Déclaration du Deuxième Sommet des peuples

 


Sommet des peuples



Nous, déléguées et délégués du Deuxième Sommet des peuples des Amériques, déclarons notre opposition au projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) concocté conjointement et secrètement par les 34 chefs d’État et de gouvernement et le Forum des gens d’affaires des Amériques.

Qui sommes-nous ? Nous sommes l’Alliance sociale continentale. Nous venons de tous les coins des Amériques faire entendre la voix des organisations syndicales, populaires et environnementales, des groupes de femmes, des organismes de défense des droits humains, des groupes de solidarité internationale, des associations autochtones, des paysans et paysannes, des étudiants et étudiantes, ainsi que des groupes œcuméniques.

Nous rejetons ce projet de libéralisation des échanges et des investissements, de déréglementation et de privatisation. Nous nous opposons à un projet néolibéral raciste, sexiste, inéquitable et destructeur de l’environnement.

Nous proposons de bâtir de nouvelles voies d’intégration continentale basées sur la démocratie, l’égalité, la solidarité, le respect des droits humains et de l’environnement.

DES PROMESSES NON TENUES

Depuis le Sommet de Miami de 1994, les chefs d’État et de gouvernement se sont engagés à renforcer la démocratie et les droits de la personne, à soutenir l’éducation et à réduire la pauvreté dans les Amériques. Depuis sept ans, rien n’a été fait. Le seul dossier qui a progressé, à la faveur du déficit démocratique, c’est la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).

Ce n’est pas la première fois que présidents et chefs d’État nous promettent un monde meilleur. Ce n’est pas la première fois qu’on demande aux peuples des Amériques d’attendre les hypothétiques fruits du libre-échange. Ce n’est pas la première fois que nous sommes forcés de constater que les chefs d’État n’ont pas tenu leurs promesses.

Le projet de ZLEA constitue une charte des droits et libertés des investisseurs, consacre la primauté du capital sur le travail, transforme la vie et le monde en marchandise, nie les droits humains, sabote la démocratie et mine la souveraineté des États.

DES AMÉRIQUES ASYMÉTRIQUES

Nous vivons dans des Amériques marquées par des inégalités intolérables et d’injustifiables asymétries politiques et économiques 0

· une population de 800 millions de personnes, dont près de 500 millions vivent en Amérique latine et dans la pauvreté ;

· une dette inacceptable de 792 milliards de dollars US due au Nord, dont 123 milliards en paiement pour le service de la dette pour la seule année 1999 ;

· une concentration des capitaux, des technologies et des brevets au Nord ;

· 80 % du poids économique détenu par les États-Unis et le Canada à eux seuls;

· un marché du travail où une forte proportion des emplois sont dans le secteur informel, un secteur sans voix où les droits du travail sont constamment bafoués.

Les accords de libre-échange aggravent les inégalités entre riches et pauvres, entre hommes et femmes, entre pays du Nord et pays du Sud; ils détruisent les liens écologiques entre l’espèce humaine et l’environnement. Seulement 20 % de la population mondiale consomme 80 % des ressources naturelles de la planète. Ces accords orientent l’économie vers l’exportation au détriment des besoins des communautés locales. On assiste à la consolidation du pouvoir économique et juridique des entreprises au détriment du pouvoir souverain des peuples.

Les accords de libre-échange favorisent la marchandisation du patrimoine de l’humanité et de la planète. La logique néolibérale renvoie le citoyen au rang de simple consommateur. Elle recherche le rendement à court terme sans tenir compte des coûts sociaux et environnementaux.

Sous la pression des grandes industries agroalimentaires et des politiques de dumping, les accords de libre-échange menacent l’agriculture locale (surtout assumée par les femmes), mettant en péril la sécurité alimentaire.

Les accords de libre-échange favorisent la privatisation systématique des services publics tels que la santé, l’éducation et les programmes sociaux, par le biais des programmes d’ajustements structurels au Sud et des compressions budgétaires au Nord.

Les accords de libre-échange entretiennent la marginalisation des peuples autochtones et l’appropriation marchande de leurs connaissances.

Les accords de libre-échange entraînent une féminisation croissante de la pauvreté et une exacerbation des inégalités déjà existantes entre les femmes et les hommes. Ils augmentent notamment les inégalités salariales, le travail dans des conditions pénibles et souvent dégradantes, sans droit à la syndicalisation. Ils accroissent aussi le travail non rémunéré et non reconnu que constitue la prise en charge de la famille et de la communauté, la violence familiale ainsi que la traite sexuelle des femmes.

Il n’y a pas d’accord équitable possible dans un tel contexte.

CE QUE NOUS VOULONS

Nous voulons que soit assurée la primauté des droits humains et des droits collectifs, tels qu’ils sont définis dans les instruments internationaux, sur les accords commerciaux. Ces droits doivent être respectés sans distinction ni exclusion fondée sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, l’ethnie, la nationalité, la religion, les convictions politiques ou les conditions économiques.

Nous exigeons le respect absolu des droits humains, qui sont universels, égaux et indivisibles.

Nous voulons bâtir des ponts entre les peuples des Amériques, nous nourrir du pluralisme de nos histoires et de nos cultures, nous renforcer mutuellement dans l’exercice d’une démocratie représentative et participative.

Nous voulons une véritable égalité entre les femmes et les hommes, des soins assurés à tous les enfants, le respect de l’environnement et le partage équitable des richesses.

Nous voulons le respect intégral des droits fondamentaux du travail, dont le droit d’association, le droit à la négociation de conventions collectives et le droit de grève. Ces droits doivent s’appliquer également aux travailleurs migrants.

Nous accueillons la déclaration du Sommet des peuples autochtones tenu à Ottawa du 29 au 31 mars 2001 et nous réclamons la reconnaissance de leurs droits fondamentaux.

Nous voulons des États promoteurs du bien commun, capables d’intervenir activement pour assurer le respect de tous les droits humains, y compris, pour les femmes, le droit à une maternité librement consentie; pour renforcer la démocratie, incluant le droit à la communication; pour assurer la production et la distribution de la richesse.

Nous voulons que les États garantissent l’accès universel et gratuit à une éducation publique de qualité, à des services sociaux et à des services de santé, incluant les services destinés aux femmes (maternité, contraception, avortement); qu’ils éliminent la violence envers les femmes et les enfants; qu’ils assurent le respect de l’environnement pour les populations actuelles et les générations futures.

Nous voulons des investissements socialement productifs et écologiquement responsables. Les règles applicables à l’échelle continentale doivent encourager les investissements créateurs d’emplois de qualité plutôt que les investissements spéculatifs. Elles doivent également favoriser une production durable et la stabilité économique.

Nous voulons un commerce équitable.

Nous exigeons la levée de l’embargo américain contre Cuba.

Nous réclamons l’arrêt immédiat du plan Colombie, qui militarise l’ensemble de la région et aggrave la situation déjà déplorable des droits humains.

Nous exigeons des mécanismes démocratiques d’adoption de tout éventuel accord, incluant sa ratification par référendum.

Nous accueillons avec enthousiasme les conclusions des différents forums du Sommet des peuples. Ces travaux enrichiront notre projet alternatif pour les Amériques.

Nous appelons les populations des Amériques à intensifier leur mobilisation pour combattre le projet de ZLEA et développer d’autres modes d’intégration fondés sur la démocratie, la justice sociale et la protection de l’environnement.

D’AUTRES AMÉRIQUES SONT POSSIBLES !