Jacques Larue-Langlois 1934-2001

 

In Memoriam

Notre collaborateur et ami Jacques Larue-Langlois n’est plus. Il est décédé subitement le 18 juin. Jacques avait été très actif au cours des années 1970. Il s’était alors fait connaître comme journaliste, mais surtout en tant que porte-parole du Comité pour la libération des prisonniers politiques lors des procès des felquistes. Il avait été arrêté dans le cadre des Mesures de guerre, accusé de conspiration pour renverser le gouvernement du Canada et acquitté par un jury populaire. Au terme de sa carrière au département de Communications de l’UQAM, il s’était joint à l’aut’journal.

Jacques était un participant assidu à nos réunions d’équipe. Il y arrivait préparé, ayant épluché le journal. Son jugement, argumenté, était tranchant 0 « J’aime », « J’aime pas », « C’est bon », « C’est pas bon ». Mais il savait être motivant et, la plupart du temps, il concluait par un 0 « C’est un bon journal ! » ou encore « C’est le meilleur qu’on ait produit ! ».

Parfois, nous mangions ensemble au restaurant Mazurka avant la réunion d’équipe. La dernière fois, il me confiait son ennui devant la platitude de la situation politique actuelle. « Je pense que je vais mourir sans voir la Révolution. J’aurais tant aimé vivre une époque comme la Russie de 1917 », me disait-il. Je lui répondais par une de mes références favorites pour les moments de déprime 0 « On ne mesure pas le développement historique à l’étalon de notre vie. » Mais j’aurais pu tout aussi bien citer Raymond Lévesque 0 « Dans la grande chaîne de la vie... »

Puis, nous nous consolions en nous disant qu’il fallait tout au moins maintenir le flambeau allumé pour le passer aux plus jeunes. Le flambeau, Jacques n’a pas manqué de l’alimenter de sa ferveur. Relisez ses articles, vous verrez que c’était le plus radical d’entre-nous. Lisez ses dernières chroniques en page 3 et 18.

Salut, Jacques !

Pierre Dubuc

Jacques Larue-Langlois, un sage de la colère

La première chose qu’on remarquait lorsqu’on croisait Jacques Larue-Langlois, c’était ses yeux qui ont toujours rempli le cadre de ses lunettes d’un regard amusé, intelligent, frondeur et incrédule. La deuxième était son sourire lumineux et irrésistible.

On se connaissait depuis plus de trente ans et l’estime que nous avions l’un pour l’autre était demeurée inchangée. Sa ferveur était toujours la même et n’était tempérée qu’en apparence.

Depuis quelques années, on se voyait presqu’à tous les mois pour l’accouchement de l’aut’journal. Si vous me demandez comment il était la dernière fois où je l’ai rencontré, il y a à peine plus d’une semaine, je vous répondrai que son indignation n’avait pas pris une ride. Pour tout dire, elle s’était raffinée avec les années, purifiée, enrichie, concentrée, approfondie. Elle s’était libérée de toute amertume et refait une naïveté comme on se refait une beauté.

La sagesse de l’indignation, c’est la colère sereine et, à cet égard, Jacques Larue-Langlois était un sage. Lorsque j’ai appris sa mort, ça m’a mis et ça me met toujours en chrisse. Ma révolte n’est pas encore sereine, mais je me promets bien d’y travailler, Jacques !

Par solidarité.

Jean-Claude Germain

Salut grand'frère !

Je viens d'apprendre avec tristesse le départ de notre ami, confrère et journaliste formateur, Jacques Larue-Langlois. C'est un très gros morceau que l'on perd à l'autjournal et dans la gauche québécoise indépendantiste en général.

Mais pour moi, Jacques ça d'abord été l'âme des prisonniers politiques québécois des années soixante, soixante-dix et quatre-vingt.

Il fut à la fois la conscience, les yeux et la voix de trois générations de jeunes indépendantistes de gauche incarcérés sous de lourdes condamnations judiciaires en regard d'actions politiques reliées au Front de Libération du Québec. Du comité Vallières-Gagnon de 1966 à 1975, au comité Pierre-Paul Geoffroy (1976-80), au comité de libération des prisonniers politiques (CIPP) au début des années quatre-vingt, une même continuité 0 mettre en lumière les engagements concrets, les convictions profondes et les analyses politiques de ces détenuEs de l'ombre pour qui liberté, indépendance et émancipation sociale des peuples faisaient partie d'un seul et même combat sur terre. Devant le blocage médiatique, Jacques avait même mis sur pied en 1972, avec peu de moyens et beaucoup d'efficacité, l'Agence de Presse Libre du Québec, une fenêtre, destinée aux médias alternatifs, ouverte à la fois sur le Québec populaire et sur les luttes d'ailleurs. Une expérience qu'il a portée à bout de bras pendant plusieurs années. Un modèle de mondialisation des solidarités avant l'heure !

Salut grand'frère !

Paul Rose