D'une lune à l'autre

 

Des paroles de femmes, lues, vues, entendues après le Sommet des peuples se dégage nettement la nécessité de resserrer nos liens de solidarité tout en laissant chaque personne choisir le moyen d'action qui lui convient le mieux. L'accent est mis sur la nécessité d'une stratégie capable de renverser le rapport de forces qui, non seulement détruit la souveraineté des peuples au nom du profit mais, comme le dit si bien Louise Vandelac, nous fait sortir en douce de l'espèce humaine.

La diversité des voix fait désormais partie de notre paysage politique et de notre force commune.

La façon dont les médias ont couvert presque exclusivement les affrontements entre les policiers et une partie des forces antimondialisation a donné à penser qu'il y avait une scission entre la grande manifestation populaire du 21 et les groupes de désobéissance civile non violente contestant les décisions en vase clos du Sommet des 34, la violence institutionnalisée de l'État, la présence provocatrice du mur de la honte et d'un contingent disproportionné de policiers armés jusqu'aux dents.

Comme l'a très bien dit Nicole Nepton, créatrice avec Colette Lelièvre de l'excellent site Cybersolidaires (http0//pages.infinit.net/ffranco) 0 « Il n'y avait pas séparation entre les deux, mais un va-et-vient incessant, histoire de respirer un peu d'air frais. J'espère bien que les groupes de femmes et les groupes communautaires ont compris que la désobéissance civile non violente et l'exploitation efficace d'Internet sont devenues des armes incontournables si on veut changer notre monde injuste. Les autres moyens de pression ne fonctionnent plus ou si peu, tout en exigeant une quantité énorme de travail. »

L'apprentissage dans l'action

Plusieurs femmes ont souligné la solidarité, des sexes, des genres, des générations, des diverses communautés ethniques dans l'action. Face à la violence des forces de l'ordre, des milliers de manifestantEs pacifiques se sont forméEs sur le tas et seront mieux en mesure à l'avenir de répondre adéquatement à la répression policière. Les moyens de lutte ne devraient pas être une cause de dissension au sein des forces progressistes. Seuls le pouvoir et ses haut-parleurs médiatiques ont intérêt à instaurer une telle division.

Une manifestante qui signe Caroline a écrit sur la liste Net-femmes (http0//netfemmes.org) un témoignage éloquent et fort bien tourné sur la solidarité vécue 0 «En tout cas touchons du bois, ils n'ont pas encore réussi à nous diffuser des gaz anti-pensée; ils se les gardent pour eux. Leurs scénarios continuent d'être nuls, sans originalité, mais je vous invite malgré tout à vous joindre à nous lors de la prochaine représentation. Le spectacle y gagnera si le concept interactif est plus soutenu. […] Pendant ce temps, des filles ont réussi à filmer l'histoire “ hot ” 0 la côte d'Abraham et les câlines de pentes à pic et picantes où, en ce samedi après-midi ensoleillé, il y avait tellement de gaz et de poivre que le seul moyen de respirer et que ça cesse de brûler était… de faire des feux pour neutraliser la saudite chimie. Comme quoi il était encore assez facile de se foutre de la gueule des carapaçonnés. Y verra-t-on ces instants magnifiques où un archi-méchant anarchiste couvert du fameux masque à gaz, me bousculant archi-légèrement au passage, a pris le temps de dire “ excuse” alors qu'il courait vers les explosions ? Ou encore ce punk rondelet de ma connaissance venant vers moi et soulevant son masque à gaz comme on lève son chapeau pour saluer, qui s'assurait que j'aie assez de vinaigre. »

Madeleine Parent et la parole des femmes

Le 21 avril, à la grande manifestation des peuples des Amériques, on a pu voir à la tête du contingent des femmes 0 Madeleine Parent, Nora Cortiñas d'Argentine, Marta Buritica de Colombie, Rosangela de Souza de Calzavara. Des femmes de luttes, de continuité, de solidarité indéfectible. Madeleine Parent, qui a participé à plusieurs activités du Sommet des peuples, a été frappée par le fait que les femmes ne cèdent plus leur place aux hommes et que, dans les ateliers, autant sinon plus de femmes prenaient la parole avec conviction, connaissance des conditions et conscience des droits. On assiste maintenant, dit-elle, à des conférences d'hommes, de femmes et de jeunes qui ne veulent pas que la planète soit complètement empoisonnée avant qu'ils deviennent adultes. Pour elle, il faut donner le crédit de ces changements à la Marche mondiale des femmes de l'an 2000, lancée par la FFQ.

On ne s'étonnera pas d'entendre que Madeleine Parent est une des plus farouches adversaires de la ZLEA ! Elle s'indigne d'abord de la déclaration de Jean Chrétien selon laquelle seuls des pays démocratiques ont été invités au Sommet. Elle rappelle, entre autres exemples, que la Colombie a le record mondial des assassinats de syndicalistes par les paramilitaires. Dans les régions du pétrole et de la banane, on les kidnappe et on ne les revoit plus. En Bolivie, les gens luttent pour empêcher les grandes compagnies de s'approprier l'eau potable, mais le gouvernement favorise ces dernières en faisant de l'eau une marchandise alors que les gens en ont besoin pour leur vie. De beaux exemples de démocratie, en effet !

Elle dit avoir beaucoup de sympathie pour les militantEs qui ont affronté les forces policières. Elle comprend très bien que les jeunes aient ressenti l'insulte de ce mur de la honte dressé dans la belle ville de Québec. Face à la répression de la part de 2000 policiers équipés jusqu'aux dents pour faire peur à n'importe qui, les manifestantEs ont agi avec beaucoup de courage, d'astuce et d'humour, pense-t-elle, sans tomber dans le panneau des agents provocateurs. Pour Madeleine Parent, il est clair qu'à moins que la Charte des droits et les lois aient primauté sur le désir de profits et les droits commerciaux des richissimes, nous vivrons de terreur en terreur. (Source 0 entrevue Indicatif présent SRC)