Amérique latine 0 la marmite bouille !

 


Prisonnière du FMI et du libre-échange



Craignant les protestations de 50 000 activistes, le FMI et la Banque mondiale se disent prêts à réduire de deux semaines à deux jours leur prochaine rencontre annuelle pour éviter de « perturber les gens qui vivent et travaillent à Washington ». Ils n’ont toutefois pas le même souci envers les gens qui vivent et travaillent en Équateur, au Guatemala, en Argentine, au Mexique, en Bolivie et en Colombie comme l’ont montré les fortes perturbations de cet été dans ces pays qui nous paraissent de moins en moins lointains.

En Équateur, une grève des médecins d’hôpitaux publics a duré un mois et entraîné avec elle les autres travailleurs du secteur de la santé autour de la revendication d’augmenter le budget de la santé publique.

Le gouvernement de Gustavo Noboa se disait incapable de rencontrer les demandes des grévistes qu’il chiffrait à 40 millions $ alors qu’en mai dernier, il en avait dépensé dix fois plus pour venir en aide à la plus grande banque du pays (Filabanco) menacée de faillite. En pure perte, puisque la banque a fermé ses portes quand même.

Le 26 juillet, la police gazait 1200 médecins retranchés à l’hôpital Eugenio Espejo avec pour effet que 35 nouveaux-nés inhalaient des gaz lacrymogènes qui s’étaient frayé un chemin jusqu’à l’unité de maternité. Deux nourrissons sont morts dans les heures suivantes.

Jour de l’indépendance

Par ailleurs, le fort mouvement indigène équatorien parcourait le pays lors d’une marche «contre les politiques sociales et économiques du gouvernement » qui a duré 17 jours et culminé dans la capitale Quito le jour anniversaire de l’indépendance du pays. Parmi les nouvelles politiques contestées, la privatisation de la compagnie nationale d’électricité et une augmentation de la taxe de vente de 12 % à 14 %.

Comme les coupures et les privatisations, cette dernière mesure était une condition posée par le Fonds monétaire international (FMI) à l’octroi d’un prêt de 500millions $. Rejetée par le Congrès, elle était devenue décret présidentiel quand, le 7 août, la Cour constitutionnelle l’a finalement déclarée abusive.

Guatemala 0 maison du maire brûlée

Le Guatemala aussi était aux prises avec une augmentation de sa taxe de vente (de 10 % à 12 %) imposée par le FMI.

Ignorant les premières manifestations qui avaient secoué le pays le 10 juillet et auxquelles avaient participé même la Chambre de commerce et le Comité de coordination des associations commerciales, industrielles et financières (CACIF), le gouvernement d’Alfonso Portillo se préparait à appliquer la loi le 1er août.

De très fortes manifestations éclatèrent la journée même dans la capitale (Guatemala City) et dans le sud du pays où les cultivateurs de canne à sucre bloquèrent l’autoroute panaméricaine avec une caravane de 900 autobus et camions longue de 12 kilomètres.

Dans l’ouest de la capitale, à Totonipacan, les manifestants brûlèrent les maisons du maire, de son frère et de trois membres du Conseil de département en plus d’un édifice des impôts, d’une succursale bancaire et d’une station de radio privée. Le gouvernement répondit en décrétant trois jours d’état d’urgence dans cette localité, sous les yeux et protestations de la Mission de vérification des Nations unies pour le Guatemala (MINUGUA).

Argentine 0 chômeurs radicaux

En Argentine, la crise financière s’aggravait encore quand, le 10 juillet, le gouvernement de Fernando de la Rua augmentait de 9 % à 14 % en deux semaines le taux d’intérêt sur ses bons du Trésor pour « attirer les investisseurs étrangers » et, le lendemain, annonçait des coupures de 13 % dans les salaires des employés de la fonction publique et dans les retraites de ceux d’entre eux dépassant 300 $ par mois.

Aussitôt, le FMI débloquait une tranche de 1,2 milliard $ d’un prêt total de 13,7 milliards $ consenti à l’Argentine en décembre dernier.

Trois vagues de protestations à l’échelle nationale suivirent l’annonce des coupures 0 grève générale du 19 juillet (la sixième dans les 20 mois de pouvoir du gouvernement de « centre-gauche ») et innombrables blocages routiers du 31 juillet et des 7-8 août organisés principalement par les « Piqueteros » (Piqueteurs), un mouvement radical de chômeurs et de sous-employés apparu l’an dernier.

De plus, devant l’ampleur de la crise, les épargnants retirent leurs économies des banques (7 % des dépôts en juillet, soit 6 milliards $ !) et le ministre de l’Économie, Domingo Cavalho, le même qui, dix ans auparavant, avait institué la parité peso argentin-dollar américain, s’apprête maintenant à dévaluer le peso.

Mexique 0 droit à la nourriture

Au Mexique, le 8 août, de nombreuses associations paysannes marchaient à Mexico contre les politiques agraires du président Vicente Fox. Elles exigeaient l’allocation de 12 % du budget national à l’agriculture, l’inclusion de la nourriture en tant que droit inscrit dans la Constitution et la révision des accords commerciaux (tel l’ALENA) qui obligent le pays à importer des produits agricoles dont il n’a pas besoin.

Ainsi, en juin dernier, le président mexicain, dont le pays compte d’innombrables petits producteurs de maïs, abolissait les tarifs à l’importation (réductions de 127 % à 1 % !) sur les quantités de maïs jaune en provenance des États-Unis qui dépasseront les 3 millions de tonnes métriques déjà permises annuellement sans frais de douane. Cela signifie qu’il n’y a pratiquement plus de limite à son importation.

Selon les syndicats paysans, cela ne fera qu’aggraver une situation où (commerce oblige !) le marché mexicain est sursaturé de produits agricoles étrangers qui n’ont aucune difficulté à se vendre moins cher que leurs équivalents locaux.

Dans le cas des importations mexicaines de maïs américain, le New York Times (19 juillet) révélait que, depuis l’ALENA (1994), elles augmentent de 14 % et plus par année.

Bolivie 0 police et armée rendues folles

En Bolivie, un soulèvement paysan a duré tout l’été. Menés par un très dynamique leader, Felipe Quispe de la Confédération unie des travailleurs boliviens (CSUTCB) et supportés par une grande partie de la population, les paysans ont « rendu folles » l’armée et la police en bloquant des routes presque quotidiennement partout dans le pays sans jamais les annoncer à l’avance !

Ils exigeaient rien de moins que le retrait des articles 55 et 56 du décret 21060 de 1985 instaurant le modèle du libre marché en Bolivie.

Ce mouvement social avait commencé le 21 juin en partie pour appuyer les manifestations quotidiennes du « Mouvement des 10 000 endettés » qui, depuis le mois de mars, réclamaient de la part des banques l’élimination des dettes de moins de 5 000 $ pour les pauvres.

Manger de la dynamite

Le 2 juillet, 120 d’entre ces pauvres gens, exaspérés de parler au béton, envahissaient de façon spectaculaire l’Agence de supervision des banques à La Paz et prenaient en otage une centaine de hauts placés et d’employés.

Ils étaient armés de bâtons de dynamite attachés à leur corps et scandaient qu’ils étaient déterminés à se suicider devant la police si celle-ci intervenait.

« Pour les pauvres, lançait une occupante dans un mégaphone, il n’y a jamais de repos, jamais de justice. Les banquiers nous ont tout pris, nous laissant à manger des bâtons de dynamite. Nous nous retrouvons ici parce que seuls les négociants ont des droits. Nous vivons dans la rue, dans le froid de la nuit avec à peine un repas par jour depuis plus de 90 jours. Et personne ne nous écoute ! »

Colombie 0 retrait de la ZLEA

En Colombie, au risque d’être tués par les paramilitaires d’extrême-droite, les paysans bloquaient aussi des routes, le 31 juillet, journée de « grève nationale agraire ».

En plus de demander l’effacement des dettes des petits paysans, l’allocation de crédits supplémentaires à l’agriculture, la baisse des taux d’intérêts et le retrait du pays de la ZLEA, ils dénonçaient l’obligation pour le gouvernement d’importer des aliments qu’ils produisent déjà, ce qui tue l’agriculture nationale.

Ils accusaient aussi le FMI et les pays riches d’avoir provoqué la baisse du prix du café en stimulant sa surproduction mondiale. Le sac de café se vend à un minimum historique de 60 ¢, soit bien en dessous de qu’il coûte à produire pour le paysan colombien.