On va finir par manquer d’eau pour faire avaler la pilule de la privatisation

 

Au moment où vous lirez ces lignes, un mémoire signé de la main de Jacques Brassard, ministre des Richesses naturelles, circule parmi les ministres du cabinet québécois afin d’évincer Hydro-Québec de la production électrique par petits barrages et de les convaincre de donner une part encore plus grande de production d’électricité au secteur privé. Cela se nomme privatisation. Il y a de quoi s’inquiéter et pour vous en convaincre, il suffit de lire en page 12 l’analyse de Jean-François Blain sur le projet électrique du ministre.

Depuis la Commission Legendre, et souvent par la suite, on découvre des projets de politique globale de l’eau rédigés par des fonctionnaires. Entre autres, il existe un imposant travail émanant du ministère des Ressources naturelles, qui trône sur les tablettes depuis 1977. Depuis, l’eau continue d’éclabousser plusieurs ministères. Joutes et rejoutes de pouvoir entre les différents responsables ministériels.

L’eau se fait bardasser dans la cale du navire gouvernemental

Finalement, lors de la création du ministère de l’Environnement, on nous a appris que l’eau y est endiguée. Sauf pour l’eau utilisée dans les mines et celle pour turbiner de l’électricité. Quant à l’eau pour naviguer et les eaux limitrophes aux États-Unis, elles sont sous la responsabilité du gouvernement fédéral. Les eaux des rivières patrimoniales relèvent du ministère de la Culture. L’eau nécessaire aux poissons relève de Pêches et Océans Canada. Ce qui restait de contrôle de l’eau embouteillée quitte le ministère de l’Environnement pour celui de l’Agriculture dans quelques semaines.

Il y a l’eau nécessaire à la faune et la flore qui gêne le trafic au ministère des Transports et se retrouve semi-privatisée dans une société d’État. Il y a aussi l’eau des plages qui relève maintenant des municipalités et l’épuration des eaux usées qui prendra le même chemin puisque la Société québécoise d’assainissement des eaux sera bientôt démantelée.

Une politique de l’eau à la pièce?

Si la Commission Beauchamp sur la gestion de l’eau a doté le Québec d’une boussole, nous voguons depuis avec une carte déchirée en moult parties et sans capitaine rassembleur. Tout nous arrive en pièces détachées. Cette année seulement 0 promesse de règlement sur l’eau potable, adoption d’un moratoire sur l’exportation d’eau en vrac, règlement des ouvrages et barrages de régulation des eaux, réfection en grande trombe de certains réseaux d’aqueduc, etc. De la gestion à la petite semaine appliquée à une des sources de vie irremplaçable... l’eau!

Pourtant, des milliers et des milliers de citoyens ont dit au gouvernement par l’entremise de la Commission Beauchamp qu’il est impérieux que le Québec se dote d’une politique de gestion de l’eau qui soit globale, intégrée et même écosystémique. Avec un canal d’oreille bouché par ses préjugés en faveur du secteur privé, le ministre Brassard tailladera dans les rivières du Québec, créant avec ses réservoirs en amont des barrages, des mouvements de sédiments qui modifieront ruisseaux et nappes phréatiques. La construction d’encore plus de barrages privés dévastera la flore riveraine, empêchera une certaine pêche sportive, la descente de canoë et kayak, polluera le paysage avec encore plus de tours de transport d’électricité vers les circuits d’Hydro-Québec et dotera les forêts et parcs du Québec de magnifiques cabanes en tôle abritant les équipements de production.

On nous a habitués à la privatisation à la pièce

Le cabinet des ministres, qui étudie le mémoire du ministre des Ressources naturelles sur les petits barrages privés, devrait surseoir à ce projet. La ministre de la Culture devrait avoir l’occasion d’identifier, comme elle en a le mandat, les rivières où les petits barrages seraient proscrits au nom de la protection du patrimoine aquatique de la virginité de certaines rivières. Le conseil des ministres devrait permettre au ministre de l’Environnement de présenter l’ensemble de sa politique de l’eau. Ensuite, il serait pertinent d’évaluer si oui ou non la production d’électricité par de petits barrages sur les rivières est toujours pertinente, compte tenu de l’accessibilité accrue à d’autres moyens de production.

Si le projet du ministre Brassard n’a pas encore fait frémir d’horreur les citoyens et citoyennes, c’est que très peu en sont informés. De constater la réaction de certains militants environnementaux et syndicalistes à ce sujet, me fait dire qu’on les a habitués à la privatisation à la pièce et que les gouvernements du Québec sont devenus spécialistes dans l’art de faire avaler à doses homéopathiques le transfert des services publics au secteur privé. C’est peut-être cela le modèle québécois tant vanté par l’élite politique?

Pour plus de détails, se rendre sur le site 0 http0//www.eausecours.org