À quoi bon la rigueur sans la vigueur

 


Livre (Chu ben comme Chu)



J'ai sûrement l'esprit mal tourné. Les perles, fautes et bourdes, puisées dans les bulletins de nouvelles de la télévision et réunies dans la toute dernière compilation du genre de Georges Dor, ne m'ont pas horrifié comme elles l'auraient dû. Pour tout dire, je trouve même un certain charme poétique à voir le vent prendre un petit peu de ralenti. L'expression est fautive mais ce n'est pas nécessairement une faute d'observation.

J'en connais un d'ailleurs qui se fait un malin plaisir de prendre son élan derrière la grange pour tourner le coin à l'improviste et m'arracher ma casquette en se bidonnant. Depuis le début des temps, l'être humain a cherché, même en les déifiant, à humaniser les éléments. Lorsqu'un vent souffle d'importance, il lui arrive parfois de tituber comme un coureur épuisé, de hoqueter comme un moteur qui s'étouffe ou d'expirer par bourrées pour retrouver sa vitesse de croisière 0 différents états venteux qui peuvent donner l'illusion d'un ralentissement.

Cela dit, Georges Dor n'a pas tout à fait tort de se désoler; la plupart des erreurs sont sottes et bêtes. Faut-il instaurer une autopolice de la langue pour aller de pair avec l'autocensure ? À quoi bon la rigueur sans la verdeur ? Pour décrire à chaud, les journalistes ont besoin de vocabulaire et non, comme c'est le cas présentement, de tout ce répertoire d'expressions convenues et à tout usage qui ont le don de se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment, comme ces deux canassons de Blue Bonnets qui n'ont jamais croisé le fer que dans la chronique d'un rédacteur sportif en rupture de stock d’images.

Chu ben comme chu, Georges Dor, Lanctôt Éditeur. 2001