de la proximité des champs avec et sans OGM, il faudra sans doute trouver le moyen d'infléchir la direction des vents et établir des tours de contrôle pour diriger le vol des abeilles (sans parler des droits d'auteur à payer aux ruches ayant réalisé des pollinisations originales).

Ni George Orwell dans son 1984, ni Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes n'avaient prévu dans leur univers déshumanisé cette forme de dictature 0 celle des marchands.

(1) Kempf, Hervé, Le Monde, 22 mai 2000.