Le nouveau mode de financement favorise l'exode des jeunes

 

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Cégeps des régions 0



Depuis février dernier, 16 syndicats d'enseignantes et d'enseignants des cégeps de plusieurs régions du Québec, issus des trois fédérations syndicales collégiales ( FAC-FEC-FNEEQ ), se réunissent afin d'échanger sur les multiples problèmes générés par le nouveau mode de financement des collèges.

Rappelons que le ministère de l'Éducation a profité des dernières négociations du secteur public pour imposer une nouvelle façon de financer les cégeps du Québec. Basée sur des données historiques en période de croissance de la clientèle, ce nouveau mode de financement pénalise grandement les collèges régionaux aux prises avec l'actuelle baisse démographique.

Force est de constater que pour l'ensemble des cégeps régionaux, la baisse démographique et le financement actuel poseront, à brève échéance, des problèmes d'accessibilité aux études supérieures et provoqueront une diminution de l'offre de formation collégiale en région. La majorité des collèges font actuellement face à d'éventuelles fermetures de programmes et à une diminution forcée de l'offre de cours.

Un financement par élève plutôt que par groupe

L'élément le plus pénalisant de ce nouveau mode de financement est la façon de calculer les ressources dédiées à l'enseignement. Auparavant, les collèges étaient financés à partir du nombre de groupes formés. Un collège pouvait former un groupe avec 15 élèves et il était pleinement financé pour ce groupe. Aujourd'hui, le calcul des ressources est basé sur le nombre d'élèves, par cours, par programme 0 les PES ( période-étudiant-semaine ).

C'est maintenant chaque élève dans chaque cours qui génère la ressource. Ainsi, si le même cours est ouvert avec 15 élèves, la dépense réelle sur la masse salariale est l'équivalent d'un cours, mais le financement en PES, lui, peut s'avérer insuffisant. Comme la norme minimale de financement en PES est établie à partir d'une statistique nationale calculée sur les six ou huit dernières années – où l'on connaissait une hausse de clientèle – on peut facilement comprendre que les collèges régionaux, qui connaissent la présente baisse de leur clientèle, se retrouvent rapidement pénalisés par ce mode de financement.

Parlez-moi d'incohérence

Une grande partie des problèmes provient de l'incohérence même des orientations du ministère de l'Éducation. Le développement des nouveaux programmes par compétence a généré une augmentation des coûts reliés à l'enseignement en favorisant, entre autres, la multiplication des cours spécialisés offerts dans plusieurs programmes.

Prenons un exemple qui illustre assez bien le pouvoir inflationniste de la réforme. Un cours X (psychologie par exemple) était auparavant offert à des élèves de deux ou trois programmes différents, une même discipline pouvant s'adresser à différents programmes. Nous formions alors un groupe de 25-30 personnes du cours X avec des élèves des deux ou trois programmes concernés.

Maintenant, pour répondre aux objectifs spécifiques du programme élaboré par compétence, ce même cours se retrouve plus spécialisé et il est offert à une clientèle unique. Le cours X se multiplie alors par le nombre de programmes différents et génère donc un besoin en ressources supplémentaires. Mais du même coup, il y aura nécessairement moins d'élèves dans chacun des cours qui, n'étant plus financés par groupe mais par PES, deviendront rapidement déficitaires.

En proposant un modèle de financement basé sur les PES, les financiers du MEQ ne tiennent pas compte des contraintes pédagogiques diverses découlant de l'élaboration des programmes par compétences. Et si, comme le suggère le ministère, les Directions rationalisent l'offre de cours pour diminuer les coûts, elles iront à l'encontre des objectifs même de la réforme en offrant des cours plus généraux aux différents programmes. On ne peut pas être plus incohérent. Malheureusement, faut-il s'en étonner, les Directions de collège – en bons gestionnaires responsables – se contentent de gérer le sous-financement sans dénoncer l'illogisme du financement actuel.

En plus d'occasionner des pertes d'emplois et une augmentation généralisée de la tâche, cette possible rationalisation de l'offre de programmes devient très problématique pour toutes les régions. Faire le choix de rationaliser, comme voudraient l'imposer plusieurs de nos Directions, ce serait changer la mission même des collèges qui ont été créés afin de favoriser l'accès aux études supérieures pour le plus grand nombre de jeunes et d'adultes possible, et ce, partout au Québec. Une diminution de l'offre de programmes accélérerait encore davantage l'exode des jeunes, amorçant ainsi une véritable spirale sans fin qui mettrait en péril la survie même des cégeps et par extension, ralentirait le développement culturel, économique et social de toutes les régions du Québec. Il est donc essentiel que le ministère revoit son mode de financement pour l'adapter à la réalité régionale.

*coordonnateur de la Coalition de l'Est

La Coalition des enseignantes et enseignants des cégeps des régions comprend les syndicats suivants 0 Abitibi-Témiscamingue, Baie-Comeau, Drummondville, Jonquière, La Pocatière, Rivière-du-Loup, Rimouski, Matane, Gaspé, Sept-Iles, Victoriaville, Charlevoix, Carleton, les Iles-de-la-Madeleine, Amqui et Grande-Rivière.