La résistance au changement

 

Avec la mondialisation et l’établissement partout de politiques économiques sauvages, on assiste à la remise en question de nombreux acquis sociaux et matériels des femmes. Pensons seulement aux téléphonistes de Bell qui ont dû se résigner à travailler pour la moitié de leur salaire et aux nombreuses mises à pied dans des secteurs majoritairement féminins. Le discours antiféministe est à la mesure de la montée de la droite partout dans le monde.

Sur le plan idéologique, le backlash antiféministe, loin de s’atténuer, prend de l’ampleur, les médias de masse ne perdant jamais une occasion de qualifier les féministes d’exacerbées, les accusant d’être allées trop loin, de victimiser aussi bien les femmes que les hommes, d’être responsables du retard scolaire des garçons, de la détresse des hommes, voire de la mort de l’amour.

La mort annoncée du féminisme

Y a-t-il vraiment lieu, sans un profond cynisme, d’appeler au sabordage du féminisme alors que les conditions de vie de la majorité des femmes ne font que se dégrader ? Partout les tâches familiales continuent à reposer principalement sur les femmes, le marché du travail ainsi que le pouvoir économique et politique restent fortement sexués, la majorité des plus pauvres dans le monde continuant à être des femmes.

Plus que jamais, elles sont systématiquement violées lors des guerres, comme on l’a vu récemment en ex-Yougoslavie, en Ouganda, au Timor oriental, etc. La situation inhumaine des femmes en Afghanistan et dans nombre d’autres pays continue d’être tolérée. Le trafic sexuel des femmes et des enfants à l’échelle planétaire est systématisé et banalisé sous l’appellation hypocrite d’industrie du sexe, comme s’il s’agissait d’un travail comme un autre.

Après avoir, pendant des siècles, acculé les femmes au mariage en les gardant ignorantes et hors du domaine public, on cherche aujourd’hui à les pousser vers la prostitution en les réduisant à la misère et au désespoir.

Les chantres féminines de l’ordre établi cherchent, en dénonçant le « politiquement correct » et la « discrimination positive », à occulter l’évidence que ce sont très majoritairement des hommes qui sont responsables et bénéficiaires de la discrimination envers les femmes.

Elles répètent comme un mantra que les femmes et les hommes doivent lutter ensemble. Y a-t-il une femme qui a déjà refusé la solidarité masculine ? Les femmes s’organisent entre elles parce qu’elles partagent des intérêts spécifiques, mais elles ont toujours invité les hommes à soutenir leurs revendications de toutes les manières possibles.

Prendre la parole

Les pseudo-féministes de service, au Québec et ailleurs, sont toujours prêtes à se porter à la défense de la suprématie masculine et de ses valeurs. Leurs thèmes favoris sont la ghettoïsation et la victimisation des femmes par les féministes. Belle ghettoïsation en effet que la mobilisation de 5 000 groupes de femmes dans 157 pays, et drôle de victimisation que celle qui pousse des centaine de milliers de femmes à se solidariser à travers le monde pour transformer leurs conditions de vie!

Les antiféministes prétendent également que l’autonomie grandissante des femmes a pour résultat de tuer le désir masculin et de faire fuir les hommes. Je ne crois pas que les jeunes femmes, à qui s’adresse ce discours liant soumission et séduction, se résignent à se changer en paillassons par crainte de se retrouver sans hommes.

Mentir gros et chercher à diviser les femmes reste toujours une stratégie de choix pour contenir la poussée irrésistible des femmes du monde vers la conscience, la justice et la liberté. Il serait cependant faux de minimiser la portée démobilisatrice du discours antiféministe qui bénéficie toujours des tribunes les plus prestigieuses pour ses campagnes de désinformation. La meilleure riposte reste la vigilance et la prise de parole des femmes pour porter leurs aspirations à la plus grande échelle possible. En marche, toutes !

Des « féministes » de droite à la rescousse des « garçons »

Ce n’est pas la première fois que l’hebdomadaire Voir donne la préséance à la parole antiféministe. Nous avons eu droit, il y a quelques années, à la démagogie de Camille Paglia, prête à tout pour faire parler d’elle. Cette fois-ci, c’est une autre « féministe » de droite, Christina Hoff Sommers, qui est appelée à la rescousse des « pôvres » hommes infériorisés par les méchantes féministes.

Une fois de plus, ce journal appelle au secours de la suprématie masculine la grosse batterie des vedettes médiatiques toujours prêtes à dénoncer les excès du féminisme et jamais ceux du néolibéralisme et du patriarcat dont elles profitent largement. Susan Faludi a déjà démasqué la croisade antiféministe de Christina Hoff Sommers, généreusement financée par les fondations de droite Olin et Bradley (Ms, mars-avril, 1995, p. 36).

Pour Sommers, les hommes sont devenus le deuxième sexe et les succès scolaires des filles écrasent la masculinité des garçons. Vivement des écoles non mixtes et des professeurs mâles, prône d’ailleurs cette championne de la virilité pure et dure. La réussite des garçons dépendrait-elle de l’exclusion et de l’infériorisation des filles, comme dans le bon vieux temps ?

Nous avons déjà eu ce débat au Québec, en novembre dernier, lors de la publication du Rapport du Conseil supérieur de l’éducation quand des voix se sont élevées pour attribuer le retard des garçons au féminisme des enseignantes, insinuant que ces dernières avaient déclaré « la guerre contre les garçons », comme l’affirme le titre du dernier livre de Christina Hoff Sommers.