Le Groupe Lemaire ne fait pas l’unanimité

 


Une structure antidémocratique, illégitime et contre-productive ?



Une importante et, de plus en plus, incontournable polémique est en train de se développer à propos du Groupe conseil sur l’allégement réglementaire, présidé par Bernard Lemaire de Cascades. Plusieurs groupes et individus questionnent son caractère antidémocratique puisqu’il est composé de membres non-élus, possédant le pouvoir d’influencer sérieusement la prise de décision des dirigeants politiques.

Mis sur pied sous recommandation du Premier ministre Lucien Bouchard en 1997 dans la lancée du Sommet socio-économique, le Groupe conseil sur l’allégement réglementaire, dont le but premier est de réduire les obligations des gens d’affaire envers le gouvernement et la population, est formé de dix représentants du monde des affaires (Cascades, GM, Bell, Alcan, etc.) et de deux représentants de milieux syndicaux.

Son président, Bernard Lemaire, affirme que l’allégement réglementaire ne vise qu’à réduire le fardeau administratif qui pèse sur les entreprises québécoises. Cependant, on peut constater que ce prétendu « allégement » d’exigences administratives corrode au détour des domaines déjà érodés par le déferlement destructeur de la vague néolibérale, c’est-à-dire la réglementation visant la protection de l’environnement, du travail, du consommateur, le régime professionnel québécois et les petits agriculteurs.

La contre-offensive des écolos

Au cours des dernières semaines, c’est l’écologiste Pierre Morency, au nom du Conseil régionale de l’environnement de l’Estrie (CREE) qui a attaché le grelot. Il a accusé le Groupe Lemaire de « détournement de démocratie et de favoritisme » puisqu’il possède le statut de conseiller législatif, position stratégique face au pouvoir permettant de rejeter toute recommandation, projet de loi ou règlement.

À leur tour, le Centre québécois du droit à l’environnement (CQDE), l’Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN), le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) ont réclamé de façon immédiate l’abolition du Groupe conseil considéré comme une « structure antidémocratique, illégitime et contre-productive » au plan social et environnemental.

Prônant le « laisser-faire, laisser-aller » propre au libre marché, le Groupe conseil sur l’allégement réglementaire possède, selon ces groupes, un veto implicite sur toute législation qu’il juge contraire à l’épanouissement de ces idées.

L’Assemblée des travailleuses et travailleurs accidenté-e-s du Québec (ATTAQ) avait publié l’an dernier une version commentée du rapport Lemaire et appelé à des actions communes contre le Groupe conseil. Roch Lafrance de l’Union des travailleuses et travailleurs accidenté-e-s de Montréal (UTTAM) affirme qu’une lecture de ce rapport démontre « que l’objectif véritable de cet exercice est de réduire au maximum les droits des citoyennes et citoyens qui sont vus comme un obstacle au libre marché et à la compétitivité des entreprises ».

Enfin, rappelons que dans le dernier numéro de l’aut’journal, André Bouthillier résumait l’essence du Groupe Lemaire en le qualifiant de comité de Hells pour nous protéger des Hells !

Une chaise à moitié pleine est à moitié vide

Des questions surgissent évidemment sur la présence syndicale au sein du Groupe Lemaire. Appelé à commenter la situation, Louis Fournier, porte-parole de la FTQ, nous dit que sa centrale syndicale ne prône pas la politique de la chaise vide. Émile Vallée, le représentant de la FTQ siégeant sur le Groupe, ajoute que « ce serait pire si on n’était pas là ». Le Rapport Lemaire ne vise à faire, selon lui, qu’un simple « nettoyage » et un « débroussaillage de paperasserie ». Lorsque questionné sur la légitimité d’un tel groupe, M. Vallée répond que le Groupe conseil est aussi légitime que n’importe quel autre groupe de consultation, qu’il ne possède pas de droit de veto et que les décisions sont prises par consensus.

Nous n’avons malheureusement pas pu tâter le pouls de la CSN puisque son représentant, Claude Rioux, n’a pas retourné les appels de l’aut’journal.

Québec réplique

Suite aux critiques formulées à l’endroit du Groupe conseil sur l’allégement réglementaire, le gouvernement du Québec a émis un communiqué dans lequel il salue bien haut « la contribution gratuite et attentionnée de ces personnes [NDLR représentants siégeant sur le Groupe] déjà accaparées par des obligations personnelles et professionnelles [qui] témoigne de leur volonté manifeste de contribuer activement au développement social du Québec ».

De plus, le communiqué affirme que les pouvoirs de ce groupe ne s’étendent pas aux nouveaux projets de loi et de règlement, mais s’avèrent être des « solutions à des problèmes concrets soulevés par les milieux d’affaires ». Les groupes sociaux et environnementaux demanderaient-ils son abolition inutilement ?

Pourtant, on peut se demander en quoi ces règlements (environnement, travail, consommateurs, etc.) constituent un poids et, surtout, à qui semblent-ils si lourds ? Chose certaine, la grogne se fait de plus en plus sentir chez les divers organismes sociaux et environnementaux. Un débat à suivre.