Le modèle québécois

 


Livre et cinéma



La manière tout à fait particulière qu’ont les Américains de donner leur vie pour leur pays ou la démocratie occupe déjà tout un rayon de notre mémoire culturelle. C’est d’ailleurs une collection d’attitudes héroïques que la télévision générale et spécialisée se charge de mettre à jour et d’aviver en permanence.

Bref, notre répertoire des diverses façons qu’ont les autres de mourir pour leur patrie ou la liberté, est fort respectable. Il comprend tout aussi bien la mort à la française que l’australienne, la britannique, la juive, la russe, la japonaise, la mexicaine, la suédoise et l’irlandaise. Il ne lui manquait, symptomatiquement, qu’une image de la mort québécoise.

Le cinéma d’ici abonde en scènes de veillées funèbres, de corbillards et de cercueils erratiques, d’enterrements loufoques, d’agonies larmoyantes et surtout de morts imprévues, inexpliquées et accidentelles. Il aura fallu attendre le film de Pierre Falardeau pour affronter et confronter une mort qui dépasse la disparition des individus puisqu’elle coïncide avec la mort appréhendée de la nation elle-même et de son rêve, qui est sa raison d’être.

18 FÉVRIER 1839 n’est pas uniquement un grand film, c’est un moment de la conscience collective. C’est l’image de la mort québécoise qui nous est donnée dans toute sa fragilité et sa grandeur. On avait jadis sorti Dollard des Ormeaux des boules-à-mythes pour occulter la figure tragique du docteur Chénier. Le temps est enfin venu pour la lucidité et la détermination d’un héros de tête et de cœur, Chevalier de Lorimier.