À Oka, une odeur de magouille…

 

Une route en serpentin offrant, à chacun des tournants, un paysage champêtre s’étendant de collines en vallons. Devant un tel spectacle, je me dis qu’il doit être apaisant de vivre devant un paysage agricole patrimonial. Dans un tel décor, qu’est ce qui pourrait bien inquiéter la population d’Oka ?

Ce n’est pas l’odeur du célèbre fromage, puisque nous savons tous qu’il a perdu cette odeur qui plaisait tant à mon père et qui incitait ma mère à le placer entre deux fenêtres pour protéger la famille de sa fine odeur !

Ce n’est pas le fait que de plus en plus de touristes d’un jour prennent le traversier entre Hudson et Oka pour s’engager dans le circuit agrotouristique qui n’est pas piqué des vers. Pas plus que les pommes qui croissent dans un contexte où les pomiculteurs s’inquiètent un tantinet d’une légère pénurie d’eau qui s’installe depuis quelques années !

Rien n’étant parfait, j’ai trouvé ce qui fait tiquer les citoyens d’Oka.

Voilà trois ans, les résidents du rang Sainte-Sophie se mobilisent lorsque la compagnie Niocan annonce le projet d’exploiter, sur une période minimale de vingt ans, un gisement minier de niobium (anciennement du columbium). Cette mine sera localisée en pleine terre agricole !

Une mine qui nous pompe l’eau

Imaginez l’état d’esprit des citoyens déjà échaudés par une ancienne mine en activité de 1961 à 1976. Le dynamitage, la poussière, le camionnage intensif, l’effondrement de terrains, la perte de valeur des propriétés foncières font partie de la mémoire collective de la population régionale. Les moines trappistes se souviennent encore des dynamitages qui avaient lézardé les fondations du monastère.

C’est la consternation lorsqu’ils découvrent qu’une autre entreprise minière s’installe à Oka et que, pour assurer la mise à sec de la mine, la compagnie pomperait environ 340 gallons d’eau à la minute, 24 heures sur 24. Impossible de croire qu’il n’y aura pas d’impact sur la nappe phréatique lorsque la compagnie offre de prolonger l’aqueduc municipal à ses frais sur le rang Sainte-Sophie (actuellement, les résidants utilisent leur puits artésien).

Les citoyens s’organisent et informent les bailleurs de fonds du promoteur qu’ils ne se laisseront pas faire. Ceux-ci se sentent forts d’une pétition signée par les gens demeurant près du projet et, de l’appui de la Fédération Outaouais-Laurentides de l’Union des Producteurs agricoles qui se prononce contre le projet.

Le niveau de la nappe phréatique va baisser

En décembre 1999, Niocan, probablement rassurée par ses contacts en hauts lieux, demande à la municipalité une modification de zonage visant à permettre l’implantation de son projet minier. À cette époque, la compagnie est la propriété de la SGF-Soquem – une société d’État (12 %), du Fonds de solidarité de la FTQ (8 %), de la banque marchande Norshield et de quelques autres actionnaires minoritaires. Depuis, un remaniement du montage financier de l’entreprise (octobre 2000) démontre que ce sont trois personnes privées qui sont les actionnaires majoritaires. Plus de traces des autres investisseurs !

La municipalité d’Oka s’inquiète et commande une analyse hydrique. L’analyse démontre que les rabattements occasionnés par l’exploitation minière sont sous-estimés et donc que les mesures correctives proposées dans l’étude de la compagnie sont insuffisantes. Un pompage de l’eau souterraine estimée à 1,5 millions de gallons par jour va entraîner obligatoirement une baisse du niveau de la nappe phréatique. Les experts avancent que les impacts se feraient sentir sur un rayon de quatre kilomètres.

Au Saguenay, l’agriculture a disparu

Cette information inquiète d’autant plus la population que cette baisse du niveau d’eau implique des coûts pour recreuser des puits artésiens qui servent à fournir les résidants en eau potable, mais aussi les cultures, les vergers, et même les érablières. Les producteurs agricoles craignent aussi que les consommateurs s’inquiètent du risque de contamination des fruits et légumes arrosés possiblement par de l’eau contaminée !

Cette région progresse économiquement entre autres grâce à un circuit agrotouristique qui accueille chaque année de nombreux visiteurs. Seront-ils invités à contempler des champs de boues résiduelles comme à Saint-Honoré au Saguenay où, sur presque 600 acres autour de la mine de Niobec, l’agriculture a disparu ?

Un référendum concluant

À cause de l’insistance de Niocan, la municipalité décide de tenir un référendum sur cette question simple 0 « Approuvez-vous le projet d’exploitation minière proposé par Niocan inc. dans le secteur du chemin Sainte-Sophie ? »

Dans le coin droit 0 Niocan et ses promesses de défrayer les coûts du prolongement de l’aqueduc, la création de 160 emplois directs et indirects, et la restauration de l’ancien site minier de la St-Lawrence-Columbium dont la ville est maintenant propriétaire du parc à résidus.

Dans le coin gauche 0 les citoyens avec le sentiment qu’il y a anguille sous roche, impuissants à mettre la main sur tous les documents liés au projet et armés d’une étude hydrique inquiétante pour leur approvisionnement en eau.

Première ronde 0 le 16 avril 2000, les électeurs disent non au projet à 62 %. Contrairement à la compagnie qui avait refusé de s’engager à se plier aux résultats du référendum, la municipalité entend respecter la décision référendaire. La MRC de Deux-Montagnes, qui s’était engagée à respecter entièrement le choix du peuple okois, donne l’impression aux citoyens que le dossier est clos.

Où il y a de la mine, il y a du Brassard

En juillet 2000, le ministre Jacques Brassard demande par écrit au conseil municipal son accord pour vendre à Niocan l’ancien site de la St-Lawrence-Columbium afin que cette compagnie puisse exploiter son gisement minier. Le ministre se dit même disposé à intervenir auprès du Conseil du Trésor pour faciliter la transaction. Sans attendre la réponse de la municipalité, le 26 juillet 2000, le même ministre émet un bail minier à la compagnie pour qu’elle puisse exploiter le gisement du rang Sainte-Sophie, à Oka.

Le 7 août 2000, le conseil municipal rejette à l’unanimité cette demande du ministre et de la compagnie Niocan. Loin de baisser les bras, le comité de citoyens reprend son bâton de pèlerin et s’engage à convaincre les politiciens de la pertinence de sa cause.

Voilà une situation exemplaire qui s’inscrit dans le nouveau modèle québécois que je nomme «lutte d’éco-citoyenneté ». C’est à dire 0 risques environnementaux (éco-logique) sous-estimés et citoyens méprisés.

Restez des nôtres pour la suite du combat; c’est pas fini !

Sur le site de la Coalition Eau Secours 0 www.eausecours.org

Voir 0 La mine qui mine le moral des citoyens d’Oka !