La démocratie en marche

 

Diane veut faire partie de la gang

Suite à la volte-face du gouvernement en matière de droit à la sous-traitance, les syndicats ont décidé de ne pas se laisser faire. Intéressante levée de boucliers en effet que leur intrusion au Conseil national du Parti québécois à Trois-Rivières, au cours de la dernière fin de semaine d’août.

Quelque 200 membres du Conseil provincial du secteur municipal, affilié au Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ), ont riposté fièrement à cette nouvelle gifle à la gueule des travailleurs par un gouvernement qui continue de les mépriser tout en léchant les bottes des boss.

Diane Lemieux, ministre d’État au Travail et à l’Emploi, souscrit en effet dorénavant à la thèse patronale voulant que « la sous-traitance encourage la spécialisation et partant, l’efficacité, deux qualités essentielles dont le monde du travail québécois ne peut se priver, sous peine de faire bande à part en Amérique ». AMI exige.

La ministre a décidé de revenir sur sa parole et de tenter de satisfaire le patronat. Après tout, ce sont les nantis qui fournissent les fonds aux partis – quels qu’ils soient d’ailleurs.

Après avoir écarté, au printemps, toute possibilité de modification aux articles 45 et 46 du Code du travail, visant à prévenir que les entreprises syndiquées puissent céder certaines activités en sous-traitance, Mme Lemieux est revenue sur sa parole et avait annoncé qu’il y aura révision des articles de loi en question. Que s’est-il passé entre-temps ?

Le Taillon de Diane

La ministre, accoutumée aux bourdes dès qu’on lui confie la moindre fonction de responsabilité, a rencontré, en juin, le président du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Gilles Taillon.

Ce dernier lui a présenté une proposition dite de compromis en vertu de laquelle la sous-traitance ne pourrait être interdite aux entreprises que s’il était possible (à qui ?, on se le demande) de démontrer que le contrat visait — sans le moindre doute — à miner la capacité de représentation syndicale.

Les crimes d’intention sont après tout très faciles à prouver et on imagine le patron d’une grande entreprise subissant un test au détecteur de mensonge afin d’établir s’il visait ou non la perte de crédibilité du syndicat dont il rêve de se débarrasser depuis des années.

Diane aime le trapèze

Mais le CPQ n’est pas le seul responsable du changement de politique de la ministre. Le vice-premier ministre, Bernard Landry, appuie « Mme Lemieux, ma collègue, qui comprend très bien qu’on doit rechercher l’équilibre et que le Québec est avancé socialement, mais doit aussi avancer économiquement. »

Et ce n’est pas grave si le progrès économique freine un peu le progrès social puisque, en bout de ligne, les financiers continuent d’empocher, ce qui leur permet d’appuyer financièrement un parti politique qui fait preuve d’une telle compréhension à leur égard. À M. Landry, la CSN s’est contentée de suggérer de « se mêler de ses affaires ».

Vire capot, vire Picher

On aurait cru, en lisant La Presse du mardi 22 août dernier, que le chroniqueur économique Claude Picher avait viré capot. Rapportant une analyse du Centre d’études stratégiques et internationales, un organisme de Washington, qui mettait le doigt sur un des « effets pervers » (l’expression est celle du chroniqueur lui-même) du libre-échange canado-américain, il soulignait que, depuis la signature des accords en 1989, les exportations canadiennes aux États-Unis avaient presque triplé et représentaient dorénavant 85 % du total de nos exportations vers l’étranger. « Une augmentation phénoménale, soulignait-il avant d’ajouter 0 il saute aux yeux que la dépendance canadienne envers les États-Unis, déjà inquiétante il y a onze ans, est devenue malsaine... Il n’est aucunement exagéré de dire qu’un emploi sur trois dépend du marché américain... une dépendance qui devient de plus en plus dangereuse. »

On imagine sans peine, avec M. Picher, fin observateur, « l’impact dévastateur (c’est encore Claude Picher qui parle) que pourrait avoir une récession américaine sur le marché canadien de l’emploi. »

Le surlendemain cependant, le jeudi 24, Claude Picher, sans doute rappelé à l’ordre par les financiers au service desquels il se dévoue corps et âme (et qu’on peut, sans risque d’erreur, confondre avec ses patrons de Power Corporation) se rétractait en expliquant ses nouvelles positions par « plusieurs commentaires » que lui auraient fait parvenir des « amis lecteurs ».

Reprenant son raisonnement antérieur, il avoue encore une fois 0 « Il tombe sous le sens qu’il y a là une dépendance dangereuse. » Il ne peut cependant pas s’empêcher d’ajouter (sous les conseils de ses amis lecteurs, cela va sans dire) 0 « Pis après ? Si cette “dépendance”, au fond, n’était pas tant néfaste que cela ? »

Et il conclut par une métaphore tout à fait digne de lui 0 « Lorsque les États-Unis éternuent, le Canada attrape le rhume ? Sans doute ! Mais il serait sans doute ( notre journaliste ne doute vraiment de rien – et plutôt deux fois qu’une) pertinent d’ajouter que lorsque les États-Unis gagnent à la mini, le Canada frappe le jack-pot. » Et si les revenus proviennent du capital, M. Picher penche du côté des capitalistes.

Les girouettes font les meilleurs transfuges

Les politiciens ne sont fidèles qu’à eux-mêmes et, dans la majorité des cas, les gestes qu’ils posent ne visent aucunement l’intérêt de ceux qui les ont élus, mais leur promotion personnelle à l’intérieur d’un plan de carrière. On embrasse la politique comme toute autre profession, après avoir tâté du droit ou des affaires et s’être rendu compte que le prestige, la griserie du pouvolir, c’est en politique que ça se trouve.

C’est à Réjean Mc Kinnon, infographe à l’aut’journal, que je dois cette observation très pertinente sur l’inconstance des hommes (et des femmes) politiques. Elle découle des mutations de deux députés bloquistes lesquels choisissaient, il y a peu, de devenir les deux premiers candidats au Québec du nouveau parti de l’Alliance canadienne.

Le fait de passer d’un organisme qui préconise l’indépendance du Québec à un autre qui lui en refuse absolument le droit constitue un revirement pour le moins difficile à expliquer. Un des deux vire-capot, le député de Longueuil, Nic Leblanc, s’y est d’ailleurs fort maladroitement essayé en déclarant 0 « La grande majorité des Québécois ne veulent (sic) pas faire la séparation du Québec. » Étrange de constater que 50,5 % de l’électorat constituent une « grande majorité » s’ils ont voté NON à l’occasion du dernier référendum alors que, pour qu’un OUI soit accepté par les fédéralistes, il doit être appuyé par une majorité des deux tiers.

Mais nos deux lascars sont justement de cette trempe de politiciens de carrière que la conscience n’étouffe aucunement. M. Leblanc a d’ailleurs été député conservateur de 1984 à 1988, avant de passer au Bloc, avec Lucien Bouchard, lui-même vire-capot comme pas un, et comme Jean Charest, lui aussi, on le sait, ex-conservateur.

Notons également que le programme du parti qu’ont choisi les deux transfuges comporte l’interdiction de l’avortement et l’alourdissement des peines de prison pour délinquants mineurs.