D’une lune à l’autre

 

Selon Martin Dufresne du Collectif masculin contre le sexisme, au Québec seulement, 601 femmes et enfants ont été tuéEs par des hommes depuis le drame de Polytechnique, du 6 décembre 1989 au 31 octobre 2000. Il précise 0 « Nous parlons de crimes commis par des hommes en tant qu’hommes parce qu’il s’agit dans presque tous ces cas, de pouvoir et de contrôle. L’immense majorité de ces femmes et enfants ont été tuéEs dans un geste délibéré, terroriste et essentiellement propriétaire, où l’on peut reconnaître l’influence et l’appui d’une culture et d’un appareil judiciaire profondément sexistes. »

Eminem donne libre cours à sa mysoginie

Le concert donné récemment au Centre Molson par Eminem, un groupe rap qui fait de la misogynie sa marque de commerce, rappelle que les lois sur la propagande haineuse ne couvrent pas les incitations à la violence envers les femmes, mais uniquement, selon l’article 319 du code criminel canadien, « un groupe identifiable de par la couleur, la race, la religion ou l’origine ethnique ».

Cette carence est inadmissible, surtout que les femmes ne sont pas une catégorie parmi d’autres, mais constituent plus de la moitié de l’humanité, encore victimes au XXIe siècle de discrimination et d’esclavage sexuel. Le Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP) dénombrait en octobre quatre millions de femmes et de fillettes achetées et vendues chaque année à de futurs époux, des proxénètes ou des marchands d’esclaves.

Eminem peut continuer en toute impunité à hurler à travers le monde un de ses plus grands succès « Kill You » 0 « Slut, you think I won’t choke no whore/til the vocal cords don’t work in her throat no more?! (…) Bitch I’ma kill you! You don’t wanna fuck with me/Girls neither – you ain’t nuttin but a slut to me/Bitch I’ma kill you! » (Salope, tu penses que je suis incapable d’égorger une putain / jusqu’à ce que ses cordes vocales ne vibrent plus jamais dans sa gorge ? ! (…) Putain, je vais te tuer ! Tu ne veux pas baiser avec moi / Les filles non plus – tu n’es rien qu’une salope pour moi / Putain, je vais te tuer).

Baise-moi 0 un retour à la barbarie de la loi du talion

La promotion d’un film comme Baise-moi, qui ne fait que renverser au féminin le viol, la haine et la violence meurtrière, est tout aussi révoltante et nous retourne à la barbarie de la loi du talion. Inutile de dire que le féminisme ne consiste pas à prouver que les femmes peuvent faire tout ce que fait un homme, mais simplement qu’elles peuvent équitablement devenir ce qu’elles veulent dans le domaine de leur choix.

Il faut espérer que, conformément aux revendications de la Marche mondiale des femmes de l’an 2000, les millions accordés par le gouvernement québécois pour lutter contre la violence envers les femmes serviront à multiplier les campagnes de sensibilisation dans les écoles et les médias. Il faut également souhaiter que ce ne soit pas seulement les féministes qui montent aux barricades à chaque fois que des femmes sont victimes de la haine et de la violence, mais l’ensemble de la société.

Patrick Roy ne niaise pas avec la puck

Pendant que nos politiciens multiplient les métaphores de football et de hockey, cherchant manifestement à élever le niveau de notre culture, Patrick Roy a montré une fois de plus qu’il ne niaise pas avec la puck. Sa femme, Michèle Piuze, en a fait l’expérience lorsqu’elle a dû appeler le 911 après que le valeureux gardien de but ait arraché deux portes pour la rejoindre dans la pièce où elle s’était réfugiée lors d’une « querelle conjugale ».

Mais comme vous l’aurez compris, notre viril joueur de hockey qui, à 35 ans touche un salaire de 7,5 millions $ US chaque saison, se doit d’en finir rapidement avec cette fâcheuse « source de distraction », comme le lui enjoignent ses coéquipiers. Quel dommage que les femmes ne soient pas muettes ! Il suffit d’un seul regard sur la photo où on voit le couple avec leurs trois enfants pour comprendre toute la problématique de la violence conjugale. À sa prochaine colère, Roy s’arrangera probablement pour arriver au téléphone plus vite que sa femme. O.J. Simpson et d’autres héros sportifs ont montré qu’on peut aller très loin en matière d’impunité.

Un site féministe 0 Les Pénélopes

Le 7 octobre 2000, le site féministe français, Les Pénélopes, recevait dans la grande salle de conférences de l’Unesco à Paris, le Prix Argos Lewis Carroll, récompensant le meilleur site Web de l’année par « l’incitation à la création » qu’il représente. Le prix leur a été décerné par le Centre national de recherche scientifique (CNRS) et l’Institut international de l’audiovisuel et du cinéma. Nous nous réjouissons avec elles de cette reconnaissance prestigieuse pour un site exemplaire tant par sa forme que par son contenu.

Ce site a été créé en 1996 par une équipe de femmes, sans soutien institutionnel ou mécénat, pour donner leur vision de l’actualité internationale dans les domaines culturel, politique, social, intellectuel et économique. Les organisatrices ont su mettre à profit et promouvoir parmi les femmes les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TICs), comme le fait au Québec l’excellent site NETFEMMES qui, nous l’espérons, sera aussi reconnu à sa juste valeur.

Les Pénélopes produisent une émission de télévision interactive, Cyberfemmes, collaborent au journal Politis, organisent ou participent à des réseaux et rencontres locales, nationales ou internationales pour mettre en commun et faire connaître les réflexions et les pratiques féministes. À visiter régulièrement pour être au courant de l’actualité des femmes dans le monde.

Le Cran des femmes a Le cran de le dire

Le Cran des femmes, un organisme de prévention de la violence faite aux femmes, en collaboration avec la Fondation des victimes du 6 décembre, présente la quatrième édition de son spectacle Le cran de le dire avec notamment Lhasa de Sela et Yves Desrosiers, Térez Montcalm, Arianne Moffatt, Marc Déry et Luc De Larochellière.

Mercredi le 6 décembre 2000 à 19 h 30 au Spectrum, 318, rue Ste-Catherine Ouest.

Billets 15 $ 0 Réseau admission (514) 790-1245 / 1-800-361-4595 ou Spectrum (514) 861-5851

La santé est à l’Agenda des femmes 2001

Cette année, l’indispensable agenda des femmes porte sur le problème qui préoccupe le plus les QuébécoisEs 0 la santé dans tous ses états. On y trouvera au fil des douze textes une mine de renseignements sur les nombreuses initiatives des femmes dans plusieurs domaines dont la contraception, la ménopause, le cancer, la santé mentale, les handicaps, la situation chez les femmes des Premières Nations et les lesbiennes.

À noter le texte d’Hélène Pedneault qui, avec son humour corrosif habituel, illustre l’étendue de la déshumanisation et de la détérioration d’un des meilleurs systèmes de santé au monde, et le texte de Michèle Boisvert, L’image-magie, sur l’obsession de la minceur, essentiel et d’une belle écriture. Il faut également souligner la contribution de Nikole Dubois sur la méthode Antidote de santé mentale, mise au point pour et avec les femmes du Témiscouata et maintenant appliquée un peu partout dans le monde.

En conclusion, « Attention ! Virage dangereux pour la santé des femmes », nous préviennent à juste titre Michèle Asselin et Lorraine Guay de la Coalition féministe pour une transformation du système de santé, alors que de plus en plus de femmes se voient attribuer le rôle de « soignantes naturelles » et font désormais elles-mêmes partie du problème.

6 décembre 1989 - 6 décembre 2001

Lettre à celle qui a vingt ans aujourd’hui

Je voudrais te dire à toi

Qui t’apprêtes à chevaucher ta vie

Comme la plus belle des aventures

N’oublie rien et ouvre les yeux

Vois le clonage de la violence

Le maquillage trompeur des chaînes

L’arrogance de la bêtise

La pensée mise au clou

Découvre l’envers du monde

L’essentiel dans la chute d’un flocon

Les feintes sauvages de la passion

Refuse la fusion de l’ivresse et du plomb

Voici venu le temps de la clairvoyance

Vois le pouvoir de la peur figer la nuit

La répétition fanatique du même

La folie faire foin de la tendresse

Pour mieux tuer l’éclat du printemps

Vois la brume du matin se lever lente

Comme une fugue dans les remous du vide

Apprends à rester seule devant un lac vierge

Seule devant la résistance du bleu

Voici venu le temps de la rébellion

Vois la coquille vide de l’artifice

Ses volutes t’enrober de désespoir

La haine triompher dans les mots

Dans la pluie corrosive des imprécations

Dans les mines personnelles de l’exclusion

Voici venu le temps du soulèvement

Ne cède pas à la grammaire du plus fort

Ne panse pas tes blessures dans le confort

Seul le vrombissement de vieillir

Bruit encore de profondes colères

Voici venu le temps du cri

Vois la même salve de décembre

Clouer au sol l’oiseau incommensurable du désir

Viser en toi et en chacune de nous

Le vif de la mémoire le cœur de la fidélité

Voici venu le temps d’allumer un feu dans les yeux