La folklorisation d’Octobre 70

 

Trente ans, toutes ses dents, même pas jaunies ! Si vous saviez tous les appels de journalistes reçus ici et là... Tous, à une rare exception près, dans le même sac, malheureusement ! Celui de la chronologie du « Qui a fait quoi ? », du « scoop ». Celui du passé déconnecté, désincarné. Déconnecté par rapport au présent. Désincarné par rapport au passé même. Octobre dégriffé, aseptisé, réduit en quelque sorte au rang de fait divers pour Allo-Police d’intellos. Au mieux, un accident de l’Histoire. Folklorisation, oh que j’en ai rien à foutre !

Ce qui importe c’est le présent, plus précisément le passé dans le présent et vice-versa, en deux mots 0 le changement social, la mobilisation politique. Bref, tout ce qui, profondément, a fait Octobre 70, ce qui a fait tous les Octobres du Québec, tous les Octobres de la planète terre.

Mais quand, en pleine campagne électorale, moult conférences de presse du Parti de la démocratie socialiste n’attirent pas un des médias qui aujourd’hui te courent après – tu comprends vite ! Quand aucun de ces organes de presse ne peut (et ne veut !) désigner un seul de ses représentants à la couverture d’un congrès sur l’unité de la gauche0 tu comprends en maudit là aussi ; d’autant plus lorsque, à la fin de la deuxième journée de l’événement, le journaliste, qui passait par-là une demi-heure après la clôture, veut juste prendre une photo et quelques déclarations à la sauvette ! Quand tu vois le nombre de journalistes affectés aux affaires syndicales et communautaires, c’est-à-dire un gros zéro, et que tu observes la panoplie de pseudo-spécialistes qui couvrent à pleines pages et sur tous les écrans les multiples tendances qui touchent le milieu des affaires, c’est-à-dire celui de leurs grands boss, là aussi t’as pas besoin qu’on te fasse un dessin.

Dans de telles conditions, où règne la pensée unique comme jamais, comment ne pas se surprendre qu’Octobre soit encore d’actualité ! Profondément d’actualité !

La réalité d’Octobre

C’est précisément cette actualité-là, cette réalité-là d’Octobre qui m’intéresse. Pas celle que les grands médias et leurs boss tentent, depuis trente ans, de dénaturer et d’enfermer dans un sac en l’isolant de l’Histoire.

Certes, j’ai la conviction morale que sans les mesures de guerre, il n’y aurait pas eu mort de ministre, mais je suis aussi conscient qu’Octobre 70 est un événement politique qui appartient à un phénomène de changement social révolutionnaire plus large.

Aujourd’hui, cette réalité profonde d’Octobre qui ne se laisse pas enfermer est faite de la résistance à une mondialisation tous azimut, qui n’est rien d’autre qu’une totale «liberté d’exploiter » tout le monde. Cette réalité au fond de nous, elle est faite de luttes contre l’oppression nationale, pour la libération et l’émancipation des peuples, des femmes, des classes populaire et ouvrière et de ces couches grandissantes de gens condamnés à l’exclusion.

Cette réalité-là d’Octobre, d’aujourd’hui comme d’hier, elle passe d’abord dans mon quotidien, comme dans celui de combien d’autres, par l’engagement dans le syndicalisme actif, dans l’action politique du PDS et la construction d’une alternative indépendantiste de gauche, à l’aut’journal et dans l’édification d’une presse populaire large.

C’est la mémoire profonde du changement social et politique qui doit être mise de l’avant, notamment celle qui va de 1837-38 aux mesures de guerre de 1918, de la conscription des années quarante aux grèves des années cinquante et soixante, de la montée du mouvement populaire et de la contestation étudiante du milieu et de la fin des années soixante jusqu’aux Événements de 1970.

Événements d’Octobre qui, sans ces liens socio-politiques d’avant, pendant et après 1970, n’ont aucun sens.

Sous ce rapport, donc, peu d’espoir du côté des médias traditionnels.

Pour l’heure, je concentre mes énergies, avec d’autres, dans des modes de communication parallèle, de formes et d’accès moins onéreux, plus souples et démocratiques, tels le multimédia et la production de cassettes numériques audio et vidéo pour circulation libre et/ou diffusion large (« broadscast ») sous copropriété intellectuelle...

Rendez-vous après octobre 2000, donc ! Après le cirque médiatique à sensation.

Au-delà du livre ou de la fiction, un droit plus large de réplique militante en trente ans, ce n’est certes pas trop exiger!