Avertissement ! Le contenu de ce texte est explosif ! La rédaction

 

Note à l’Éditeur 0 ne pas mettre de titre à cet article et peut-être même, ne rien publier, Monsieur Dubuc.

Il est 23 heures et je ne trouve toujours pas de titre à cet article que je dois vous remettre. Pire, je ne sais même pas si vous aurez un article à publier sous mon nom et voici pourquoi.

Depuis quelques mois, je ne manque rien du débat sur la concentration de la presse au Québec. Imaginez la fierté que je ressens du simple fait d’avoir la possibilité d’écrire pour ce journal indépendant. La liberté ainsi permise augmente la responsabilité que j’ai envers les lecteurs et les lectrices. N’étant pas journaliste de profession, je me suis mis en quête d’une formation autodidacte grâce à des lectures sur le valeureux métier de journaliste. J’en ai retenu quelques grandes règles 0 ne pas coiffer un article d’un titre démagogique; l’article doit démontrer la crédibilité de l’auteur-e; dans tout bon article, on doit trouver le Qui, le Quoi, le Quand et le Où. Maintenant bien équipé pour faire face à la tâche, je me heurte à une difficulté que je ne pouvais soupçonner. Me voilà pris avec un contenu paniquant et mon sens de l’éthique durement mis à l’épreuve. Voici les faits.

L’objet de mon propos 0 les changements climatiques et leurs effets sur les Canadiens.

QUI 0 j’ai trouvé une réponse plurielle. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, chargé par l’ONU de faire le point tous les cinq ans sur les changements climatiques; Greenpeace; l’Union québécoise pour la conservation de la nature; les agences de presse Reuter et AFP.

QUAND 0 une réponse. Des textes publiés depuis le début janvier 2001 et qui parlent de situations à venir d’ici cent ans.

OÙ 0 une réponse. Au Canada et dans tous les pays côtiers, mais entres autres en Égypte, Pologne et au Vietnam.

QUOI 0 plusieurs réponses.

Le Canada se réchauffe à peu près deux fois plus vite que la moyenne planétaire. Il n’y aura à peu près plus de glace en Arctique d’ici 2100. Le sud des Prairies canadiennes deviendra un désert en grande partie, avec des impacts socio-économiques absolument phénoménaux. Ce scénario catastrophe transformera le visage du Canada, qui connaîtra des catastrophes naturelles comme l’assèchement des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, des inondations et des vagues de chaleur qui feront augmenter de 88 cm le niveau des mers. Ces bouleversements entraîneront l’engloutissement de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Gaspésie et des Îles de la Madeleine, et certaines parties de la Colombie-Britannique.1

Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), qui a colligé pendant trois ans dans le monde entier les meilleures données scientifiques sur le phénomène, estime que la température de la Terre augmentera de 1,4 à 5,8 degrés au cours du siècle. Le groupe prévoit un élargissement de l’aire mondiale des maladies liées à la piètre qualité des eaux. De son côté, le relèvement des mers déclenchera d’importants glissements de terrain en raison de son action conjuguée avec de plus violentes précipitations. Les équipements d’évacuation d’eaux usées seront généralement noyés. L’approvisionnement en eau potable de dizaines de villes côtières sera menacé par la progression des eaux salées. Et la hausse de la température moyenne du globe va imposer des problèmes d’approvisionnement en eau à cinq milliards d’humains d’ici 2025.2

L’ampleur des tragédies humaines à venir n’a d’égale que l’irresponsabilité de nos gouvernements, qui traînent de la patte en matière de lutte aux émissions de gaz à effet de serre. Les changements climatiques prévisibles risquent d’exacerber des conflits ethniques associés à une cohabitation difficile sur des territoires dont l’équilibre écologique est déjà rompu et continuera de se détériorer de plus en plus vite.3

« Le consensus scientifique présenté dans ce rapport exhaustif sur les changements climatiques provoqués par l’homme doit être un signal d’alarme dans toutes les capitales », a estimé le directeur du Programme des Nations Unies sur l’environnement (PNUE), Klaus Topfer, qui a appelé les gouvernements et les industriels à « prendre des mesures audacieuses en faveur des énergies propres » et à se préparer à la montée des mers et à des changements dans les normes des précipitations.

Quoi faire, monsieur l’éditeur ? Depuis janvier 2001, des déclarations alarmistes prennent place dans les journaux. Certaines ont même fait la manchette. Mais je n’entends rien de la part des politiciens, et les Madelinots n’ont pas réagi. Le monde des affaires continue à faire des affaires comme à l’habitude, les sportifs de s’entraîner, les artistes de performer, Nortel continue sa décente aux enfers et la communauté scientifique du Québec n’a pas bronché. Le message que je reçois des décideurs de ce pays, c’est que tout le sujet des changements climatiques est de la baliverne. Alors, grâce à ma nouvelle éthique, journalistique, je décide de ne pas écrire d’article. Je suis désolé de vous laisser un blanc.

N.B. 0 Et s’il advenait que les prédictions onusiennes s’avèrent justes, je me convertirai en chroniqueur religieux pour vous parler de l’apparition de la Vierge Marie à Bernadette Soubirou qui aurait dit 0 « Pauvre Canada ! »

1 Greenpeace, 19 février 2001, Agence Reuter

2 GIEC – ONU, janvier 2001, Résumé à l’intention des décideurs

3 Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN), 19 février 2001Note à l’Éditeur 0 ne pas mettre de titre à cet article et peut-être même, ne rien publier, Monsieur Dubuc.André Bouthillier