Magnola inquiète les agriculteurs

 


Des empoisonneurs malgré eux ?



Avec l’appui de nombreux militants dont Michel Chartrand, Daniel Green de la Société pour vaincre la pollution et de l’Opération salami, plus de 200 citoyens et citoyennes ont répondu le 5 novembre dernier à l’appel de la Coalition pour un Magnola propre à une rencontre d’information et à manifester dans la ville d’Asbestos.

On y a dressé un portrait fort inquiétant des performances environnementales de Magnola, tout en dénonçant le laxisme des gouvernements face à leur devoir de protéger la santé de la population. Rappellons que Magnola, qui produira 63 000 tonnes de magnésium annuellement (on prévoit le double d’ici 2010), est appelé à devenir le plus important producteur d’organochlorés au Canada, des substances hautement toxiques.

Paradoxalement, le gouvernement canadien s’apprête à signer un traité international avec 126 autres pays visant l’élimination des organochlorés d’ici 2001. Quant au gouvernement du Québec, il a imposé le projet par décret, faisant fi des recommandations du rapport d’enquête du Bureau d’audience publique en environnement (BAPE) déposé en 1998. Le BAPE demandait des modifications majeures au projet pour justifier son acceptabilité.

Michel Chartrand s’en prend à Noranda

« Les agriculteurs sont inquiets », affirme Lisette Anfousse, membre de la Coalition pour un Magnola propre. « Notre région est le principal bassin laitier du Canada, avec des fermes diversifiées. Les agriculteurs deviendront-ils des empoisonneurs à petit feu ? Les gens se mettront-ils à craindre nos produits ? » Depuis le début de la période de rodage en juin dernier, l’usine a déjà à son actif deux incidents qui auraient pu avoir des conséquences environnementales sérieuses, s’ils étaient survenus en période de production normale.

Michel Chartrand a fait le parallèle avec la lutte syndicale à laquelle il a participé 50 ans plus tôt pour faire valoir le droit à la santé des travailleurs de l’amiante. Cette fois, sa cible est la richissime compagnie Noranda, actionnaire à 80 % de Magnola (20 % des actions sont détenues par le gouvernement du Québec par le biais de la Société générale de financement), qu’il accuse de jouer avec la santé de la population, alors qu’elle pourrait très bien investir dans une technologie non polluante.

Les rejets sont en garde à vue

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le ministère de l’Environnement du Québec a renoncé à son devoir de surveillance environnemental et a confié à la compagnie Magnola le mandat de surveiller les rejets de sa propre usine. La coalition, en collaboration avec la Société pour vaincre la pollution et l’Université d’Ottawa, a entamé la mise en place du suivi environnemental de l’usine. On a procédé à l’échantillonnage puis à l’analyse des tissus d’animaux sauvages morts récoltés avant et après le début des opérations de l’usine.

On cherche à intervenir avant qu’il ne soit trop tard. « Si, aujourd’hui, on observe une contamination chez la marmotte, demain ce sera les vaches laitières », affirme Daniel Green. Tous les résidents et résidentes sont appelés à collaborer à la surveillance de l’usine 0 échantillonnage d’air, observation de l’usine en cas de déversements et informations auprès des employés de l’usine. Un tel suivi constitue une première à l’échelle internationale et servira d’exemple pour de multiples cas similaires partout dans le monde.

Magnola montre patte blanche

Les organochlorés, dont les BPC, les dioxines et les hexachlorobenzènes, s’accumulent dans les tissus des êtres vivants (plantes, animaux et humains) et sont reconnus pour leurs effets cancérigènes.

Parce qu’ils imitent le comportement biochimique des hormones, ces polluants organiques persistants (POPs) perturbent gravement les systèmes reproducteurs, immunitaires et nerveux de tous les êtres vivants.

Les fœtus et les jeunes enfants seraient particulièrement vulnérables à ces substances puisque leur croissance dépend de ces signaux hormonaux. Les organochlorés sont également responsables de la disparition de l’aigle à tête blanche dans la région des Grands Lacs et menacent la survie de la population de bélugas du Saint-Laurent.

Désobéissance civile

Le Collectif de lutte aux organochlorés (CLO), nouvellement formé, fait pression pour que leur production soit interdite. Le 6 novembre dernier, le collectif organisait en collaboration avec l’Opération salami une action pacifique de désobéissance civile devant l’usine dans le but d’obtenir un rendez-vous avec son directeur. Deux par deux, les manifestants ont escaladé la clôture qui entoure l’usine sous le regard des policiers et des gardiens de l’usine qui les prenaient en photos. Aucune arrestation n’a toutefois été effectuée.

« De toute évidence, il y avait collusion entre la compagnie et les policiers. On n’a pas procédé à des arrestations pour éviter que la compagnie fasse mauvaise figure », affirme Carole McKenty du CLO.

Quelques jours après l’événement, lors d’une visite impromptue à un souper d’affaires réunissant des représentants du gouvernement et des dirigeants de Magnola, Madame Mc Kenty a réussi à obtenir un rendez-vous avec le président de Magnola. Celui-ci s’est engagé à défrayer les coûts d’un suivi indépendant de l’usine. Reste à voir si l’action suivra la parole.

Site Web de la Coalition pour un Magnola propre 0 www.magnola.wd1.net