La canicule estivale fait pomper les démagogues de l’eau

 

« Un mois sans pluie ! J’avions pas cru qu’y f’rait tant hot que la firehouse dusse user de ses hoses pour que j’puissions rafraîchir le village », de déclarer Léon. Une telle phrase entendue en Acadie m’allume et un rapide recensement de la revue de presse estivale du Québec me fait comprendre que nous sommes tous sous la férule de la canicule.

Les journaux annoncent, sur un ton sportif, que Montréal a battu son record de chaleur qui remonte à 1947. L’inflation verbale s’empare des salles de presse et grâce au facteur Humidex, les citoyens et citoyennes apprennent qu’ils ont transpiré sous les 42 degrés Celsius.

Un journaliste d’enquête pousse la recherche jusqu’à nous expliquer comment se sentaient nos ancêtres dans leurs combinaisons et jupons de laine lors des canicules du début de la colonie française. À partir de mon bord de mer de vacancier, j’étions fort aise de lire autant d’analyses chaleureuses qui tentaient de m’informer sur l’état de l’eau durant cette période de sécheresse.

À Montréal, on manque d’eau losqu’elle gèle

La revue de presse m’apprend que la sécheresse menace les réserves d’eau de plusieurs municipalités. Des centaines d’interdictions d’arroser sont en vigueur dans autant de municipalités à travers le Québec. Les pompiers de certaines villes circulent dans les rues pour sensibiliser la population; « certaines personnes laissent leur arrosoir fonctionner toute la journée ou toute la nuit », mentionne un directeur d’usine de filtration. Certaines villes donnent des contraventions à ceux qui transgressent les règlements de conservation d’eau.

« Il n’y a jamais eu de restriction d’eau à Montréal, sauf pendant la crise du verglas », explique André Lazure, de la Ville de Montréal. Dans certains villages, des avis de faire bouillir l’eau sont en vigueur et, en gros, la situation est intenable pour les réseaux d’aqueduc qui avaient déjà des problèmes avant la canicule.

Pénurie or not pénurie

Au-delà des titres accrocheurs, pas un seul article de presse ne démontre une réelle pénurie d’eau. Par contre, les déclarations des intervenants publics tentent de culpabiliser le citoyen face à sa douche et l’arrosage de ses plantes. Serait-il responsable d’une pénurie appréhendée ?

Lors d’entrevues avec des gestionnaires de réseau d’aqueduc, c’est le noui qui l’emporte. Il faut faire la différence, disent-ils, entre la conservation de l’eau et sa filtration. La pénurie serait presque à nos portes si l’on considère la capacité de filtration des usines déjà en place et la capacité d’emmagasiner l’eau dans des réservoirs.

Mais ce n’est pas de conservation ou de pérennité de l’eau dont il est généralement question dans l’information transmise au public par les médias. « Il semble que les politiciens et politiciennes considèrent l’eau surtout sous le seul aspect financier et se foutent royalement de sa pérennité », nous dit ce directeur d’usine qui souhaite garder l’anonymat.

La consommation de l’eau n’influence pas son coût de production

Des économies de coûts peuvent être importantes pour la ville seulement si la diminution de la consommation de l’eau évite de faire des investissements pour augmenter la capacité des usines de filtration. Il est toujours vrai que plus la consommation augmente plus les coûts d’opération augmentent pour la ville. Par contre, une diminution importante de la consommation pourrait coûter encore plus cher à la ville qui tarifie l’eau au compteur.

Dans l’établissement des coûts, une certaine logique comptable oblige à tenir compte des investissements nécessaires pour livrer l’eau aux consommateurs. Les gestionnaires expliquent que, peu importe si on consomme de l’eau ou pas, l’usine de filtration est toujours là. La dette sur l’emprunt pour la construction et l’entretien de l’usine et du réseau de distribution doit être payée, les employés doivent continuer à être rémunérés. Donc, la fluctuation de la consommation de l’eau influence peu les coûts incompressibles de production.

Quand les égoûts manquent d’eau, ça bloque

À Dundas, en Ontario, une recherche développée par la ville et un groupe communautaire nommé Green Venture, en est arrivée à la conclusion qu’il coûtait 5 cents pour traiter un mètre cube d’eau et 35 cents pour le rendre à la résidence. Donc, le citoyen est facturé au tarif de 40 cents le mètre cube d’eau. À partir de ces chiffres, pour chaque mètre cube non utilisé, les citoyens épargnent 40 cents sur la facturation au compteur; la ville, elle, perd 35 cents de revenus à cause des coûts incompressibles. Voilà pourquoi plusieurs villes évitent de se doter d’un programme de conservation de l’eau.

Pire, certains spécialistes affirment qu’il ne faut pas trop diminuer la consommation d’eau car le système d’égout pourrait en être affecté. Car, généralement, c’est par la gravité et la quantité d’eau que les excréments les plus lourds sont transportés dans le réseau d’égout jusqu’à l’usine de filtration des eaux usées. Un manque d’eau signifierait des blocages dans le réseau. De plus, il faut considérer le fait que plusieurs villes vendent de l’eau à d’autres villes et tentent, ce faisant, de dégager un certain profit. D’épiques batailles sont livrées devant la Commission municipale du Québec pour fixer le prix de vente de l’eau entre les municipalités.

C’est encore l’eau qui fait la bière

Il faut dire qu’il n’est pas encore rentable politiquement pour la mairie d’expliquer que les arbres récemment plantés, que les fleurs dans les plates-bandes de rues et les pots accrochés aux lampadaires sont flétris ou morts par absence d’arrosages dans le seul but d’économiser de l’eau ! La gestion de l’eau par les municipalités fait réfléchir, lorsque l’on apprend que l’arrosoir de rue, les balais de rue, la glace dans les patinoires, les bornes-fontaines utilisées par les pompiers, le lavage des camions et appareils de la ville utilisent de l’eau potable !

Il faut se demander alors, pourquoi votre mairesse ou maire fait porter la responsabilité de l’économie de l’eau uniquement à la population et dit l’éduquer en recommandant de fermer le robinet pendant un brossage de dents ? Si une partie du discours n’est pas fausse, pourquoi ne reprochent-ils pas aux commerces de ne pas diminuer leur consommation d’eau ou leur climatisation dont le système de refroidissement utilise de l’eau de l’aqueduc ?

C’est qu’ils ne veulent pas perdre des revenus tarifés, ils n’osent pas aviser les entreprises brassicoles ou d’eau gazeuse de réduire la vente de bière ou de boisson gazeuse durant une canicule, car ces opérations augmentent la consommation d’eau, donc les revenus de tarification. Intervenir obligerait la ville à promulguer un règlement, sévir et surtout s’astreindre à économiser l’eau elle-même.

Petits gaspilleurs, grands pollueurs

Peu importe les discours démagogiques, il faut éviter de gaspiller chaque goutte d’eau. Par contre, ne soyons pas dupes en nous accablant de toute la responsabilité de la pérennité de l’eau. La conservation de l’eau et les économies de coûts se réaliseraient plus rapidement si les vrais grands consommateurs et pollueurs d’eau étaient mis au pas !

Une mine consomme plus d’eau qu’une usine de filtration

Si c’est la question de la pérennité de l’eau qui vous importe, il faut savoir que, toutes sources d’approvisionnement confondues, ce sont les activités liées à l’agro-alimentaire et à la grande industrie qui consomment le plus. Pour se faire une idée des quantités impliquées, prenons l’exemple de l’usine de filtration de Sainte-Rose à Laval qui consomme 416 351 gallons d’eau par jour pour desservir tous les citoyens, commerces et industries de son territoire.

Par contre, une seule industrie comme celle du projet de mine à Oka consommera 489 600 gallons d’eau par jour; cela donne une idée de l’importance de la consommation quotidienne des industries.

Pour ne rien manquer du débat sur l'eau, voir le site 0 www.eausecours.org